Sous ses airs de vieux sage du rap à la rime habile, Youssoupha adresse dans « Amour Suprême » quelques recommandations aux jeunes générations, soucieux de leur laisser une « marque lumineuse » sans renier les combats qui l’ont forgé.
Considéré comme l’un des plus brillants paroliers du rap français, l’artiste de 45 ans se démarque par une longévité qui n’enlève rien à sa technique. La preuve avec ce septième album aux sonorités afrobeats, disponible vendredi.
Si les textes sont moins agressifs qu’à ses débuts, fruit de son adolescence immigrée « dans une HLM du 95 », la plume reste acérée. Et la passion, « toujours vivante », l’a amené à retrouver son public, dans une tournée déjà en cours.
Question : En 13 chansons, vous dressez votre propre bilan entre maturité et lucidité. Pourquoi ce besoin ?
Répondre: « Nous avons moins de jugements, moins de certitudes sur les personnes et les choses. On se voit évoluer, se remettre en question, partir. Ma vie il y a 20 ans n’est plus celle d’aujourd’hui. Donc mon rap a changé.
Question : Vous évoquez votre départ de la France pour la Côte d’Ivoire en 2016. Avec le recul, quel regard portez-vous sur ce choix ?
Répondre: « Mon discours, où je disais ‘j’y vais pour ma tranquillité et une meilleure qualité de vie’, ne correspondait pas du tout à l’image que les gens se font de l’Afrique. Ma qualité de vie est meilleure. Ce qui est plus nouveau c’est qu’en quittant la France, j’ai peut-être réalisé que j’aimais ce pays était réel mais peut-être que dans le. agacement d’un jeune homme noir de banlieue, où nous sommes confrontés à des difficultés quotidiennes, je n’ai pas eu le temps de le révéler.»
Question : Quand en avez-vous pris conscience ?
Répondre: « Ce qui se passe dans le pays depuis plusieurs années me touche. Je me sens attaché à mes compatriotes. En fait, je me rends compte que je suis français.
Question : De quoi vous inquiétez-vous ?
-Répondre: « Je n’ai jamais autant découvert la diversité qu’en France. Maintenant, on divise les gens, on les rejette par rapport à leurs croyances, leur couleur, leur identité culturelle, en voulant créer une sorte de norme française qui n’existe pas vraiment. Autant de médiocrité pour un pays qui peut inspirer tant de grandeur, je trouve ça étrange.»
Question : Après « Mon Roi » pour votre fils, vous dédiez « Dieu est Grand » à votre fille. Sacré titre !
Répondre: « Être une femme, n’importe où sur Terre, n’est pas anodin. Je ne pouvais pas faire une chanson qui dise ‘Ma reine, tu es belle et tu es mignonne’ parce que, quand on disait ça, on ne disait rien. Cette formule m’est venue à l’esprit parce que je savais qu’elle allait mettre les hommes mal à l’aise. D’ailleurs, depuis la sortie de la chanson, ils disent : +Le titre est blasphématoire. , comment, Dieu au féminin ?+. Genre, il y avait vraiment un sujet !
Question : prétendez-vous avoir écrit une chanson féministe ?
Répondre: « Je voulais quelque chose qui soit dédié à ma fille mais qui, de manière générale, brise une sorte de domination qui s’installe insidieusement dans la tête des femmes. Sur la validité de leurs pensées, de leur intelligence, sur le complexe de leur corps. Mais je ne me sens pas féministe. Je suis un homme qui a grandi avec des stéréotypes sur les hommes. la vie à celui qui la donne.
Question : Pouvez-vous être décrit comme déconstruit ?
Répondre: « En déconstruction ! Il faut me voir dans un stade de foot, je redeviens très, très con. Donc : déconstruction non terminée. Ma fille et mon fils seront meilleurs que moi.
Question : Le patrimoine est-il le fil rouge de l’album ?
Répondre: « J’ai renoncé à être parfait parce que c’est mort. En revanche, je ne renonce pas à la transmission. Je veux vraiment m’assurer que nous ne nous concentrons pas uniquement sur nos luttes et sur ce qui a pu nous aider. causer de la souffrance, mais aussi sur ce qui peut nous élever. Nous pouvons le transmettre à d’autres qui viendront après nous. De cette façon, ils s’élèveront plus vite et plus haut que nous.