Par
Augustin Delaporte
Publié le
17 janvier 2025 à 18h16
Derrière la communication institutionnelle et la promesse d’un quartier « embelli », un les mines de champagne. La réunion publique du jeudi 16 janvier 2025, au 62, rue Lepic, à Paris (18e), avait de faux airs de guet-apens pour les élus de la mairie d’arrondissement et les quelques techniciens municipaux venus présenter le projet de quartier. piéton sur la Butte Montmartre. Dans une rangée d’oignons face à un salle pleine et chauffée à blancces derniers ont subi les coups des riverains pendant près de deux heures.
La Butte se transforme en zone piétonne
Présentée brièvement dans le magazine mensuel distribué dans les boîtes aux lettres des habitants du 18e arrondissement, la piétonnisation du Haut Montmartre a, sur le papier, des avantages à promouvoir. Intégrée à la démarche Embellissez votre quartier (EVQ) en 2022, la Butte sera dans ce contexte plus verte et s’adaptera « aux nouveaux usages », selon la mairie.
Concrètement, 40% des places de stationnement seront supprimées (ce qui correspond à 700 places, dont 300 au sommet de la Butte), de nouvelles limitations de vitesse de circulation seront instaurées et certaines rues seront fermées par des barrières, entre autres.
Les travaux ont démarré le 18 novembre 2024 et qui devrait durer jusqu’au 31 août 2025. Avec trois priorités, listées lors de l’assemblée publique par Antoine Dupont, l’adjoint au maire du 18e en charge de la mobilité, de la voirie et de la transformation de l’espace public : réduire la pollution, donner plus d’espace aux piétons et à la végétation.
Sans véritable concertation préalable
Voilà pour le pitch diffusé sur les chaînes municipales. En effet, un certain nombre de problématiques sont soulevées par les riverains. À commencer – précisément – par le manque de communication de la mairie. « C’est toujours pareil, on ne nous consulte pas, puis on nous présente un projet déjà en cours. Est-ce une proposition ou une décision ? », s’agace un Montmartre aux cheveux argentés. Et d’ajouter succinctement : “Je ne peux plus en parler sans m’énerver…”
Tout au long de la réunion, le manque de concertation et d’information sur le projet sera critiqué à plusieurs reprises par les élus, par les irréductibles du quartier, ainsi que par les nouveaux arrivants. “Je vis ici depuis des décennies, j’ai du recul… On demande juste à être consulté”, regrette une femme brune derrière ses lunettes teintées. Présidente de l’association Vivre à Montmartre, créée en 1999 contre un projet de piétonnisation du quartier, déjà, et relancée le 3 décembre, Anne Renaudie fait le plein de soutiens.
« La décision d’établir une zone piétonne à éliminer complètement le stationnement public dans un périmètre de 20 rues n’a pas fait l’objet d’une véritable concertation, déplore-t-elle. Les habitants, notamment ceux du Haut Montmartre, n’ont pas été informés par courrier des conséquences directes de ce projet sur leur quotidien. Pire encore, lors de la pseudo-consultation de 2022, le projet de piétonisation n’a pas été n’a jamais été présenté clairement ni soumis à un véritable vote citoyen. »
Ce qui pose une montagne de problèmes
Mais au-delà du manque de communication, le nœud du problème concerne surtout la volonté de la mairie de supprimer toutes les places de stationnement (en dehors d’une dizaine de places de stationnement dédiées aux personnes à mobilité réduite), même pour les résidents.
Une petite femme aux cheveux blancs courts se lève et saisit le micro :
Vous nous créez un parc d’attractions… Quand je fais mes courses, je dois monter les marches avec mes sacs. Je travaille depuis quarante ans, j’ai mal au dos. Laissez-nous quelques places !
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“Nous sommes sur la Butte depuis 1976mais aujourd’hui on ne peut plus y monter. Rentrer à la maison avec un sac de pommes de terre est très difficile. Nos amis, de région parisienne ou de province, ne peuvent plus venir. Et que faites-vous lorsque vous appelez un artisan ?», s’exaspère un autre. Il serait peut-être ingénieux de regarde ce qui se fait bien ailleurs suggère un riverain : « En Italie, ils ont instauré une interdiction de stationnement dans les zones touristiques, sauf pour les résidents ! Et ça marche à merveille. »
Anne Renaudie poursuit : « En supprimant le stationnement public dans ces 20 rues, vous nuire aux familles à faible revenu qui n’a pas les moyens de payer 300 euros par mois pour un parking privé. »
Projet d’apparence ou vraie solution ?
Le sentiment que la Ville de Paris transforme progressivement ce quartier populaire en un spot exclusivement dédié aux touristes et les ultra-riches étaient d’ailleurs l’autre grand sujet de mécontentement parmi les habitants présents à la réunion publique.
Sous sa casquette beige, un homme gémit. “Vous pouvez le limiter [le stationnement]supprimez certains endroits, mais pas tous ! C’est une nécessité pour nous, les résidents. Quand je me déplace à Paris, je le fais à vélo, mais pour des raisons professionnelles ou familiales, je dois prendre ma voiture… On a le sentiment que vous développez une ville pour Airbnb et pas pour nous. »
Et Anne Renaudie a résumé l’avis d’une bonne partie des personnes présentes en quelques phrases : « Pourquoi investir 5,5 millions d’euros embellir un quartier déjà parmi les plus verts de Paris, apaiser un le trafic est déjà faible et piétonner un quartier à dominante résidentielle ? Ces dépenses, certes louables en apparence, ne risquent-elles pas de faire oublier l’enjeu fondamental qui est celui de la vie quotidienne des habitants de Montmartre ? La politique urbaine devrait-elle se concentrer sur projets d’apparence ou sur des solutions qui améliorent réellement la vie des résidents ? »
Pour mémoire, une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) a révélé – à partir de données sur les réseaux sociaux – que le monument le plus photographié de Parisen 2024 avait été le Sacré-Cœur.
Le périmètre de la zone piétonne pourrait être revu
Dans une impasse, la mairie du 18e arrondissement a donc avoué, par la voix de son adjoint Antoine Dupont, qu’elle était ouvert à l’idée de revoir en profondeur son plan initial .
« Nous avons suspendu certains travaux, qui élargissaient les trottoirs, et nous avons mis en place des un groupe de travail de cinq ou six personnesqui représentera tous les habitants, a confié l’édile. Le projet de zone piétonne ne sera pas remis en cause dans sa totalité, mais sa portée pourrait être révisée. On avait travaillé comme ça à la Goutte d’or et on a fini par trouver un accord. »
Dans ce sens, une première réunion s’est tenue le 10 janvier et une autre aura lieu le 31à la mairie. Une manière d’adapter davantage la communication institutionnelle aux besoins réels des résidents.
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