Dix ans jour pour jour après cette tuerie du 7 janvier 2015, « Charlie Hebdo » sort simultanément un numéro spécial de 32 pages. À la Une, il se dit « indestructible ! », avec le dessin d’un lecteur jovial assis sur un fusil d’assaut, lisant ce journal « historique ».
A ses côtés en kiosque, plusieurs quotidiens consacraient leur Une au dixième anniversaire de l’attentat : « Liberty, Liberty Charlie ! » titre ainsi « Libération », tandis que « Le Figaro » s’inquiète de voir la France « toujours sous la menace islamiste » dix ans plus tard.
“La menace terroriste n’a jamais été aussi présente”, affirme le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau à la Une du “Parisien”, tandis que l’ombre d’un crayon et d’une gomme transpercée par une balle dessine un “10” à la Une de “La Croix».
Menaces depuis 2006
Douze personnes, dont huit membres de la rédaction, ont perdu la vie dans l’attaque de l’hebdomadaire par les frères Chérif et Saïd Kouachi, Français d’origine algérienne ayant prêté allégeance à Al-Qaïda. Après deux jours de traque, ces derniers ont été abattus par une équipe d’intervention du GIGN, le groupe d’élite de la gendarmerie française, dans une imprimerie de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne), où ils ont été coupés. .
Journal joyeusement anarchiste et anticlérical créé en 1970 sur les cendres du magazine Hara-Kiri, « Charlie Hebdo » était la cible de menaces jihadistes depuis la publication de caricatures du prophète Mahomet en 2006. Parmi les morts figuraient son directeur emblématique, le dessinateur Charb, ainsi que deux légendes de la caricature en France, Cabu et Wolinski.
Du 7 au 9 janvier 2015, les frères Kouachi et Amedy Coulibaly ont visé la liberté d’expression, les forces de l’ordre et la communauté juive, lors d’attaques « coordonnées » bien que revendiquées par deux entités distinctes, Al-Qaïda. dans la péninsule arabique (Aqpa) et l’organisation État islamique (EI).
Deux cérémonies pour Charlie et l’Hyper Cacher
Deux policiers à Paris et Montrouge, ainsi que quatre personnes de confession juive dans un magasin casher de la porte de Vincennes, ont également été tués au cours de ces trois jours de terreur. A ces victimes s’est ajouté l’ancien webmaster de « Charlie Hebdo », Simon Fieschi, grièvement blessé dans l’attentat et décédé en octobre dernier, à l’âge de 40 ans.
Les cérémonies débuteront mardi à 11h30 rue Nicolas-Appert dans le 11e arrondissement, où « Charlie Hebdo » avait ses locaux en 2015. Elles se poursuivront boulevard Richard Lenoir, où le policier Ahmed Merabet a été abattu par les Kouachi alors que ils ont fui. Elles se termineront à 13h10 par un hommage aux victimes du magasin Hyper Cacher.
Mercredi, la ville de Montrouge organisera une cérémonie d’hommage à la policière municipale Clarissa Jean-Philippe, tuée par Amedy Coulibaly, également auteur de l’attentat de l’Hyper Cacher.
“L’envie de rire ne disparaîtra jamais”
Ces attentats ont suscité une émotion mondiale et donné naissance à un slogan de soutien qui reste célèbre : « Je suis Charlie ». Le 11 janvier 2015, des manifestations ont rassemblé près de 4 millions de personnes à travers la France, avec de nombreux chefs d’État et de gouvernement dans le cortège parisien.
Dix ans plus tard, « Charlie Hebdo » publie dans son numéro spécial une série de caricatures sur le thème #Rire de Dieu. L’hebdomadaire, dont la ligne anticléricale n’a jamais varié, a lancé fin 2024 un concours international invitant à dessiner “la colère contre l’influence de toutes les religions”. Parmi 350 dessins reçus, près de 40 ont été sélectionnés. L’un montre une mère et son enfant dans un paysage de ruines se disant que “un dieu ça va, trois bonjour les dégâts”, un autre présente un dessinateur qui se demande s’il faut dessiner “un gars qui dessine un gars qui dessine Mahomet, comment ça va”. en allant ? « .
Le journal publie également les résultats d’une étude Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès réalisée en juin 2024 indiquant que 76% des Français estiment que “la liberté d’expression est un droit fondamental” et que “la liberté de caricature en fait partie”. .
Riss, le successeur de Charb à la tête de Charlie Hebdo, souligne dans l’éditorial que “la satire a une vertu qui nous a aidé à traverser ces années tragiques : l’optimisme”. “Quoi qu’il arrive, dramatique ou heureux, l’envie de rire ne disparaîtra jamais”, dit-il, revenant sur ces dernières années marquées, selon lui, par une “situation géopolitique” qui s’est “aggravée”.