Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau affirme que la menace terroriste est toujours présente sur le sol français alors que neuf attentats ont été déjoués en 2024. Une menace qui vient désormais principalement de l’intérieur, avec des aspirants de plus en plus jeunes.
“La menace est toujours là.” Alors que la France commémore les attentats de janvier 2015, les premiers d’une longue série sur le territoire, Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, lance un appel à la vigilance. Dans un télégramme consulté par BFMTV, le locataire de la place Beauvau a demandé aux préfets de maintenir “une vigilance maximale et de renforcer les mesures de sécurité sur l’ensemble du territoire lors des grands rassemblements festifs, culturels et sportifs”.
Le 24 mars, la France repasse au niveau « attaque d’urgence » du plan Vigipirate. Une décision prise au lendemain de l’attentat perpétré à Moscou contre une salle de concert, qui a fait 145 morts, et revendiqué par le groupe État islamique. Cet état d’alerte sur le territoire national a été maintenu alors que le pays accueillait durant l’été les Jeux olympiques et paralympiques.
« Attaque d’urgence » : qu’est-ce que ça change ?
Neuf attentats déjoués en 2024
Au total, en 2024, neuf attentats ont été déjoués, soit le nombre le plus élevé depuis 2017. Trois visaient les Jeux olympiques. Mais la menace est moins visible. “2024 est la première année où il n’y a pas eu de morts du terrorisme islamiste en France, mais nous déjouons des attentats tous les trois mois en moyenne”, note Guillaume Farde, consultant sécurité pour BFMTV. « Nous ne voyons pas de gens mourir, mais nous avons toujours des organisations terroristes actives et menaçantes. »
“Nous savons que le terrorisme est un risque qui reste important dans nos sociétés et qui ne nécessite aucun relâchement ni vigilance collective”, a déclaré Emmanuel Macron lundi lors de la conférence avec les ambassadeurs. « Il ne doit y avoir aucun répit dans la lutte contre le terrorisme. »
Pour Bruno Retailleau, ce mardi sur RTL, “le terreau de cette menace, c’est l’islamisme”. En septembre dernier, le procureur antiterroriste confirmait la réalité de la menace jihadiste sur le sol français. “Cela représente environ 80% des procédures ouvertes par mon parquet”, a expliqué Olivier Christen sur France Info. « Au premier semestre 2024, nous avons environ trois fois plus de procédures liées aux conflits jihadistes qu’il n’y en avait au cours de la même période en 2023. »
Comment expliquer cette résurgence des activités islamistes ? “Daesh n’a pas disparu et diffuse beaucoup de propagande qui a un impact sur la population”, a souligné le procureur.
Menace endogène
La grande transformation de la menace terroriste ces dernières années est qu’elle est désormais majoritairement endogène, c’est-à-dire venue de l’intérieur du territoire. « La menace projetée, c’est-à-dire ce qu’on a vécu au Bataclan, a plus ou moins disparu. C’est une menace qui s’est affaiblie depuis la disparition du sanctuaire de Daesh en Syrie”, estime sur BFMTV Michaël Prazan, réalisateur et scénariste, auteur de Une histoire de terrorisme publié chez Flammarion.
“La menace endogène vient de personnes qui passent sous les radars des renseignements, isolées mais qui répondent aux appels lancés sur les réseaux sociaux de Daesh, d’Al-Qaïda ou d’autres groupes terroristes ou qui sont endoctrinées par l’idéologie des Frères musulmans”, poursuit Michaël. Prazan. “C’est ce qui s’est passé en Allemagne, à la Nouvelle-Orléans.”
« Si l’année 2015 a été marquée par une logique commando, projetée depuis la zone irako-syrienne, l’État islamique se distingue aujourd’hui davantage par sa capacité à inspirer des projets d’actions violentes chez nos ressortissants », confirmait en décembre 2024 à l’AFP la Direction générale. de la sécurité intérieure (DGSI). Ce fut notamment le cas lors de l’assassinat, en 2023, de Dominique Bernard, cet enseignant tué par un élève d’origine russe arrivé en France avec sa famille en 2008.
La peur de ceux qui sortent de prison
Cette attaque illustre aussi une autre réalité : celle d’agresseurs de plus en plus jeunes, radicalisés sur les réseaux sociaux. Actuellement, 22 000 personnes sont inscrites au FSPRT, le Fichier de traitement des déclarations pour la prévention de la radicalisation terroriste. 5 000 dossiers sont actifs et 1 000 personnes sont particulièrement suivies. Ce fut le cas du jeune homme soupçonné d’avoir assassiné Dominique Bernard. « On peut avoir une surveillance rapprochée, à certains moments on peut avoir des individus qui passent à l’action », note Guillaume Farde.
La menace terroriste serait également renforcée par la question des sorties de prison, ces individus condamnés dès 2015 pour des actes liés au terrorisme. « Plus le temps passe, plus sortent les détenus condamnés aux peines les plus longues et donc pour les infractions les plus graves et potentiellement les plus dangereuses », analyse le consultant en sécurité de BFMTV.
Une menace caractérisée par l’attentat du 2 décembre 2023 sur le pont de Bir-Hakeim, à Paris, où Armand Rajabpour-Miyandoab, un Iranien naturalisé et déjà condamné pour un projet d’attentat terroriste, est passé à l’action, tuant une personne.
Le retour de la menace extérieure ?
Dans une interview avec parisienle ministre de l’Intérieur estime que ces individus qui sortent de prison – ils seront 60 en 2025 – et qui « font l’objet de mesures de surveillance individuelles » devraient également faire l’objet de « mesures fermes de sécurité judiciaire, dans les centres de détention ».
« La question de la détention sécuritaire à l’égard des personnes [radicalisés] le plus dangereux surgit”, a convenu sur France Info François Molins, l’ancien procureur de Paris et visage de la lutte antiterroriste lors de la vague d’attentats de 2015 et 2016. Le magistrat à la retraite estime qu’il “doit trouver des instruments adaptés aux cas les plus dangereux ».
Il n’en reste pas moins que si la préoccupation majeure reste cette menace endogène, les autorités appellent à la prudence quant au contexte international. Interrogé ce mardi matin sur LCI, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, ancien secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur et ancien coordonnateur national du renseignement et de la lutte antiterroriste, estime qu’« avec les évolutions géopolitiques, nous restons prudents sur ce qui se passe ». ce qui se passe en Syrie, en Afghanistan », alors que le régime de Bachar al-Assad vient d’être renversé par un groupe islamiste, et que les talibans sont revenus au pouvoir en Afghanistan depuis 2021.