Le Grand Prix de Barcelone était le dernier d’Aleix Espargaro en MotoGP, du moins en tant que titulaire. Mine de rien, c’est l’un des pilotes les plus expérimentés qui quitte la compétition. L’occasion de revenir sur son parcours mais aussi sur sa légende. Il n’était pas comme les autres et ça va nous manquer.
Sorti de nulle part
Beaucoup de mes lecteurs le savent, J’ai toujours apprécié Aleix Espargaro, en plus de le considérer comme un très grand. Le titre de légende est sans doute trop fort pour lui, mais il n’en demeure pas moins qu’il fait selon moi l’un des meilleurs pilotes du 21ème siècle.
Certes, il lui manque le palmarès, et c’est déjà beaucoup. Arrivé fin 2004 dans la catégorie 125cc, il n’a jamais remporté un seul titre de champion du monde, et même n’a jamais participé à une quelconque course au titre. Malgré cela, son passage sur la scène mondiale est un pur exemple de résilience. En fait, il n’a eu aucun succès pendant plusieurs années. Dès le début, sa carrière est chaotique, avec un passage en 250cc au milieu de la saison 2006, puis une nouvelle ascension, toujours au cours de la saison 2009, du 250cc au MotoGP. Il a roulé avec de bonnes et de mauvaises équipes, mais n’a jamais abandonné. Sa première demi-saison en MotoGP avec Ducati Pramac n’a pas porté ses fruits. Il revient en Moto2 pour l’exercice 2011, et, on le sait, il est rarissime que le destin de ces hommes hors du commun leur donne une seconde chance. Et pourtant.
Oh, cet Aleix là…
Grâce au règlement CRT, il a pu revenir en MotoGP par la petite porte, chez ART, avec des Aprilia bien moins puissantes que les Yamaha et Honda d’usine. Pour moi, c’est là qu’il était le plus fort. Pas en 2022 ou 2023, mais de 2012 à 2014, où il a concouru, malgré un matériel bien inférieur, avec les meilleurs pilotes de la catégorie. Ces années, à mon avis, ont fait une grande partie de la légende d’Aleix Espargaro. Sur un Forward-Yamaha en difficulté, il a réussi à se hisser en pole position à Assen, ainsi qu’à terminer deuxième du Grand Prix d’Aragon 2014, après un duel avec Cal Crutchlow, officiel Ducati. C’était monstrueux.
C’est grâce à ce talent pour réussir sur des machines difficiles que Suzuki l’engage pour son grand retour en MotoGP, en 2015. Accompagné de Maverick Vinales, il ne lui faudra pas longtemps pour briller. A Barcelone, sur son circuit, il a marqué le premier (et le seul !) pour Suzuki sur son engagement 2015-2022. La victoire n’est cependant pas venue, mais il ne faut pas oublier que c’est lui qui a donné naissance à ce programme.
Exactement comme celui d’Aprilia, qui végétait en fond de grille avant l’arrivée d’Aleix en 2017. Là encore, il a fait de la firme Noale – avec les ingénieurs, bien sûr – une puissance majeure sur la grille MotoGP. Aleix, particulièrement doué en développement, a également été recruté par le HRC pour développer le RC213V, gage d’une extrême confiance. L’histoire assure que c’est un bon choix.
Un pilote différent
Il était également excellent chez Suzuki, et meilleur que Vinales, même s’il n’a jamais remporté de course sur la GSX-RR.
Or, pourquoi était-il si peu apprécié du public, notamment en France ? Je n’ai jamais vraiment compris cette mode, car même si Johann Zarco et lui ne s’entendent pas bien, je ne vois pas l’intérêt de défendre avec autant d’assurance un seul des deux pour résoudre leurs différends. Mais bon, je ne suis pas là pour parler des limites du fanatisme, du moins pas aujourd’hui.
Quoi qu’il en soit, Aleix Espargaro, assez bruyant, un peu arrogant mais toujours souriant, c’était différent, car il disait ce qu’il pensait, qu’on le veuille ou non.. Aleix n’a jamais été compris, c’était juste un passionné qui voulait profiter pleinement de son expérience du monde, toujours accompagné de ses proches.
Un peu comme son frère, j’en viens à me demander comment on ne peut pas apprécier la présence de phénomènes de ce genre en MotoGP, alors que notre société devient de plus en plus lisse, sans relief, comme inventée. Les pilotes, dès leur plus jeune âge, apprennent à répondre à la presse, à ne plus se fâcher, même s’ils perdent leur Grand Prix national de quelques millièmes (demander à Collin Veijer). Les profils comme ceux des frères Espargaro ou de Johann Zarco sont donc bons. Et le départ d’Aleix, en ce sens, laissera un grand vide.
Je n’ai même pas parlé de ses compétences au guidon, de sa vue incroyable ou de ses trois victoires en MotoGP, toutes aussi émouvantes les unes que les autres. Je me souviens encore de son triomphe à Silverstone en 2023, pour moi le plus beau de ses succès. Son lien avec Barcelone, aussi, son circuit, à deux pas de sa maison d’enfance et cette revanche en 2023, un an après avoir perdu la deuxième place en ayant fait la fête trop tôt.
Aleix a influencé une grande partie de ma vie de fan de Grand Prix, et forcément, Je ne pouvais pas le laisser partir sans un dernier article…mais je suis sûr que le personnage qu’il est fera encore parler de lui.
Et vous, que retenez-vous d’Aleix Espargaro ? Aimez-vous son personnage ? Dites-le-moi dans les commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur, et non de l’ensemble de la rédaction.
La fin d’une époque. Photo : Michelin Motorsport
Photo de couverture : Michelin Motorsport