Le « Made in » peut-il être une réponse adaptée aux méga-promotions à l’américaine ?

Le « Made in » peut-il être une réponse adaptée aux méga-promotions à l’américaine ?
Le « Made in France » peut-il être une réponse adaptée aux méga-promotions à l’américaine ?

Face aux méga-promotions à l’américaine comme le Black Friday, comment les entreprises françaises peuvent-elles réagir ? La revendication du made in est une piste intéressante mais insuffisante. Car le consommateur n’est pas prêt à payer le « Made in France » à n’importe quel prix.


Alors que la période du « Black Friday Cyber ​​Monday » (BFCM) s’institutionnalise en France, des collectifs regroupant des entreprises, comme celui baptisé « Les Jours Tricolores » se créent. En effet, l’inflation n’a pas seulement eu un impact négatif sur les consommateurs français, elle a également affecté les entreprises françaises. Cette accentuation du made in France mérite d’être décryptée, car elle questionne les modèles économiques des entreprises qui le promeuvent.

Généalogie d’un phénomène

Depuis 2010, le « Black Friday Cyber ​​​​Monday » prend de l’ampleur en Europe et en France. Initialement axées sur la microélectronique et l’informatique grand public, les promotions touchent aujourd’hui tous les secteurs : des soins cosmétiques à la chaussure, en passant par l’ameublement et le jardinage.

Parmi les consommateurs français, 83 % des acheteurs acquièrent des biens pour eux-mêmes durant cette période, et 66 % achètent des biens pour leurs proches selon les données publiées par Statista en 2022. Selon la même source, le budget moyen s’élève à 182 € par acheteur actif. en 2023.

Né aux États-Unis, le Black Friday s’inscrit dans la culture nord-américaine des grandes promotions, avec des démarques allant jusqu’à -80 %. Cela a provoqué une réaction des entreprises françaises qui ne peuvent pas s’adapter à ces réductions pour deux raisons principales. La première est la législation : il n’est possible de vendre à perte que pendant des périodes très réglementées. Mais c’est aussi une question de business model : comment faire baisser les prix ?

Les quatre dimensions du business model

Tout d’abord, rappelons que le terme « business model » (ou modèle économique) résume la manière dont une entreprise crée de la valeur. Pour ce faire, elle dispose de quatre leviers qu’elle doit agencer à sa manière, puis évoluer continuellement en fonction des évolutions de la concurrence et de son environnement :

  • le choix des clients/groupes de clients. Une entreprise commercialise des produits et services destinés à un ou plusieurs groupes homogènes de clients, qu’elle croit avoir identifiés ;

  • la proposition de valeur désigne ce qui est proposé – le bien ou le service – au client et qui a de la valeur pour lui. C’est ce qui déclenchera l’achat ;

  • La chaîne de valeur rassemble l’agencement des activités de l’entreprise et son réseau de fournisseurs et de partenaires pour délivrer la proposition de valeur aux clients ;

  • Le modèle de revenus décrit comment l’entreprise capte une partie de la valeur qu’elle crée. Les flux de revenus peuvent être ponctuels (un achat client), récurrents (un abonnement), freemium (une partie de l’utilisation est gratuite puis les options sont payantes)…

France 24 – 2024.

Quelle valeur pour le « Made in France » ?

Cela dit, le prix de vente exprime ce que les clients sont prêts à payer pour acquérir des biens et des services en fonction de leur perception de la proposition de valeur. Dans un contexte économique morose, l’intégration de l’argument « Made in France » dans cette proposition de valeur est-elle un levier suffisant pour convaincre les clients français ?

A première vue, le « Made in France » constitue un élément de réassurance pour le client français, de par la proximité entre le consommateur et le producteur. Prenons un exemple en beauté, avec la marque française Laboratoires Silkbiotic qui se positionne sur le marché des taies d’oreiller en soie et des soins cosmétiques à base de soie. En effet, on observe actuellement une tendance observée notamment sur les réseaux sociaux attribuant de supposés bienfaits à ce tissu.



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La proposition de valeur de Silkbiotic reposait certes sur un produit véritablement made in France (tissage en région lyonnaise, fabrication locale), mais cela ne suffisait pas :

« Pour convaincre nos clients, nous avons dû soumettre notre taie d’oreiller en soie à des tests de soins cosmétiques réalisés par un laboratoire indépendant. C’est ce qui nous permet d’affirmer qu’il s’agit de la seule taie d’oreiller en soie dont l’efficacité est prouvée. » explique la fondatrice Fanny Redziniak. Mais cela a un coût qui impacte le modèle économique : « les tests d’efficacité sont réglementés et il faut un budget d’environ 10 000 euros, auquel s’ajoute le coût des produits anonymisés qui sont confiés au laboratoire d’essais. »

Preuve objective

Le « Made in France » ne suffisait donc pas à convaincre le client final, il fallait chercher des preuves plus objectives pour faire valoir les bienfaits du produit, en l’occurrence la taie d’oreiller en soie.


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Autre exemple dans le domaine du jouet : la société Envoyajeux, qui a initialement construit son modèle économique entièrement sur le « Made in France ». Elle a fait évoluer sa proposition de valeur pour mettre en avant l’éco-responsabilité. Selon Magali Chiapello, co-fondatrice de l’entreprise :

« Les jeux sont souvent vendus dans de grandes boîtes en carton presque vides : pour donner aux consommateurs l’impression que le jeu vaut un certain prix, les entreprises mettent de grandes boîtes avec des cales à l’intérieur. Nous transportons – et proposons – beaucoup d’air. »

Un arbitrage difficile

Pour proposer des emballages éco-responsables, fabriqués en France et contenant le moins d’espace vide possible, il a fallu adapter le business model :

« nous avons fait fabriquer nos emballages par un partenaire local, avec des matériaux issus de forêts gérées durablement, etc. Mais tout cela a un coût. »

Dans cet exemple encore, le made in France ne suffit pas à convaincre les clients, il faut chercher une valeur ajoutée supplémentaire, il s’agit ici d’éco-responsabilité.

Là est le difficile arbitrage : la proposition de valeur doit être encore plus étoffée, et aller au-delà du simple argument « Made in France », mais il faut aussi en supporter les coûts. Cela explique qu’un Black Friday à la française – aussi appelé Black Friday Cyber ​​​​Monday – devrait favoriser la vente de produits fabriqués en France et qui ont une valeur supplémentaire pour le client, tout en proposant des promotions « équitables ». Uniquement pour les clients, avec une réduction allant de 10 à 30 %, et uniquement pour les entreprises françaises qui produisent sur le territoire national et doivent renforcer leur proposition de valeur pour convaincre les clients. Les énormes réductions constatées aux Etats-Unis ne semblent pas pouvoir s’implanter lors du Black Friday français.

 
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