Le Mexique « ne mérite pas sa place à la table », insiste depuis novembre Doug Ford, en parlant de la promesse du président élu Donald Trump d’imposer des droits de douane de 25 % au Canada et au Mexique pour lutter contre la prolifération des drogues. aux États-Unis.
Le premier ministre Ford continue de proclamer sa frustration face au fait que Donald Trump ait placé le Canada et le Mexique sur un pied d’égalité en matière de sécurité à la frontière américaine.
Exclusion de l’ACEUM
Au Canada, c’est Doug Ford qui a été le premier à suggérer que le Mexique soit exclu d’éventuelles négociations de l’accord de libre-échange de biens et services qui lie les trois pays nord-américains depuis 30 ans.
Suivant les traces du premier ministre Ford, le gouvernement Trudeau a fait écho aux propos de Donald Trump, affirmant que les entreprises chinoises utilisent le Mexique comme une « porte dérobée » pour introduire des pièces automobiles aux États-Unis.
Ottawa n’a pas exclu l’idée de négocier son propre accord de libre-échange avec Washington, mais Justin Trudeau a indiqué que ce n’était pas son « premier choix ».
Néanmoins, les commentaires de Doug Ford ont fait le tour de l’Amérique du Nord et sont parvenus aux oreilles de la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum.
L’exclusion du Mexique de l’ACEUM « est une proposition qui n’a pas d’avenir », a-t-elle réagi le mois dernier.
Respect
Depuis, le président Sheinbaum et les Mexicains déplorent la réaction du Canada aux discussions sur les relations commerciales entre les trois pays nord-américains.
Les chroniqueurs et caricaturistes mexicains se sont moqués de leur voisin du nord, allant jusqu’à dire que le Canada est le paillasson des États-Unis.
Claudia Sheinbaum a demandé que son pays soit « respecté, notamment par ses partenaires commerciaux ».
Elle a également souligné que le Canada a « un problème très sérieux avec la consommation de fentanyl », plus que le Mexique, et peut-être en raison de certaines mesures de décriminalisation des drogues.
“Nous n’allons pas nous laisser entraîner dans une provocation pour déterminer quel pays est le meilleur”, a-t-elle également déclaré, attribuant certaines critiques à l’égard du Canada à des manœuvres politiques.
« Le Mexique ne devrait pas être utilisé dans les campagnes électorales [canadiennes]», a-t-elle déclaré.
Les propos de Mme Sheinbaum ont pris tout leur sens cette semaine, alors que le gouvernement Trudeau est plongé dans une crise politique et se prépare à tomber.
Partenaire important
Le Canada serait sur la mauvaise voie s’il abandonnait ses relations diplomatiques avec le Mexique, selon la professeure titulaire à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa et directrice de l’Observatoire de la violence, de la criminalisation et de la démocratie, Marie-Christine Doran.
« En termes de relations internationales, le Mexique est un partenaire très important du Canada. C’est un pays démocratique, qui respecte les droits de l’homme», note l’expert.
Doug Ford « a vraiment piqué » les Mexicains « lorsqu’il a dit que c’était une insulte de comparer les deux pays », ajoute-t-elle.
Selon Marie-Christine Doran, Doug Ford, appuyé par ses homologues des autres provinces, a tenu des propos « imprudents », et « étant donné l’importance de ce partenaire économique, c’était la pire chose qu’il pouvait dire ».
Intimidateur
Donald Trump joue à un jeu deintimidateur cour d’école», métaphorise le spécialiste.
« Nous sommes deux pays de moindre importance par rapport aux États-Unis, et au lieu de travailler ensemble, compte tenu des liens commerciaux évidents entre les deux pays, nous ouvrons la voie à Donald Trump dans cette perspective de tyran de cour d’école », soutient le professeur.
L’analogie est que le président élu “fait semblant d’être ami avec ses voisins, avant de planter un couteau dans le dos de chacun d’eux, et profite de la discorde qu’il provoque”, ajoute-elle.
Doug Ford aurait donc mordu à l’hameçon.
En plus d’être premier ministre de la plus grande province du pays, il est président du Conseil de la fédération, qui regroupe les premiers ministres des provinces et territoires du Canada.
Son influence ne passe pas inaperçue.
L’ancien premier ministre du Québec, Jean Charest, le père du Conseil de la fédération, a d’ailleurs mis en garde le Canada contre une possible aliénation du Mexique ces dernières semaines.
Selon Marie-Christine Doran, il est surprenant de constater qu’à l’exception de M. Charest, très peu de politiciens au pays se sont prononcés sur le risque que court le Canada s’il ne maintient pas ses relations commerciales avec le Mexique. .
Marché prioritaire
Le Mexique est un marché prioritaire pour le Canada.
Après les États-Unis et la Chine, ce pays est le troisième partenaire commercial du Canada, qui y a investi 40,4 milliards de dollars en 2023.
Le Canada est le quatrième partenaire commercial du Mexique.
Les deux pays ont signé, en 2023, un plan d’action visant à « bâtir des sociétés plus prospères, durables, sûres et équitables pour tous ».
Ce plan repose sur différentes priorités communes, telles que la réconciliation avec les peuples autochtones, l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, le commerce, la lutte contre le racisme, l’environnement et le changement climatique, entre autres.
« Sur le plan diplomatique, le Canada et le Mexique sont des partenaires importants, et il ne faut surtout pas saboter cette bonne entente », conclut Marie-Christine Doran.
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