Depuis juillet 2024, le réseau de transports en commun lillois fait l’objet d’une large polémique en raison de nombreux dysfonctionnements accumulés, sans date de retour à la normale. Six mois plus tard, les usagers et les associations de voyages continuent de demander réparation. Entretien avec le président de l’association MobiLille Mattéo Ferrux.
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Ce mardi 18 décembre 2024 encore, les usagers d’Ilévia se sont retrouvés une nouvelle fois bloqués dans le métro lillois. Vingt minutes d’interruption, vite transformées en une heure d’attente. Déjà, le 17 décembre, un incident majeur s’était produit sur la ligne 1 du métro, bloquant la circulation pendant quatre heures. Les causes de la coupure sont encore inconnues, mais la moutarde monte sérieusement chez les habitants de la Métropole européenne de Lille (MEL), victimes de ces coupures à répétition depuis juillet dernier.
Entre tests du nouveau pilote automatique, bugs à l’ouverture des portes, lignes bloquées et affluence monstrueuse dans les gares les plus fréquentées, la direction du métro lillois est largement pointée du doigt. Une polémique qui n’en finit plus et dont les habitants de la MEL (Métropole européenne de Lille) ne voient pas le bout. Ce mercredi, la MEL a annoncé son intention deimposer à Ilévia et Alstom la prolongation de la période probatoire des pilotes automatiques jusqu’au 6 janvier au moins.
Mattéo Ferrux, président de l’association d’information voyage et de défense des usagers, Mobilille, témoigne de ce ras-le-bol général.
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Mattéo Ferrux : Tout a commencé en juillet avec les énormes problèmes de circulation qu’a connu le métro. Au départ, je n’étais pas très investi dans la cause, je suivais de loin les discours du conseiller régional Julien Poix ou ceux d’Olivier Caremelle, le maire de Lomme. J’ai commencé à vraiment m’y mettre en septembre en lançant une pétition pour demander aux usagers d’être remboursés. Je me suis penché sur le fonctionnement du métro, le montage financier d’Ilévia, les entités qui gèrent le réseau de transports en commun… La mobilité est un sujet passionnant, surtout à Lille où il se passe tant de choses, et où les problèmes n’en finissent pas.
MF : Oui et on n’en voit vraiment pas le bout. Sur la ligne 2, les choses se stabilisent, même si le matin les trains sont toujours blindés. En revanche, sur la ligne 1, il y a eu un gros changement il y a un mois. Suite à une décision – qui émane de la MEL il faut le dire – de mettre en ligne le pilote automatique sur cette ligne, le réseau s’est encore dégradé. Je trouve cette décision inacceptable, car le personnel d’Ilévia n’est pas encore suffisamment formé à ce pilote automatique.
MF : Pour que le personnel soit officiellement opérationnel, il faut neuf mois de formation. Et si l’on compte les soirs où il y a eu des interruptions après 22 heures pour tester le pilote automatique et donc former le personnel, cela ne fait que 25/30 heures de formation. Ensuite, ils sont peut-être entraînés à d’autres moments, mais dans tous les cas, le quota n’est pas atteint. Or, mettre en ligne le pilote automatique sans que le personnel d’Ilévia ait reçu une formation adéquate représente un véritable obstacle à la fluidité du trafic, voire un danger pour les usagers.
Pour passer aux choses sérieuses, on peut prendre l’exemple du nouveau pilote automatique. Celui-ci connaît des échecs similaires à l’ancien pilote. Par exemple, les défauts d’ouverture des portes, qui sont résolus très rapidement, car les problèmes existaient déjà et le personnel sait réagir. Mais lorsqu’il s’agit d’échecs propres au nouveau pilote, les choses s’enlisent car il y a un manque de préparation. Les syndicats eux-mêmes le disent et demandent des formations.
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MF : Il peut s’agir d’incidents techniques, de petits bugs sur les portes palières qui ne s’ouvrent pas, ou sur les poignées d’évacuation… Chez MobiLille, nous avons enregistré 600 incidents de ce genre depuis cet été. Hier, un train sortant du circuit est passé en état d’évacuation : le nouvel équipement a créé un faux contact, qui a coupé la tension sur le réseau et a donc arrêté tous les trains. En cas de blocage, on demande souvent aux gens de tirer sur la poignée d’évacuation : tout au long de la ligne, des usagers effrayés ont tiré sur la poignée, ce qui n’a fait que bloquer encore davantage les autres trains, au point de paralyser la ligne. Une sorte de réaction en chaîne qui a provoqué une gigantesque panne de 8h30 à 12h30
Le problème, c’est la manière dont Ilévia a géré la crise qui la sous-tendait. Franchement, on peut parler de scandale. Trop peu de bus relais étaient déployés, tout le monde était en retard et coincé au même endroit, je voyais des gens qui avaient les joues collées à la porte, on aurait dit qu’ils étaient à Paris. Chez Fives, j’ai des images d’usagers qui se sont même retrouvés sur la route parce que les trottoirs étaient tellement blindés que c’est vraiment dangereux. Il n’y avait évidemment pas plus d’informations sur la candidature.
MF : On peut dire qu’Ilévia utilise ce type de situation hyper-complexe pour retravailler son plan de gestion de crise… Mais il semble que ce ne soit pas le cas. Hier, nous avons été confrontés à un amateurisme total, avec les mêmes problèmes que depuis Transpole, voire avant. Comme si le gérant existait depuis trois jours. Le compte Twitter d’Ilévia, qui doit informer les utilisateurs en - réel, se contredit d’un tweet à l’autre, c’est brouillon. Les gens dépensent de l’argent dans des transports publics qui ne fonctionnent pas, ils se sentent comme des vaches à lait.
Ce que nous demandons, c’est une compensation pour les clients d’Ilévia. Nous sommes toujours à plus de 27 heures de perturbation sur un mois. Alors la MEL dira encore que pour des raisons financières, elle ne peut pas rembourser ses riverains, mais ce qu’on peut dire, c’est que Kéolis leur verse chaque année des milliers d’euros de pénalités pour non-respect des clauses du contrat de concession de service public. Et cette année, compte tenu des perturbations sans précédent que nous avons connues sur la période juillet-septembre, avec neuf minutes de fréquence entre chaque métro sur la ligne 2, je pense que la note de Keolis sera à nouveau élevée. Alors pourquoi ne pas en profiter pour indemniser ses habitants et montrer que la Métropole est solidaire à leur égard ?
Nous demandons également plus de transparence à la MEL et à Keolis (eopérateur du réseau Ilévia, ndlr). Nous nous associons à l’Union des Voyageurs du Nord qui demande un tableau de bord avec des explications sur l’origine des accidents survenus dans la semaine. Mais je sais qu’ils ne le feront pas parce qu’ils ne veulent pas être tenus pour responsables. C’est pourquoi une mobilisation est organisée vendredi à 16 heures, devant la MEL, pour demander de mettre fin à ces problèmes dont on ne voit pas de fin.
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