Janvier est le moment de prendre de bonnes résolutions. Sur l’application TikTok, de plus en plus de jeunes utilisateurs tentent de consommer moins.
« En matière de consommation, les adolescents sont boulimiques »note le psychanalyste Michael Stora. L’influence croissante des marques de fast-fashion, notamment via les réseaux sociaux, n’y est pas étrangère. Certains challenges appréciés des jeunes sur Tiktok le démontrent depuis longtemps, comme le #Fashionchallenge ou le #Outfitchangechallenge – consistant à se montrer en vidéo avec plusieurs tenues élaborées. A contre-courant de ces tendances digitales, #Nobuy2025 émerge depuis un mois, particulièrement apprécié des jeunes femmes jusqu’ici grandes consommatrices de vêtements de créateurs. « fast-fashion » ou des produits de beauté.
La bonne résolution de l’année consiste au contraire à réduire les achats inutiles et ainsi à échapper au phénomène de “surconsommation”. Les promesses vidéo fleurissent ; certains publient leurs conseils. D’autres, encore, exhibent leur butin désormais honteux : vêtements, maquillage et autres accessoires sont photographiés pour montrer l’ampleur du gaspillage. Ces images sont comme le miroir inversé des vidéos d’influenceurs circulant sur les réseaux sociaux qui exhibent fièrement leurs nouveautés vestimentaires du jour à travers des vidéos de« déballage ». Un concept qui vise à déballer ce que l’on a acheté puis à se filmer avec.
« Une mise en scène de la consommation qui est une manière d’exister »résume Michael Stora, fondateur de l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines. #Nobuy2025 est donc une autre façon d’exister face à un phénomène de société majeur. Selon le “baromètre Sobriété et modes de vie » de 2023, 81 % des Français considèrent que « Les gens passent trop de temps à perdre du temps au lieu de profiter des plaisirs simples de la vie. »
L’achat compulsif est considéré comme une addiction
Mary B, présentée ici avec son surnom, s’est mise au défi d’arrêter de trop consommer. Quand on est influenceuse, ce n’est pas facile, nous confie-t-elle, évoquant la pression sociale qui la pousse à « montrer des « looks » avec de nouveaux vêtements » et de « suivre les tendances ». En étant toujours à la mode, “on montre qu’on reste dans cette quête narcissique et qu’on existe aux yeux des autres”analyse le psychanalyste. Cette quête est sans fin : rapidement, l’objet désiré obtenu n’apporte plus satisfaction et l’envie d’acheter prend le dessus. Pour Michael Stora, “c’est un combat anti-dépressif, une manière de combler un vide”.
-Mary B. dit déjà qu’elle se sent mieux. “Ça fait du bien, je me sens moins soumis à ces dépenses quotidiennes”assure-t-elle, consciente des excès vers lesquels la surconsommation l’avait conduite. « Je pouvais accumuler sans même m’en rendre compte. Avoir 5 ou 6 blazers noirs presque semblables, est-ce vraiment utile ? Mais que va-t-elle faire désormais en tant qu’influenceuse ? Elle promet “regarde avec ce qu’elle a déjà” et j’espère “qu’il plaira”. L’inquiétude guette…
“C’est un remède à l’insatisfaction humaine”
Certains jeunes se sont détournés des achats compulsifs de longue date et suivent cette formation qui est désormais la “bourdonner” sur les réseaux sociaux. “Depuis plusieurs années je n’achète que d’occasion, c’est désormais mon seul moyen de consommer, uniquement en friperie”témoigne Anaëlle, 21 ans. Et l’étudiant en master de littérature philosophe : « Je vis dans la satisfaction de ce que j’ai déjà et non plus dans l’attente. C’est un remède au mécontentement humain.. Mary B. voit les choses un peu différemment : «Je préfère voyager plutôt que de dépenser 200 euros chez Zara chaque week-end.
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Cette tendance #Nobuy2025 est une illustration des ambivalences de l’époque. Frénésie d’achat mêlée d’inquiétude, notamment sur le plan écologique. “Il existe une éco-anxiété de la génération Z qui, en réponse, revient à des contenus plus lents, à des activités comme la poterie ou la couture.», décrypte le psychanalyste Michael Stora. Selon l’ADEME, la fast fashion émet 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre, soit plus que les vols internationaux et le trafic maritime réunis. Il faudra plus qu’un défi Tiktok et quelques résolutions de janvier pour changer les choses.