La culture et les traditions guadeloupéennes sont en danger. Les bandes de trafiquants de drogue tentent de « déstabiliser les fondements de la société locale », selon Eric Maurel, procureur général de Guadeloupe. Nous savions que l’archipel était la porte d’entrée de la cocaïne vers l’Europe. Le magistrat alerte également sur des activités criminelles qui se développent également localement, à un rythme et à un niveau alarmants.
Le procureur général de Guadeloupe, Eric Maurel, avait accordé une interview à France Inter en décembre dernier, dans laquelle il évoquait le risque d’une «contrôle croissant des gangs de trafiquants de drogue sur la société guadeloupéenne« Leur influence grandit, en même temps que leurs activités se structurent, constate le magistrat, qui craint l’impact de ce qu’il qualifie de « »organisations mafieuses« .
Le fait est désormais connu : les Antilles sont des territoires de transit de drogue, entre une Amérique latine productrice et une Europe consommatrice. Cette réalité a fait l’objet d’un rapport réalisé par la Cour des comptes, sur les activités de l’Office anti-stupéfiants (OFAST) et des forces de sécurité, affectées à la lutte contre le trafic de drogue, pour les exercices 2018 à 2023.
D’ailleurs, ces services de lutte contre la traite procèdent régulièrement à des saisies des deux côtés de l’Atlantique. L’une des dernières remonte au 30 décembre 2024, lorsque plus de 2 tonnes de cocaïne en provenance de Guadeloupe ont été interceptées au port du Havre. Deux hommes sont mis en examen dans cette affaire ; peut-être conduiront-ils à leurs complices, pour un démantèlement du réseau par la manœuvre.
Mais les Antilles ne sont pas que des lieux de transit, prévient Eric Maurel : les trafiquants développent un marché local de cocaïne. Des gangs locaux sont créés, organisés, déployés localement, affirme-t-il, citant notamment le «Section Pénale ».
Outre les affaires de drogue, ces gangs sont à l’origine de nombreuses affaires de vols à main armée, de trafic d’or, ou encore de trafic d’armes, qui sont autant de sources de contributions financières.
Justement, la hausse de la délinquance interpelle tous les acteurs judiciaires de l’archipel guadeloupéen, comme la procureure de Pointe-à-Pitre Caroline Calbo. “En Guadeloupe, il y a des armes absolument partout, et on voit des gamins de treize, quatorze ans, marcher dans les rues avec des armes à feu.», explique Eric Maurel.
Les criminels, dont les gangs sont de plus en plus structurés, sont alors capables d’intégrer des structures associatives et caritatives, d’acquérir des entreprises, ou encore de se faire une place dans le monde artistique des musiques urbaines. . tout cela dans le but de blanchir leur argent sale, d’acheter la virginité sociale et de démarcher des jeunes faciles à influencer.
“Ces organisations ont des antennes en France métropolitaine, en Allemagne, un peu partout en Europe (…) elles ont des liens avec des organisations criminelles de la mer des Caraïbes.», a déclaré le procureur général de Guadeloupe dans les colonnes de nos confrères.
Cette situation se traduit par une augmentation de la précarité en Guadeloupe. De plus en plus de consommateurs de crack, notamment, errent dans les rues, souffrant de problèmes médicaux, psychiatriques et sociaux.
Mais ces âmes errantes ne sont que l’arbre qui cache une forêt de consommateurs de toutes les couches de la société, ajoute le magistrat. Ce dernier annonce que les policiers, gendarmes et douaniers procèdent régulièrement à d’importantes saisies de marchandises destinées au marché local ; il parle de quantité de cocaïne »disproportionné par rapport à la population» de Guadeloupe, mais aussi de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
Une vigilance extrême et une réponse collective sont nécessaires. Ils relèvent de la responsabilité des autorités judiciaires, mais aussi des autorités publiques et politiques et de chaque citoyen. Pour Eric Maurel, la Guadeloupe c’est «à la croisée des chemins« .
