Une carte incohérente, source de difficultés et de plus en plus contournée
Historiquement, la gendarmerie était chargée de la sécurité dans les zones rurales, et la police, puis municipale, s’occupait des villes. En 1941, le régime de Vichy nationalise la police dans les communes de plus de 10 000 habitants, transférant certains pouvoirs des maires aux préfets à travers le régime dit de « police d’État ». Ce régime a été étendu en 1996 à toutes les capitales départementales, quels que soient les critères démographiques ou le niveau de délinquance. Au-delà de ce changement, les changements dans la répartition des zones de police/gendarmerie en France sont rares depuis 80 ans et aucun ne s’est produit depuis 2014, alors même que l’évolution de la démographie et celle de la délinquance « l’auraient justifiée ». La Cour des comptes recommande une révision du cadre juridique pour permettre une meilleure coordination entre la police et la gendarmerie.
L’organisation de la police nationale repose sur des districts qui doivent pouvoir assurer l’ensemble de leurs missions de manière indépendante. Ce plan, qui nécessite un effectif incompressible, est adapté aux zones urbaines densément peuplées. A l’inverse, la gendarmerie s’appuie sur des unités multiples fonctionnant selon un principe de subsidiarité, ce qui lui permet de développer son organisation sur un territoire plus vaste. Or, plus d’une circonscription de police sur dix couvre une population de moins de 20 000 habitants, tandis que les deux tiers des communes intégrées aux aires métropolitaines se trouvent en zone de gendarmerie. La Cour recommande de transférer les petites circonscriptions de police à la gendarmerie, de transférer à la gendarmerie nationale toutes les communes des départements ruraux et peu peuplés, y compris les chefs-lieux, et, parallèlement, de confier à la police les communes des zones métropolitaines qui présentent des problèmes persistants de délinquance avec ceux du centre-ville.
Par ailleurs, la réglementation actuelle prévoit des exceptions, parfois inutilement complexes, à la stricte séparation entre zone de police et zone de gendarmerie (nouveaux dossiers communs sous juridiction mixte police-gendarmerie) mais ne permet pas de répondre aux besoins opérationnels de certains territoires (Camargue). , plateau du Larzac par exemple). La Cour recommande une modification de la réglementation pour remédier à ces situations.
La gestion des transferts doit être revue pour surmonter les rigidités de gestion
En l’absence d’objectifs opérationnels précis ou d’indicateurs fiables avant 2016, le bilan opérationnel des transferts antérieurs est complexe à établir. Elle a fait l’objet de rapports ponctuels qui concluaient toujours à un effet positif sans pouvoir l’étayer par des chiffres. Ces transferts ont pu entraîner des surcoûts liés aux opérations immobilières et une mauvaise gestion des transferts qui ont conduit à des sureffectifs dans les zones sans problèmes de délinquance.
La répartition territoriale de la police et de la gendarmerie reflète, au-delà des besoins opérationnels, des enjeux de ressources humaines et d’attractivité pour chacune des forces. Celles-ci pourraient être mieux conciliées avec les souhaits des policiers et gendarmes. Ainsi, le système de détachement existant entre les deux forces depuis 2011 a été insuffisamment exploité lors des précédentes mutations, alors même qu’il permet d’offrir une seconde carrière aux agents tout en limitant les mouvements de personnel. La Cour recommande de renforcer ce pont.
Sortir de la stagnation pour répondre aux enjeux de sécurité publique des territoires
De nombreux obstacles s’opposent à une réécriture à grande échelle de la carte. Elles portent notamment sur les questions d’équilibre entre police et gendarmerie, sur la sensibilité de ce sujet pour les organisations syndicales mais aussi, dans certains cas, sur les réticences des élus locaux. Le ministère de l’Intérieur, confronté à de nombreuses crises ces dix dernières années, a priorisé la gestion de ces crises au détriment des nécessaires ajustements dans la répartition des forces de police et de gendarmerie sur le territoire, malgré l’encadrement exclusif des forces de l’ordre. depuis 2009. Par ailleurs, certaines réformes internes récentes, comme la réorganisation de la police nationale et le plan « 200 brigades » de la gendarmerie, contribuent à figer la carte en certains endroits. La Cour recommande néanmoins de reprendre les modifications nécessaires à la carte police/gendarmerie, en privilégiant un ajustement continu plutôt que de grandes vagues complexes de décision, parfois coûteuses et aux effets incontrôlés. Enfin, la question de la répartition des zones de police et de gendarmerie doit être posée à la lumière de la croissance des forces de police municipales, notamment dans les métropoles, et de la place croissante qu’elles occupent dans le continuum sécuritaire local.