les réponses de Mohamed Abdelouahab Rafiqui

les réponses de Mohamed Abdelouahab Rafiqui
les réponses de Mohamed Abdelouahab Rafiqui

« Le débat qui a accompagné la Moudawana est tout à fait normal et sain. Ce qui est inacceptable en revanche, ce sont les fausses nouvelles », a insisté d’emblée Mohamed Abdelouahab Rafiqui. Depuis l’annonce du projet de réforme Moudawana, de nombreuses rumeurs circulent, alimentées par certains influenceurs ainsi que des personnalités politiques. “Ce qui est dangereux, c’est que certains politiques s’obstinent à diffuser ces fausses nouvelles de mauvaise foi ou à des fins inavouées”, déplore M. Rafiqui.

Parmi les idées fausses les plus répandues figure le principe selon lequel un ex-mari devrait verser une pension au nouveau partenaire de son ex-femme. «C’est totalement faux», affirme M. Rafiqui. Nafaqa est exclusivement destinée aux enfants et il s’agit souvent de sommes modestes. La prolifération de ces fausses informations, déplore le conseiller du garde des Sceaux, contribue à « entretenir un climat de peur et d’incompréhension ». Selon lui, chacun doit être vigilant en obtenant des informations de sources fiables, sous peine d’alimenter de réelles tensions dans un débat qui concerne avant tout le quotidien de milliers de familles marocaines. « Nous parlons ici de l’avenir de nos enfants, de nos femmes, de nos sœurs ; il est donc vital que le débat reste fondé sur des faits vérifiés et objectifs », conclut-il, regrettant l’impact « potentiellement dévastateur » des rumeurs sur l’opinion publique.

2. Âge légal du mariage et de la garde des enfants à 18 ans

Cette nouvelle réforme de la Moudawana réaffirme la règle de 18 ans comme âge minimum du mariage. L’idée, explique M. Rafiqui, « est de restreindre au maximum les dérogations pour autoriser le mariage dès 17 ans. Nous ne voulons pas d’une simple formalité administrative : le juge doit évaluer rigoureusement les intérêts réels des jeunes concernés. En ce sens, le gouvernement entend fermer les portes parfois ouvertes par des pratiques trop souples, voire laxistes, où la moindre demande familiale aboutissait à un accord systématique du juge.

Maintien de la garde pour la mère en cas de remariage

Autre point très attendu par les associations de défense des droits des femmes et qui a fait l’objet de nombreuses fake news : la garde d’enfants. Car, aujourd’hui, la mère qui se remarie perd automatiquement ce droit. «De nombreuses études montrent pourtant que les enfants s’en sortent souvent mieux avec leur mère, même lorsqu’elle démarre une nouvelle vie», observe la conseillère. La nouvelle Moudawana entend donc rompre avec l’idée selon laquelle une femme remariée serait forcément moins disponible pour ses enfants. « C’est moins une question d’égalité des sexes que de souci de l’intérêt supérieur de l’enfant. Pour lui, le lien maternel est essentiel», insiste-t-il. Par ailleurs, l’État souhaite codifier une pratique déjà observée dans certains tribunaux, où les juges, confrontés à des situations délicates, maintenaient la garde au profit de la mère remariée.

3. Héritage et Taasib

L’avis du Conseil des Oulémas jugé « définitif »

Le débat sur l’héritage a cristallisé les tensions. Alors que de nombreuses voix réclament l’abandon du principe du « Taasib » – qui favorise les héritiers mâles dans plusieurs configurations – le Conseil des oulémas a exprimé un refus total de toucher à ce principe, position considérée comme définitive dans le cadre du droit islamique. « Les associations féministes sont déçues, et je comprends leur déception », reconnaît Mohamed Abdelouahab Rafiqui. Toutefois, souligne-t-il, le Conseil a également souligné plusieurs lacunes et proposé des solutions pour éviter des situations dramatiques pour la femme et les enfants après le décès du père. Ainsi, la maison familiale pourrait être épargnée du partage de l’héritage, permettant à la veuve et à ses enfants d’y résider jusqu’à son décès ou son mariage. « Beaucoup de femmes se sont retrouvées jetées à la rue après la mort de leur mari, raconte M. Rafiqui. Il fallait agir ! » De plus, la loi faciliterait les dons (sous réserve de frais de seulement 5 %) en faveur des filles, même sans obtenir la pleine propriété de la propriété. « C’est une manière de compenser l’inégalité formelle du Taasib. Nous protégeons les droits des filles et, de fait, la cohésion familiale. Même si l’orateur admet que cela ne résout pas complètement la question de la parité successorale, il y voit « un filet de sécurité essentiel pour de nombreuses familles ».

