L’interdiction des véhicules particuliers Crit’Air 3 au 1er janvier 2025 marque une nouvelle fois un changement significatif pour 11 % du parc automobile du Grand Lyon. Toutefois, la plus grande vague n’a pas encore été franchie. La Capitale des Gaules reste, avec Paris, la seule ville française concernée par le calendrier d’application de la loi Climat et Résilience, visant notamment à limiter la circulation des véhicules les plus polluants.
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A compter du 1er janvier 2028, les véhicules particuliers et professionnels classés Crit’Air 2 (diesels immatriculés à partir de 2011 et essence entre 2006 et 2010) devraient à leur tour être interdits. dans cette Zone à Faibles Émissions (ZFE-m) comprenant cinq communes, le périphérique et les axes M6-M7. Un calendrier déjà assoupli par l’exécutif environnemental de la Métropole de Lyon il y a deux ans, qui prévoyait initialement une interdiction en 2026.
Une « vague » attendue dans trois ans
Cette étape, actuellement prévue dans trois ans, reste la plus redoutée. A ce jour, elle concernerait environ 70 % du stock déclaré par les professionnels adhérents de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat (CMA) Lyon Rhône. C’est en fait ” l’étape la plus élevée pour les professionnels », illustre Jean-Charles Kohlhaasvice-président du Grand Lyon, délégué aux déplacements, à l’intermodalité, mais aussi à la logistique et au transport de marchandises dans la ville.
« Contrairement aux particuliers, les professionnels possèdent quasi exclusivement des Crit’Air 2. Il existe très peu de véhicules utilitaires ou de poids lourds à essence. La plupart sont au diesel et quelques-uns sont électriques. », constate l’élu, membre du parti Europe Ecologie les Verts..
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Sur les 110 000 véhicules professionnels circulant dans la métropole lyonnaise (environ 80 % de véhicules utilitaires et 20 % de poids lourds), près de 93 % sont en effet classés « Crit’Air 2 et moins », selon les collectivités. Les Crit’Air 0 ne représentent qu’une petite part et sont principalement représentés par de grandes entreprises de logistique comme La Poste (22 000 véhicules utilitaires électriques en France) ou les poids lourds de DB Schenker.
Reconversion : les artisans alertent sur le coût de l’électricité
Pour les artisans interrogés par la CMA Lyon Rhône (Chambre des métiers et de l’artisanat) ces derniers mois, le plus gros frein reste le prix des véhicules utilitaires électriques, dans un marché qui ralentit. Les artisans se disent particulièrement contraints par leur coût prohibitif, représentant le double de celui des véhicules thermiques – soit « une dépense de 18 à 35 000 euros » pour un utilitaire type Citroën Berlingo. ” Dans le contexte actuel, les trésoreries sont plutôt tendues. Le principal obstacle est le coût », affirme Christophe Bernollin, p.résident du CMA Lyon Rhône.
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Le Grand Lyon propose un accompagnement aux professionnels jusqu’à 3 000 euros pour l’achat d’un vélo cargo, 5 000 euros pour un utilitaire léger électrique ou GNV, ou 10 000 euros pour un poids lourd électrique ou GNV. Ceci, avec un bonus de 1 000 € pour la souscription à un contrat de fourniture de gaz ou d’électricité d’origine renouvelable. Cette aide pouvait jusqu’alors être cumulée avec le bonus écologique de l’Etat, mais le gouvernement Barnier est revenu sur cette possibilité par décret fin novembre.
“Les aides peuvent soutenir un peu, mais le choix de ne pas acheter un véhicule à 35 000 euros n’est pas une affaire de 5 000 euros… L’entreprise qui a l’habitude d’acheter des véhicules d’occasion à 10 ou 12 000 euros maximum, elle n’arrive pas à s’y retrouver”, ajoute Christophe Bernollin.
Une dérogation « amortissement Crit’Air 2 »
Ce représentant des artisans du Rhône met également en avant d’autres problématiques à régler avant 2028 : la pénurie de certains véhicules électriques neufs ou d’occasion, mais aussi la lenteur du déploiement des bornes de recharge, obligeant parfois les salariés à recharger leur véhicule à domicile.
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« Pour l’instant, les entreprises font du mieux qu’elles peuvent avec les moyens dont elles disposent. Ils essaient de jongler, ce n’est pas facile. Le nœud du problème reste la trésorerie, particulièrement tendue en ce moment. Certains développent alors leur clientèle ailleurs.
Et puis, il y a aussi le problème des salariés qui viennent travailler dans ces entreprises », ajoute Christophe Bernollin.
Consciente de ces enjeux, la Métropole de Lyon indique mettre en place une dérogation « amortissement Crit’Air 2 ». “ C’est à dire que pour un véhicule classé 2 acheté récemment, la limite de circulation ne sera plus 2028, mais un peu plus tard, pour éviter la casse d’un véhicule récent. », indique Jean-Charles Kohlhaas. Mais la mesure est encore peu connue.
Boom des vélos cargo et effets d’aubaine
D’autres choisissent également le vélo cargo pour leurs déplacements au cœur de Lyon. Il représente même la grande majorité des aides distribuées par le Grand Lyon aux artisans et PME, dans son enveloppe de 3,5 millions d’euros dédiée à la reconversion en 2024. » Une part importante de l’enveloppe va vers les vélos cargo et non les utilitaires électriques, et encore moins les poids lourds, car l’offre n’est pas extraordinaire. », ajoute Jean-Charles Kohlhaas.
« Il y a beaucoup d’artisans, de petites entreprises artisanales au sein de la ZFE. Nous avons une telle saturation des routes que le vélo cargo est plus performant que le petit véhicule utilitaire ».
Toutefois, la Métropole est prête à s’adapter : « Nous avons des professions libérales qui en ont profité pour acheter un vélo cargo, dans lequel il y a peu de chance qu’elles transportent des marchandises… Nous sommes en train de revoir le règlement des aides pour réajuster cette offre à certaines entreprises en fonction de leur code SIRET ou NAF. ».
Des parkings relais, oui, mais « aux bons endroits » selon la Métropole
Autre point de friction : le réseau de transports en commun (métro, tramway, bus) et de parcs relais, dédiés au report modal. La question concerne toute la périphérie. Située à l’entrée du Grand Lyon, la communauté urbaine de la Porte de l’Isère (Capi) et ses 14 000 « Crit’Air 3 » pour 111 000 habitants, se dit particulièrement concernée et attentive : elle abrite en effet la première plateforme logistique. de France avec ses 300 entreprises, à Saint-Quentin-Fallavier (Isère), et voit près de 15 000 salariés se déplacer chaque jour.
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Jean-Charles Kohlhaas ajoute pour sa part que « les parcs relais doivent répondre à une demande bien précise « . L’élu insiste sur l’importance de les construire en dehors de la métropole et à ses portes, plutôt qu’au cœur de la ville.
En déclarant que « le délai d’exécution pour prendre les transports en commun correspond généralement au maximum à un tiers du temps ».
Un parc relais a ouvert l’année dernière à l’entrée sud de Lyon et du métro B, à Oullins-Pierre-Bénite. Très vite, il fut occupé au moins « aux deux tiers » par des personnes habitant à moins de 2 kilomètres, constate la collectivité, qui réservait ainsi plusieurs étages aux résidents extérieurs à ce périmètre. Un nouveau parking, plus éloigné du centre de la métropole, à Saint-Germain-au-Mont-d’Or, devrait également voir le jour en 2025.