Le nombre de jours propices aux patinoires dans le sud du Québec est passé de plus de soixante à à peine quarante par hiver. Une diminution de 30 % en l’espace d’un demi-siècle.
« Il ne gèle plus assez », répond d’emblée Marie-Michelle Crevier lorsqu’on lui demande pourquoi il n’est plus possible de patiner sur la rivière des Mille Îles, derrière l’église Saint-Eustache. L’adjointe aux communications de la municipalité explique que la patinoire n’a pu être ouverte à l’hiver 2020-2021. Il n’a pas rouvert depuis. Il est possible d’y patiner depuis 1987.
Dans un dossier publié par La presse Dimanche, le chercheur Robert McLeman a précisé que la température idéale pour une patinoire est de -5°C.
Lire le dossier « Patinoire traditionnelle de quartier : des patineurs en quête de glace »
Nous avons donc collecté des données historiques provenant de 19 stations météorologiques réparties dans tout le sud du Québec. À chaque station, nous avons compté le nombre de jours où la température maximale était inférieure à -5 degrés au cours des 50 dernières années.
Les grands hivers cèdent la place à des hivers terribles. Dans la seconde moitié des années 1970, chaque hiver comptait en moyenne 62 jours avec une température maximale inférieure à -5°C.
Au cours des cinq dernières années (2019 à 2023), cette moyenne est tombée à 43, soit une diminution de 30 % sur une période de 50 ans, pour l’ensemble des stations examinées.
En général, plus une station météorologique est située plus au nord, moins elle perd de temps de glace. À Chibougamau, par exemple, on est passé de 100 jours de moins que -5°C dans les années 1970 à 86 jours entre 2019 et 2023, soit une diminution de 14 %.
Dans les stations situées en Abitibi et au Saguenay–Lac-Saint-Jean, la diminution était de l’ordre de 20 %. Il était d’environ 25 % pour les stations de la Côte-Nord (Baie-Comeau et Sept-Îles).
À Saint-Hyacinthe, on pouvait patiner sur la rivière Yamaska entre 1990 et 2010, selon les archives du Courrier de Saint-Hyacinthe. Sarah-Maude Cloutier, du service des loisirs de la Ville, explique qu’il devenait impossible d’offrir des conditions sécuritaires aux citoyens. Ces dernières années, la patinoire sur la rivière ne pouvait être ouverte que 12 jours par hiver.
Réduire de moitié à Montréal
Plus au sud, la diminution dépasse la moyenne québécoise. À Montréal, c’est même près de 50 %.
S’il y avait 53 jours par an propices aux patinoires dans la métropole entre 1975 et 1979, ce nombre était tombé à 27 durant la période 2019 à 2023.
Pour voir à quoi s’attendre au cours des prochaines années, La presse a fait deux projections sur les données du dernier demi-siècle. Les résultats donnent une idée du moment où il ne restera plus de jours avec des températures idéales pour patiner en plein air dans la ville où le hockey sur glace a été inventé.
Dans un cas, cette situation survient à partir de 2036. Dans l’autre, nous avons un sursis jusqu’en 2101.
Canal Rideau stratégique
Mais les organisations s’adaptent déjà. «Notre priorité au cours des dernières années a été d’adapter nos opérations», confirme Maryam El-Akhrass, conseillère en communications à la Commission de la capitale nationale (CCN), qui gère la célèbre patinoire du canal Rideau.
« Certaines stratégies ont déjà été mises en place, comme l’utilisation d’équipements plus légers et des techniques avancées qui permettent de créer de la glace plus tôt dans la saison. […] ce qui pourrait contribuer à une formation plus rapide de la glace. »
L’arrosage, qui a déjà commencé, devrait permettre au canal d’accueillir les patineurs cet hiver. Toutefois, l’épaisseur de la glace doit atteindre 30 cm pour que les conditions soient sécuritaires. En 2023, la CCN a dû renoncer à ouvrir le canal aux patineurs pour la première fois depuis son ouverture en 1971.
«Nous ouvrons 90 jours, en hiver, et nous nous sommes toujours adaptés à la météo», explique Marc-Antoine Binette, responsable du labyrinthe glacé du Domaine Enchanteur, à Notre-Dame-du-Mont-Carmel, en Mauricie. Le couvert forestier dans lequel les patineurs peuvent circuler offre déjà une certaine protection contre la pluie ou le fort soleil. Malgré tout, M. Binette demeure optimiste et ne voit pas le jour où la patinoire extérieure devra cesser ses activités en raison d’hivers trop doux.
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