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la « détresse » des étrangers visés par une OQTF, une obligation de quitter la

Publié le 18/01/2025 à 7h00

Écrit par Pierre De Baudouin


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Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre François Bayrou a dénoncé mardi le faible taux d’exécution des OQTF, les obligations de quitter le territoire français. Travail, études, relations… Les étrangers visés par cette procédure administrative témoignent des conséquences sur leur vie personnelle.

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Le courrier, adressé par la préfecture de police de Paris, annonce à Pierre* que sa demande de titre de séjour est «rejeté“et c’est en conséquence”contraint de quitter le territoire français« . Comme des milliers d’étrangers installés chaque année en région parisienne, ce Géorgien de 43 ans, qui a quitté son pays en raison de discriminations homophobes, fait désormais l’objet d’une OQTF. S’il ne part pas dans un “un délai de 30 jours pour retourner dans le pays de sa nationalité ou tout pays dans lequel il est légalement admissible“, “cette décision de suppression sera mise en œuvre», prévient la lettre.

De quoi plonger dans le «détresse» son partenaire français, David*, avec qui il est pacsé depuis près de deux ans. Le couple vit à Paris.Il est arrivé en France en 2019 avec un visa touristique et il n’en est pas reparti, dit son partenaire. Il a ensuite demandé l’asile, qui a été rejetée quelques mois plus tard. Depuis, il est en situation irrégulière. Nous nous sommes rencontrés en 2021, ce fut un coup de foudre.

C’est le flou total… Nous sommes livrés à nous-mêmes

David, pacsé avec Pierre, un Géorgien visé par une OQTF

L’année dernière, un an après notre pacs, dès que nous le pouvions, il a demandé un titre de séjour, continue-t-il. Nous avons attendu la réponse jusqu’à recevoir cette lettre la semaine dernière. Et la lettre est datée de décembre, donc on ne sait même pas quand commence le délai de 30 jours. C’est le flou total, je ne sais plus où donner de la tête, on est livrés à nous-mêmes. Nous avons contacté tous nos proches pour recueillir un maximum de témoignages, prouver que nous sommes réellement en couple et que ce n’est pas une affaire de papiers.

Je crois que l’État ne doit pas décider de notre vie amoureuse, dénonce David. En Géorgie, si la famille découvre que vous êtes gay, c’est fini pour vous. En France, Pierre est un honnête citoyen. C’est un peintre en bâtiment, il veut contribuer à la richesse de notre pays. Et je suis handicapé, je ne peux pas vivre seul. C’est horrible. Nous avions prévu de démarrer notre entreprise ensemble.

Marcela* vit en France depuis 2022.Je suis arrivé avec un visa au pair, retrace cette Brésilienne de 24 ans, qui vit dans les Hauts-de-Seine. La validité de ce visa, renouvelé en 2023, a pris fin l’été dernier. Je souhaitais démarrer un projet d’études, mais mon inscription en master a été refusée en raison d’un niveau de français jugé insuffisant. Avant l’expiration de mon visa au pair, j’ai donc demandé un visa étudiant, avec inscription à de nouveaux cours de français.

J’ai envoyé tous les papiers demandés, continue-t-elle. Je n’ai eu aucune réponse pendant cinq mois. Au bout d’un moment, j’ai contacté un avocat qui m’a conseillé d’envoyer un courrier à la préfecture pour clarifier la situation. Quelques jours plus tard, je reçois une lettre recommandée, avec une OQTF. C’est une humiliation. Même en fournissant tous les documents, et pendant que je travaille et contribue au pays, en faisant tous les efforts demandés, c’est un refus.

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Il y a un grand sentiment d’insécurité, d’anxiété et d’incompréhension

Marcela, une Brésilienne ciblée par une OQTF

Je me retrouve incapable de suivre mes projets, c’est tellement triste, décrit Marcela. Pire : en plus de l’OQTF, j’ai reçu une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF). Si je pars, je ne peux pas revenir. J’ai l’impression d’être traité comme un terroriste, c’est choquant. J’ai saisi le tribunal administratif contre cette interdiction de retour et demandé mon titre de séjour étudiant. J’attends toujours une réponse, c’est long.