4- ADN et filiation

Chaque année, entre 8 000 et 10 000 enfants naissent hors mariage au Maroc, selon certaines estimations et environ 2 000 mères célibataires se retrouvent dans une grande précarité. Dans ce contexte, la reconnaissance de la filiation par l’ADN fait débat. « Comment, en 2025, refuser la preuve scientifique pour établir une relation ? demande M. Rafiqui. Il rappelle que l’Islam ne s’oppose pas à la science, bien au contraire : « L’Islam est la religion de la connaissance et l’ADN est une avancée majeure qui ne peut être écartée. » Le conseiller estime cependant que la décision prise par le Conseil des oulémas de rejeter le recours aux tests ADN pour établir la filiation des enfants nés hors mariage reste une approche mesurée. L’ADN pourrait être utilisé pour prouver la paternité biologique, afin d’obliger le père à assumer sa responsabilité civile (pension et suivi de l’enfant). En revanche, il ne s’agirait pas, dans un premier temps, d’accorder à cet enfant né hors mariage les mêmes droits en matière de succession qu’un enfant légitime. « L’enfant est la victime des adultes », insiste-t-il. Nous ne pouvons pas le laisser croître sans un soutien financier ou une reconnaissance minimale.

5. Tutelle légale et reconnaissance économique

Assurer une tutelle légale aux femmes, qui leur permettrait d’accomplir un certain nombre de démarches administratives pour leurs enfants, sans l’accord du père, figure parmi les points les plus attendus et les plus significatifs de cette réforme. “Avant, rappelle M. Rafiqui, une mère ne pouvait pas voyager ni même transférer son fils d’une école à une autre sans passer par l’autorité paternelle.” Ce serait une avancée majeure pour les mères, mais aussi pour la famille marocaine, estime M. Rafiqui. Le gouvernement souhaite également mettre en place des mécanismes pour reconnaître la contribution économique des femmes au foyer, qu’elles exercent ou non une activité professionnelle en dehors du foyer. Si les modalités exactes restent à définir, l’objectif affiché est de promouvoir les tâches domestiques et le travail invisible souvent effectués par les mères et les épouses, « une mesure qui n’existe même pas dans les pays plus avancés en matière de droits des femmes », estime l’invitée. de L’Info en Face. Ce dernier fait également valoir que « la réforme du Code de la famille n’est pas une guerre entre les sexes ». Les hommes ont longtemps bénéficié de privilèges et corriger les inégalités historiques n’est en aucun cas une attaque contre eux. Et de rappeler que dans la société marocaine, tout le monde a une mère, une sœur, une fille : améliorer les droits des femmes, c’est, à terme, faire progresser la famille toute entière. M. Rafiqui souligne cependant que la société reste patriarcale : “nous sommes loin de l’égalité totale, il ne faut pas se cacher la face”.

6. Un processus législatif encore long

La future Moudawana repose sur 139 propositions de réforme. Chacun d’entre eux doit encore être traduit en articles de loi. « Le ministère de la Justice commence tout juste à rédiger le texte », explique Mohamed Abdelouahab Rafiqui. Attendez au moins six mois, peut-être plus, avant d’avoir une version terminée. Durant cette période, la société civile, les ONG et les partis politiques auront l’occasion de faire entendre leurs revendications. Il espère ainsi que le débat public, s’il reste constructif, pourra influencer favorablement les décideurs.

7. Et alors ?

La refonte de la Moudawana n’est pas isolée. Les autorités préparent également une réforme du Code pénal dont certaines dispositions pourraient recouper des questions de vie familiale (protection des mineurs, criminalisation des violences domestiques, etc.). “C’est un projet d’ensemble qui, insiste M. Rafiqui, doit permettre d’adapter la législation marocaine aux évolutions sociales que l’on connaît depuis des décennies.”

A ce stade, il est donc prématuré de prédire l’issue exacte de cette réforme, tant la Moudawana touche à de multiples sensibilités : religieuses, culturelles, politiques et économiques. « Personne ne veut ignorer la tradition, reconnaît le conseiller, mais il faut l’adapter aux réalités d’aujourd’hui. Les familles ont changé, les mentalités aussi. Quant aux craintes de voir s’installer un déséquilibre au détriment des hommes, Mohamed Abdelouahab Rafiqui se dit en avoir conscience, tout en rappelant que « les textes doivent tendre vers plus de justice sociale et de protection des plus vulnérables, notamment des femmes et des enfants ». . Le Code de la famille, qui est donc un texte en pleine évolution, suscite déjà polémiques et espoirs, mais il devra encore franchir plusieurs étapes avant son adoption définitive. « Il faut privilégier la concertation et le débat éclairé pour parvenir enfin à une Moudawana plus juste et plus protectrice », conclut Mohamed Abdelouahab Rafiqui.

 
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