Le Premier ministre livre mardi sa déclaration de politique générale et espère convaincre une partie de la gauche de ne pas le censurer pour son maintien à Matignon. Dans cette perspective, la question de la réforme des retraites adoptée en 2023 est centrale, malgré des positions antagonistes.
Un mois après sa prise de fonction, François Bayrou entame sa semaine la plus délicate à Matignon. Face à la crise des finances publiques, avec un pays actuellement sans budget 2025, le Premier ministre doit prononcer mardi 14 janvier sa déclaration de politique générale, sorte de grande présentation orale destinée à présenter les orientations privilégiées par le chef du gouvernement. Parviendra-t-il à convaincre une partie de la gauche de lui donner sa chance, sans perdre le soutien de la base commune, composée du bloc présidentiel et de la droite ?
L’équation paraît aussi complexe que le calendrier est serré. Dès la déclaration de politique générale faite mardi, La France insoumise déposera une motion de censure destinée à faire tomber le gouvernement à peine nommé. Et, à la fin de la semaine, chaque groupe devra alors choisir entre deux options : voter la censure du gouvernement béarnais, ou le laisser poursuivre sa périlleuse mission à Matignon. Pour l’heure, les intentions d’une partie de l’Assemblée nationale sont claires : les insoumis voteront la censure, tandis que le bloc présidentiel et la droite ne voteront pas pour.
Alors que 289 voix sont indispensables à la chute du gouvernement (sur 577), l’avenir de François Bayrou dépendra donc du choix des autres groupes parlementaires. Dans ce contexte, la réforme des retraites reste le sujet essentiel pour savoir si une partie de la gauche et de l’extrême droite choisira, ou non, la censure.
A gauche, socialistes, écologistes et communistes ont tenté, ces dernières semaines, de faire pression sur le gouvernement à travers des discussions avec plusieurs ministres. « Nous avons à la fois des revendications, mais aussi des solutions qui nous permettent d’avancer. Le gouvernement a ses propres lignes rouges et nous cherchons à voir quelles voies permettent la conciliation. »a expliqué Olivier Faure, dimanche, sur BFMTV. Le patron des socialistes décrit “un vrai débat”, mais croit que “le compte n’est pas encore là”.
Partisans d’une abrogation pure et simple de la réforme des retraites, les trois groupes réclament, a minima, la suspension de cette loi portée par Elisabeth Borne en 2023. Dans le détail, ils souhaitent que l’âge légal de la retraite, censé atteindre progressivement 64 ans, soit “fixé” à son niveau actuel de 62 ans et demi, sans fixer de limite de durée pour ce gel, a indiqué à l’AFP le porte-parole du groupe PS à l’Assemblée nationale, Arthur Delaporte.
L’exécutif “veut réussir”estime le parlementaire du Calvados, tandis que La France insoumise continue de critiquer cette stratégie et appelle ses partenaires du PFN à censurer quoi qu’il arrive. «Ceux qui refusent la censure valident le coup d’État de Macron en juillet dernier en refusant les résultats des élections»a encore prévenu Jean-Luc Mélenchon sur son blog, dimanche matin.
De l’autre côté de l’hémicycle, le Rassemblement national laisse encore planer le suspense sur son choix lors de la prochaine motion de censure et des suivantes, s’il le faut. Concernant les retraites, le député Jean-Philippe Tanguy a dénoncé “une arnaque politique”car il estime peu probable que le gouvernement fasse des concessions majeures. « Les groupes socialistes, écologistes et communistes sont prêts à être achetés avec n’importe quelle promesse »a-t-il déclaré vendredi, à l’issue d’une réunion à Bercy avec les ministres chargés de l’élaboration du budget 2025. “Prétendre qu’on peut garantir la retraite à 62 ans sans effort budgétaire ailleurs est une mystification.”
Contesté par la gauche, mis entre parenthèses par l’extrême droite, François Bayrou peut politiquement faire certaines concessions sur ce dossier des retraites, qui n’a jamais vraiment été clos depuis deux ans. Ainsi, Gérard Larcher, président des Républicains du Sénat, a prévenu samedi dans Le Parisien qu’il ne voulait pas « ni suspension ni abrogation » de réforme.
Pour lui, “participation [des Républicains (LR) au gouvernement] ne signifie pas renoncement »signe que les LR n’ont aucune envie de se voir imposer le fruit de cette négociation entre le centre et la gauche. De la même manière, les membres du parti Horizons, flanc droit du bloc présidentiel, se sont engagés à mettre en œuvre cette réforme pour viser l’équilibre financier du système de retraite.
Toutefois, François Bayrou peut compter sur le soutien d’une partie de son camp pour tenter de trouver un terrain d’entente avec la gauche. D’abord, selon ses proches, Emmanuel Macron ne ferait pas du maintien de l’allongement de l’âge légal à 64 ans un totem. « Il faut arrêter de faire de la réforme des retraites un marqueur identitaire du président »a déclaré l’un d’eux à franceinfo vendredi. « Son marqueur est la création de richesse pour le pays par le travail. La réforme des retraites en a été un instrument. » et pourrait donc être remplacé.
De son côté, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a affiché sa volonté, dimanche sur France Inter et franceinfo, d’aller dans le sens du compromis. « Ce qui me convient, c’est qu’on discute à nouveau »dit-elle.
« Comme d’autres, je trouve que cette réforme est injuste. Si nous parvenons à avoir un système qui nous permette de mieux corriger ces inégalités, je signerai immédiatement.»
Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationalesur franceinfo et France Inter
En désaccord sur cette question, Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet pourront exprimer leurs points de vue directement auprès de François Bayrou. Les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale seront reçus à Matignon lundi à 17h30. La déclaration de politique générale sera à l’ordre du jour de cette réunion, ainsi que le calendrier parlementaire et le budget, précise l’entourage du Président. de l’Assemblée à franceinfo.