C’est une situation extrêmement sensible, chaque jour je consulte ma boîte mail, se lamente-t-elle. Je ne sais pas ce qui va se passer. Il y a un grand sentiment d’insécurité, d’anxiété et d’incompréhension : j’ai des amis dans la même situation, mais qui habitent à Paris et à Versailles par exemple, ils ont obtenu le visa étudiant facilement. A Nanterre, elle s’applique différemment. Mais je reste positif, la justice prendra la bonne décision.

Mélanie Louis, responsable nationale des questions relatives à l’expulsion du territoire à la Cimade, souligne qu’en région parisienne, «la livraison d’OQTF est particulièrement élevée« . Elle cite un rapport de la Cour des comptes publié début 2024, qui dénombre de 2019 à 2022 plus de 50 000 OQTF en Île-de-France, soit 38 % des mesures livrées en France sur cette période. “Au niveau national, nous avons en moyenne 120 000 OQTF par an», note-t-elle.

L’OQTF est une mesure administrative qui vise à expulser une personne du territoire français, et c’est la mesure d’expulsion phare en France, explique le responsable de l’association d’accompagnement des migrants. La décision peut être notifiée à la suite d’un refus d’obtention ou de renouvellement d’un titre de séjour, ou de son retrait. Cela concerne également les personnes dont le droit d’asile a été refusé, ainsi que les personnes en situation irrégulière qui ne présentent pas les documents demandés lors d’un contrôle d’identité. Il y a aussi le cas des étrangers en prison, et enfin le cas des citoyens de l’Union européenne dans certaines circonstances.

Les discours stigmatisent les étrangers, avec un amalgame volontairement entretenu entre immigration et délinquance

Mélanie Louis, responsable nationale des questions liées à l’expulsion du territoire à la Cimade

La Cimade réclame «une politique d’accueil“. Mélanie Louis denounces “une machine à expulser à tout prix» : «Les discours politiques et médiatiques stigmatisent les étrangers, présentés comme hors-la-loi et indésirables, avec un amalgame volontairement entretenu entre immigration et délinquance. Ceci permet de justifier la systématisation des OQTF. Nos voisins européens prennent beaucoup moins ce type de mesure, moins d’un quart par rapport à la France.

Et d’ajouter : «Cependant, la France présente également un faible taux d’exécution des OQTF, inférieur à 10 %. Retours forcés, systèmes de détention, restrictions de liberté… Ce chiffre justifie à son tour de multiples réformes, aux résultats loin des objectifs escomptés, mais qui impactent fortement les droits fondamentaux des personnes en situation irrégulière, avec notamment une systématisation des interdictions de retour. C’est aussi une usine à sans-papiers, qui bloque les procédures de régularisation et exclut ces personnes de la société.

Mélanie Louis also points out a “politique de surveillance», alors que la récente loi sur l’immigration votée par Gérald Darmanin a prolongé de 1 à 3 ans »la durée exécutoire“OQTF -“une période pendant laquelle la personne peut être placée en détention ou assignée à résidence en vue d’une expulsion forcée« . Manque de protection de «les personnes venant de pays en guerre ou risquant de subir des traitements inhumains ou dégradants“, “défaut d’examen des situations personnelles“, “menace présumée pour l’ordre public, non caractérisée« …L’association dénonce également les pratiques des préfectures et les délais de recours »trop court« .

Contactée, la préfecture des Hauts-de-Seine n’a pas répondu à ce stade à nos questions. De son côté, la préfecture de police de Paris saisit la Direction générale des étrangers en France (DGEF), un service du ministère de l’Intérieur, qui n’a pas répondu à nos sollicitations.

*Les prénoms ont été modifiés.

 
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