Le site Kiprix, disponible en application et déployé aux Antilles depuis septembre 2024, devrait être prochainement disponible à la Réunion. Conçu pour permettre aux consommateurs de comparer les prix des marques à l’étranger et en France, cet outil s’inscrit dans la lutte contre la vie chère. Son créateur, Dressen Siméon, s’appuie sur une approche collaborative et citoyenne pour répondre à une problématique qui persiste dans les territoires d’outre-mer. (Photo : www.imazpress.com)
La lutte contre la vie chère aux territoires d’outre-mer pourrait prendre un nouvel élan avec l’arrivée prochaine de Kiprix à la Réunion.
Ce comparateur de prix, déjà en service aux Antilles et en France, a pour objectif d’apporter transparence et équité dans un secteur où les écarts de prix restent un sujet brûlant.
Pour Dress Simeon, son créateur, cet outil est bien plus qu’un simple comparateur : “L’objectif est de sensibiliser la population et de montrer de manière factuelle les différences de prix avec la France, parfois injustifiées.”
– un projet né d’un combat citoyen –
Originaire de Martinique, Dressen Siméon, développeur autodidacte, explique que l’idée de Kiprix lui a été inspirée par son père disparu il y a 7 ans qui militait en faveur d’un avenir meilleur pour son île.
« J’ai travaillé six à sept ans pour faire de ce projet une réalité, en réponse à un problème devenu évident lors des mouvements sociaux contre la vie chère. »
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Lancé en septembre 2024, le site s’appuie sur des enquêtes de prix automatisées, réalisées sur les plateformes drive de grandes enseignes comme Leclerc et Super U. À La Réunion, où le projet sera adapté aux spécificités locales, le fonctionnement restera similaire.
Les utilisateurs pourront participer eux-mêmes en scannant les prix en magasin grâce à l’application. « C’est une démarche citoyenne : plus les consommateurs sont impliqués, plus les données sont précises », précise Dressen Simeon.
– un outil pour déplacer les lignes –
A l’heure où l’Assemblée nationale vient d’adopter un projet de loi visant à plafonner les prix des produits de première nécessité en Outre-mer, des initiatives comme Kiprix peuvent renforcer la pression sur les acteurs de la grande distribution.
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La nouvelle législation, portée par la députée Martinicaise Béatrice Bellay, vise à ramener les prix de l’outremer au niveau métropolitain et à limiter la domination des grands groupes. Cependant, il existe de nombreuses résistances.
Les critiques pointent « l’irréalisme » d’un alignement des prix, alors que certains acteurs économiques, comme le groupe Bernard Hayot (GBH), sont accusés d’abus de position dominante et de réaliser des marges trois à quatre fois supérieures à celles pratiquées en métropole. .
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Pour Dress Simeon, Kiprix peut contribuer à changer la donne. « Une enseigne m’a contacté pour consulter les tarifs pratiqués en France métropolitaine. Cela montre que la transparence des données peut obliger les distributeurs à repenser leurs stratégies tarifaires.
– des écarts de prix qui persistent –
A La Réunion, des études confirment l’ampleur du problème. Selon l’Observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR), un produit vendu 100 euros en France métropolitaine coûte 179 euros sur l’île.
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-Le coût de l’alimentation est 37 % plus élevé selon l’INSEE, une différence qui atteint même 46 % pour les produits importés. Ces chiffres alimentent un sentiment d’injustice au sein de la population, qui doit composer avec un pouvoir d’achat amputé.
Malgré des mesures comme le bouclier qualité-prix (BQP), censé proposer des produits essentiels à prix réduit, le bilan est mitigé. Les élus locaux, comme la présidente de région Huguette Bello, dénoncent régulièrement une fiscalité mal ciblée.
“Certains produits sont exonérés de concession maritime, mais restent soumis à la TVA”, a-t-elle précisé à ce sujet, citant des exemples comme le savon de Marseille ou la Margarine.
– une opacité dénoncée –
L’OPMR pointe également du doigt la « relative opacité » de la grande distribution, qui freine la compréhension des prix.
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« Les acteurs du secteur n’ont pas transmis tous les documents demandés », regrette un rapport publié en octobre 2024. Cette opacité complique le travail des observatoires et alimente les critiques à l’égard des monopoles locaux.
Dans ce contexte, Kiprix se présente comme un outil de transparence. « En rendant ces données accessibles à tous, nous donnons aux consommateurs les moyens d’agir », insiste Dress Simeon.
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Les prix, mis à jour tous les deux à trois jours, révèlent des écarts importants : en moyenne, 53 % d’écart entre les produits analysés en Martinique et en Métropole.
– Un avenir collaboratif –
A La Réunion, le développement de Kiprix se fera en partenariat avec des promoteurs locaux. Dressen Simeon espère également améliorer son application, notamment en intégrant des promotions et en facilitant les relevés à partir de tickets de caisse.
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Pour cet entrepreneur engagé, l’objectif reste clair : « Si les marques veulent travailler avec nous, ce ne sera que dans l’intérêt des consommateurs. Notre objectif est de faire bouger les lignes.
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Alors que la lutte contre la vie chère est plus que jamais au cœur des débats, Kiprix pourrait bien devenir un levier de transformation à La Réunion.
Reste à savoir si cette initiative citoyenne parviendra à vaincre les résistances et à faire entendre la voix des consommateurs face à la toute-puissance des grands groupes.
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