Égalité –
«Disguising the Patriarcat», un podcast sur le féminisme suisse
Clémentine Cuvit, créatrice du podcast «Pour de vérité», a lancé une série estivale qui décrypte l’histoire méconnue des luttes féministes suisses.
Publié aujourd’hui à 10h00
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Cet article du 3 août 2023 a été importé de Femina.ch et republié sur notre site le 7 janvier 2025.
Passionnée de livres et de recherches documentaires, Clémentine Cuvit, 35 ans, a lancé son podcast en 2021. Pour de vrai a vu le jour peu après sa fille, tandis que la Fribourgeoise d’adoption (elle a grandi à Payerne) travaillait à temps partiel et ressentait l’envie de se lancer dans un nouveau projet stimulant en toute indépendance. « J’aime le format immersif des podcasts, j’en écoute beaucoup, La poudre a Méta de chocen passant par Histoires de bonheur. Soutenue par les encouragements de mon compagnon, je me suis lancée », se souvient la jeune femme.
Faits divers, biographies, Clémentine raconte des histoires vraies dans ses épisodes d’une trentaine de minutes, comme le parcours de l’artiste et travailleuse du sexe Grisélidis Réal, les émeutes de Stonewall à New York en 1969 marquant le début d’un mouvement LGBTIQ+, ou encore l’affaire du cyberharcèlement. connu sous le nom de Gamergate, qui ciblait les femmes de l’industrie du jeu vidéo. Des thématiques variées, toujours dans une perspective féministe et engagée.
Renverser le patriarcat avec des épisodes de podcast approfondis
Pour l’été 2023, le podcasteur amateur – également documentaliste à la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg – a eu l’idée de lancer une série un peu particulière.
«Quand je préparais mon épisode de Pour de vrai à propos d’Elisabeth Kopp, je me suis rendu compte que je connaissais peu de choses de l’histoire de cette toute première conseillère fédérale, décédée ce printemps. Ma réflexion est allée plus loin : en fait, je ne connaissais pas grand-chose des luttes féministes en Suisse, poursuit Clémentine. Il y a donc la barrière de la langue, mais comment se fait-il que j’ai raté tout ce pan de l’Histoire, alors que je suis une personne impliquée et familière avec de nombreux grands noms étrangers du féminisme, comme Simone de Beauvoir ou Olympe de Gouges ?
C’est ainsi que la bibliothécaire s’est immergée dans l’histoire suisse des droits des femmes et a imaginé Déshabiller le patriarcatla série estivale de dix épisodes de Pour de vrai, diffusé sur toutes les plateformes d’écoute depuis juin, à raison d’un épisode par semaine. Un entretien bonus avec une spécialiste des mouvements féministes sera diffusé le 25 août 2023 à l’occasion de la fin de la série estivale.
« Pour le titre, en clin d’œil à la langue suisse, j’ai choisi le verbe régional « déguiller », qui signifie « faire tomber », raconte Clémentine avec humour. Au générique, on entend aussi mes parents et mon frère répéter ce terme avec leur accent vaudois. Je les ai enregistrés en secret. Cette phrase, c’est aussi le message que la militante a dessiné sur sa pancarte en carton, à l’occasion de la dernière grève du 14 juin. Manifestation à laquelle elle a participé avec sa fille.
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Féministe, Clémentine ne le devient pas à la suite d’un événement particulier. « J’ai toujours admiré les figures féminines fortes et indépendantes, je n’en avais pas beaucoup autour de moi. Mon premier souvenir de pensée féministe est le travail de maturité que j’ai effectué dans un gymnase, à une époque où les mouvements pour les droits des femmes n’avaient pas beaucoup de voix. Mon sujet ?, sourit-elle. L’image de la femme francophone dans Femina ! Je ne me souviens plus de ce que j’ai écrit, mais je crois que les mêmes injonctions pèsent encore sur les femmes, une vingtaine d’années plus tard. Une lecture de King Kong Theory par Virginie Despentes et un mouvement #MeToo convaincront ensuite Clémentine de la nécessité des luttes féministes.
De l’escargot géant aux grèves du 14 juin
Avec Déshabiller le patriarcatLa Fribourgeoise aborde l’histoire des luttes féministes par ordre chronologique, depuis la naissance de la première vague en Suisse à la fin du XIXème siècle, en passant par le portrait d’Emilie Gourd, le droit de vote en 1971, le Mouvement de libération des femmes (MLF) , l’assurance maternité en 2005, la figure de Christiane Brunner, jusqu’à ce que les grèves actuelles.
Clémentine raconte les histoires choisies telle une conteuse. Elle tient à vulgariser ses sujets pour qu’ils soient accessibles à tous. Les histoires de Déshabiller le patriarcat sont méticuleusement étudiés et regorgent de détails. On apprend notamment que Christiane Brunner a fait grève du linge parce que son mari – opposé à ses études d’avocat – ne participait pas aux travaux domestiques, que des groupes de travail lesbiens du MLF critiquaient déjà depuis longtemps l’hétéronormativité. à 50 ans, que le droit de vote des femmes exigeait plus de cinquante voix avant d’être finalement accepté par les hommes suisses, ou qu’un mouvement genevois a fait campagne dans les années 70 pour l’instauration d’un salaire pour le travail domestique.
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« En étudiant les sources, de nouvelles idées de sujets se sont accumulées », raconte Clémentine en parlant de sa méthode de travail. De six épisodes prévus, je suis passé à dix. J’aurais pu en faire vingt, et plus, qui sait ? L’histoire a souvent été écrite par des hommes. Si on faisait l’effort de s’intéresser aux femmes, je crois qu’on découvrirait encore des associations et des héroïnes peu connues. L’histoire du féminisme suisse ne demande qu’à être soulignée, argumente la podcasteuse. Regardez Iris Von Roten : le manifeste phare de cette militante germanophone, datant de 1958, n’a été traduit en français qu’en 2021 ! J’ai envie de lire davantage de textes de féministes suisses, car c’est grâce à elles que nous en sommes là aujourd’hui.»
Au cours de ses recherches, Clémentine se rend compte qu’une grande partie des revendications de nos aînés sont les mêmes qu’en 2023. « Le sexisme ordinaire, le partage des tâches domestiques, l’égalité salariale, voire l’action de féminiser l’espace public avec des noms de rues… L’égalité est avancer, mais la réaction est puissante aujourd’hui. Petite anecdote : en 1928, lors d’une conférence sur le travail des femmes à Berne, certaines personnes fabriquent un escargot géant en papier mâché pour montrer leur ras-le-bol. En question? La lente évolution des droits politiques des femmes.
Près de 100 ans plus tard, alors que l’égalité entre les femmes et les hommes n’est toujours pas atteinte en Suisse, ne voudrions-nous pas imiter nos arrière-grands-mères en construisant un nouveau gastéropode symbolique ?
Laurène Ischi est journaliste au sein de l’équipe numérique de Tamedia. Après une licence en lettres à Lausanne, elle obtient son master à l’Académie du journalisme et des médias de l’Université de Neuchâtel en 2021. Elle est passionnée par les questions de société et travaille pour « Femina » pendant 4 ans.Plus d’informations
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