Impôts –
Vers un exode fiscal des grandes fortunes mondiales vers la Suisse ?
La réforme fiscale au Royaume-Uni pousse les contribuables les plus riches à s’exiler vers des cieux plus cléments. Selon les estimations, au moins un millier d’entre eux pourraient s’installer dans notre pays.
Abonnez-vous maintenant et profitez de la fonction de lecture audio.
BotTalk
« Il ne s’agit pas seulement de Monaco, de Dubaï ou des États-Unis. Lugano est également une perle pour les riches contribuables qui envisagent de quitter le Royaume-Uni en raison de la nouvelle politique fiscale qui les concernera, notamment en termes de qualité de vie», déclare Marco Chiesa, directeur financier de la capitale économique tessinoise. . Outre-Manche, une profonde réforme entrera en vigueur le 6 avril.
D’une part, il supprimera le statut de « non-dom » qui permet aux personnes résidant sur le territoire britannique depuis moins de quinze ans, mais sans y être domiciliées, de ne pas payer d’impôt sur les revenus qui y sont gagnés. étrangers et sur les successions relatives à des biens situés hors du territoire britannique. En revanche, il augmentera l’impôt sur les plus-values et les plus-values sur intérêts reportés. (intérêt reporté)qui affectent les performances obtenues par les gestionnaires de fonds de private equity.
Proposée par les anciens conservateurs au pouvoir, puis adaptée et mise en œuvre par le gouvernement travailliste, cette politique a déjà incité de nombreux contribuables à quitter le Royaume-Uni pour des climats plus chauds. Et le mouvement ne fait que commencer.
«Nous devons saisir cette opportunité pour mieux nous positionner et attirer de gros actifs dans notre ville», souligne Marco Chiesa. En novembre dernier, il s’est rendu à Londres pour participer à un événement organisé conjointement par sa ville et la Chambre de commerce Suisse-Grande-Bretagne, afin de mettre en valeur les atouts de Lugano. Et, selon lui, il y en a beaucoup : taxation forfaitaire des contribuables en fonction de leurs dépenses, qualité des soins de santé et des écoles privées, douceur du climat, sécurité, stabilité politique et juridique.
Avocat fiscaliste au sein de l’étude Valfor, Philippe Kenel ne comprend pas cette démarche qui s’apparente à du démarchage actif. « Si cela pouvait être justifié dans le passé, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il représente même, affirme-t-il, un risque en ramenant au niveau politique le thème de la taxation selon les dépenses en incitant les opposants à ce régime à s’y opposer à nouveau.
Combien de personnes parmi les 74’000 bénéficiaires du régime non dom choisiront de s’exiler en Suisse pour bénéficier de son attractivité fiscale ? Ils ont la possibilité de s’installer dans les cantons alémaniques comme Zoug, Schwyz ou Obwald pour bénéficier d’un impôt sur la fortune et le revenu très bas en comparaison intercantonale, ou dans les cantons de Genève, Vaud, Berne, Grisons, Valais et Tessin. où ils peuvent être imposés sur une base forfaitaire.
«Si un tiers décide de quitter le Royaume-Uni et que 5% optent pour la Suisse, cela représente environ 1.200 personnes. Cette hypothèse me semble tout à fait réaliste», déclare Hugues Salomé, associé au sein du département Tax & Legal de KPMG Suisse.
Un intérêt évident pour Genève et le Valais
Lorsque ce dernier se rend à Londres, il constate que ses clients se montrent très intéressés. émigrer dans notre pays. Et surtout à Genève, en raison de son cadre urbain qui offre tous les services recherchés par les personnes fortunées. La branche genevoise de la Chambre de commerce Suisse-Grande-Bretagne prévoit également d’y organiser un événement destiné aux acteurs financiers, afin de les exposer aux défis posés par la réforme fiscale britannique.
Le Valais en attirera probablement aussi un nombre important. « Les demandes d’impôts forfaitaires sont beaucoup plus élevées que d’habitude. Je viens d’avoir une conversation téléphonique avec une Brésilienne, et la veille j’ai rencontré deux Françaises à Verbier. Tous bénéficient du statut de non-dom au Royaume-Uni», précise Paul-André Roux, fondateur du cabinet Roux & Associés à Sion, lors de notre entretien de mi-décembre 2024.
Hugues Salomé observe également que la suppression du régime de non-dom a un effet collatéral favorable à la Suisse. «Les ressortissants européens et asiatiques qui envisageaient de s’installer au Royaume-Uni y renoncent au profit d’autres juridictions, et je m’attends», dit-il, «à ce que certains décident de s’installer en Suisse. »
De son côté, le fiscaliste Philippe Kenel ne croit guère à une arrivée massive de personnes en provenance du Royaume-Uni et d’autres horizons. « Les Britanniques et les étrangers non européens ayant le statut de non-dom sont considérés comme des ressortissants de pays tiers. Ils ont donc besoin d’un titre de séjour, et un forfait leur coûte plus cher que pour un Français par exemple », explique Philippe Kenel. Mais, insiste-t-il, la Suisse reste attractive. Sa législation fiscale est stable, contrairement à celle en vigueur à l’étranger où les lois peuvent évoluer rapidement, comme le montre l’Italie qui vient de doubler le montant de l’imposition forfaitaire.
Jean-Philippe Buchs est journaliste. Passionné de politique économique. Formation d’apprenti en commerce, puis licence en sciences politiques. Distinctions : prix du journalisme local en 1991, prix Jean Dumur en 1998, AgroPrix en 2005 et 2019.Plus d’informations
Avez-vous trouvé une erreur ? Merci de nous le signaler.