En enregistrant ses chansons de jeunesse écrites entre 14 et 22 ans, Philémon Cimon a renoué avec le feu de son adolescence. Et cela nous offre un aperçu unique du cerveau d’un adolescent.
Publié à 1h06
Mis à jour à 7h00
Quatorze ans pour une première chanson, c’est encore tôt ! « Je crois que j’avais hâte de parler… », répond l’auteur-compositeur-interprète, qui explique que la musique « a donné vie » au jeune garçon taciturne et anxieux qu’il était.
« J’avais du mal à vivre, l’anxiété m’étouffait. La première chose que j’ai faite quand j’ai appris la guitare a été de composer des morceaux. Oui, j’ai été précoce, mais c’est venu d’une urgence, d’une envie. »
Dans cette chanson au titre délicieux je suis tout seul dans le grenierPhilémon Cimon a l’impression qu’il se projetait dans ce qu’il deviendra 15-20 ans plus tard. « Je trouve surprenantes les intuitions qu’on a à cet âge. »
Extrait de je suis tout seul dans le grenier
À l’époque, celui qui s’appelait encore Philémon Bergeron-Langlois – Cimon est le nom de famille de sa grand-mère – chantait beaucoup ces chansons, pour ses amis, lors de concours, lors de voyages. C’est la première fois qu’il les enregistre, et il a voulu le faire sans les mépriser, les mépriser ou les corriger, en les interprétant avec son cœur et sans passer à l’acte.
« J’ai dû les réhabiter en assumant la responsabilité de ce qu’il y avait en moi. Rendre justice à ce que j’essayais d’exprimer à ce moment-là. » En les chantant, il s’est senti plus proche d’eux qu’il ne le pensait, et il a décidé de tout accepter, même la frustration, même la colère, même la violence.
« Nous vivons tous des choses comme ça dans nos vies. Si nous n’en assumons pas la responsabilité, elle continue d’être active et la situation empire. »
Passage obligatoire
Pour beaucoup de gens, l’adolescence est une période un peu gênante ou douloureuse, qu’ils préfèrent oublier. Philémon Cimon a décidé de se regarder en face. « J’ai l’impression que quand on ne l’assume pas pleinement, on ne s’en sort pas. Laissez-le rester en nous. C’est pour cela que j’ai fait ce travail, pour débloquer ce qui tentait de passer. »
Pour lui, l’adolescence est comme un passage obligé, un « rideau de feu » à franchir. Mais si nous nous souvenions davantage de cette période incandescente et absolutiste de notre vie, peut-être comprendrions-nous mieux la jeunesse ! Il acquiesce.
Ce qu’un adolescent veut détruire, c’est le monde rigide des adultes. Qui ont refoulé leur adolescence, et qui ne laissent aucune place à cette folie.
Philémon Cimon
Aujourd’hui âgé d’une quarantaine d’années, Philémon Cimon considère ces 19 chansons comme la chose la plus importante qu’il ait faite dans sa vie. Il regrette de les avoir rangés dans un tiroir parce qu’on lui avait dit qu’ils ne « rentraient pas », ou parce qu’ils n’étaient « pas vendables ». C’est un peu le sens qu’il veut aujourd’hui donner à ce projet.
« J’ai réalisé à quel point cela me faisait mal d’abandonner ces pièces pour des raisons professionnelles, pour faire plaisir aux autres, pour avoir peur. Je veux qu’on prenne très au sérieux ce qui nous parle, au-delà des injonctions de réussite ou de compétition. »
Ouvrir
Mon adolescence – Vol. 1-2 (14 à 19 ans/20 à 22 ans) sorti de manière indépendante, sur son label, ce qui pourrait lui permettre d’avoir accès à certaines subventions. “Mais l’industrie musicale n’est pas faite pour les artistes indépendants, même si nous sommes majoritaires”, juge le chanteur, qui s’est beaucoup exprimé ces dernières années pour dénoncer les pratiques de l’industrie défavorables aux artistes.
« J’étais indigné, puis je me suis mis en colère, mais j’ai essayé d’arrêter parce que cela ne me faisait pas du bien. Je n’ai plus envie d’être en colère, je n’ai plus envie de travailler avec des gens où il y aurait des relations de collaboration. »
Maintenant que l’album est sorti, Philémon Cimon espère que cela lui permettra de se remettre à composer des chansons. « Ce que j’aimerais dans les mois à venir, c’est composer un album. Chaque album casse quelque chose, et celui-ci est bloqué depuis 20 ans. Je le mets à l’air libre pour ouvrir quelque chose. »
Il aimerait aussi pouvoir chanter ces chansons dans un spectacle. Mais pour y arriver, il doit travailler en équipe, a-t-il conclu. «Je veux plus de coopération entre artistes, de solidarité. »
Quand il voit jusqu’où Lou-Adriane Cassidy a poussé la chanson C’est bon, c’est bonqu’il a écrit pour elle, il est fier, ému et veut recommencer. « Je trouve ça beau. Ce que je veux, c’est continuer à créer. C’est l’endroit où je suis à mon meilleur au monde. »
Chanson
Mon adolescence – Vol. 1-2 (14 à 19 ans / 20 à 22 ans)
Philemon Cimon
Indépendant