« Presque malsain de se concentrer là-dessus »

«C’était complètement une autre époque», prévient Danielle Pilette, professeure spécialisée en fiscalité et gestion municipale.

En 1993, Granby a dû payer 15 millions de dollars en capital et intérêts pour sa dette de 71 millions de dollars, ce qui correspondait au tiers de son budget.

« Ce que j’ai proposé à la ville, c’était d’arrêter d’investir dans les immobilisations et de « liquider » l’hypothèque. Une fois que cela sera fait, cet argent restera clair dans nos poches et ce sera une marge de manœuvre extraordinaire», a indiqué le maire Duchesneau au journal. La loien novembre 1996.

M. Duchesneau avait fait le pari que les infrastructures modernes de la ville étaient suffisamment solides pour permettre une pause de quelques années dans les investissements.

Danielle Pilette se spécialise en organisation municipale, en gestion, en finances et en fiscalité. (Alain Roberge/Archives La Presse)

Mme Pilette se souvient de cette période.

« Nous étions dans une sorte d’austérité, même en matière d’investissements en capital, et nous nous disions que maintenant que le développement urbain est en grande partie achevé, nous allions arrêter de nous endetter pour de nouvelles infrastructures et de nouveaux capitaux. .»

Selon le professeur universitaire rattaché à l’UQAM, on ne verrait plus de telles choses aujourd’hui.

«C’est presque malsain de focalisateur sur la dette, car elle nous empêche de voir les bénéfices que de nouvelles infrastructures ou de nouveaux équipements pourraient apporter à la communauté.

— Danielle Pilette, professor of municipal management at UQAM

Cela ne signifie toutefois pas que nous choisissons de trop investir, dit-elle. “D’un autre côté, il est presque malsain de penser trop petit.”

«Le discours sur la dette est resté longtemps dans l’imaginaire de Granby, selon lequel on ne peut pas s’endetter comme municipalité», estime Julie Bourdon, l’actuelle mairesse de Granby.

Des envieux

À la fin des années 1990, le succès de M. Duchesneau s’étend à l’ensemble de la province.

Beaucoup de ses pairs ont indiqué que sa méthode était celle à suivre.

L’ancien maire Paul-O. Trépanier, qui a tenu les rênes de la Ville pendant 18 ans, a particulièrement fait l’éloge des membres du conseil de l’époque, lors de la présentation du budget 2000.

« Je voudrais vous témoigner toute mon admiration. […] Je n’y croyais pas du tout, je n’aurais jamais cru cela possible. […] Je crois que ce conseil a droit aux plus hautes félicitations qui puissent être adressées. C’est fabuleux.

Ailleurs au Québec, les citoyens de Hull et le maire de Trois-Rivières-Ouest (pas encore fusionné à l’époque), entre autres, avaient sollicité les conseils de M. Duchesneau afin d’administrer un traitement de choc aux finances municipales.

Michel Duchesneau, alors qu’il tentait un retour en politique en 2021. (Jessy Brown/Archives de la Voix de l’Est)

La voix de l’Est a contacté l’ancien maire Duchesneau pour revenir avec lui sur cette époque. Au bout du fil, il a décliné notre invitation.

«C’est d’une autre époque, c’est dans une autre vie. Je pense que j’ai mis un terme à cela », nous a-t-il simplement dit.

Des prêts incontournables

Selon le professeur spécialisé en fiscalité municipale, les villes ne peuvent rien faire d’autre que recourir à l’emprunt, et donc s’endetter.

« Il n’est plus possible pour les villes de ne pas être endettées dans le contexte actuel », assure-t-elle.

Réunir 10 millions en petites coupures de 20 $ pour rendre théâtrale la présentation du budget 2000, c’est le tour que le maire Duchesneau a joué le 6 décembre 1999. Il voulait représenter la baisse des taux d’imposition qui avait entraîné un rabais d’impôt aux contribuables de la région. même montant. « En réalité, il n’y avait là que 6 000 dollars de vrais billets de banque, juste assez pour recouvrir le haut et le bas des liasses… de papier peint. Une belle balade!», Benoît Lapierre, journaliste à La voix de l’Est.

En effet, les programmes de subventions de l’État exigent que le conseil municipal et les contribuables s’impliquent à travers la réglementation des emprunts pour construire des infrastructures et des immobilisations, qu’elles soient liées à la transition écologique, aux transports ou au logement social par exemple, explique-t-elle.

« Ce règlement de prêt démontre l’engagement de la communauté » à vouloir se développer, ajoute-t-elle.

Granby n’a d’autre choix que d’utiliser cet outil, estime l’universitaire, d’autant que « la vocation de Granby est d’être une plaque tournante pour la région, tant au niveau résidentiel que pour les services qu’industriels ».

Une « dette invisible qui nous rattrape »

Vingt-cinq ans plus tard, ce choix de miser sur l’élimination de la dette a cependant des conséquences pour la Ville, et en a encore aujourd’hui, indique l’actuelle mairesse de Granby, Julie Bourdon.

« Nos infrastructures souffrent depuis des années du manque d’investissements. Nous le constatons aujourd’hui, avec les millions que nous sommes obligés d’investir dans nos infrastructures.

— Julie Bourdon, mairesse de Granby

Selon le maire actuel, M. Duchesneau avait vendu des propriétés municipales pour atteindre son objectif de réduction de la dette.

« Il avait vendu des camions City. C’était inquiétant : il manquait de quoi déneiger, faire les routes», explique-t-elle.

De telles décisions « nous rattraperont un jour ou l’autre », ajoute le maire.

Selon elle, c’est sur le long terme, comme aujourd’hui, qu’on paie les impacts de ce manque d’investissement.

Julie Bourdon, mairesse de Granby (Stéphane Champagne/La Voix de l’Est)

« La dette financière était à zéro, mais [Michel Duchesneau] a laissé une énorme dette invisible à la Ville en termes d’infrastructures.

— Julie Bourdon

Le maire précise que le mot « dette » n’est pas le plus approprié lorsqu’il s’agit d’infrastructures dont bénéficient les Granbyois depuis plusieurs décennies.

Selon elle, il faudrait plutôt parler « d’investissements ».

« C’est une sorte d’équité intergénérationnelle », a-t-elle déclaré. Si nous ne voulons pas faire payer aux citoyens d’aujourd’hui toutes les infrastructures, celles-ci dureront 20, 30, 50 ans. [et plus]eh bien, nous devons prolonger [le coût de ces investissements] au fil du temps avec une dette pour que les prochains citoyens la paient aussi.»

Granby se compare très favorablement

La situation financière de Granby est également très enviable en ce moment, insiste Danielle Pilette, spécialisée en fiscalité municipale.

« Il y a des gens qui ne se sentent pas en sécurité… Mais écoutez, la dette de Granby, tous critères confondus, est la moitié de celle des autres villes. Alors que veux-tu de plus dans la vie ?

— Danielle Pilette, professor of municipal management at UQAM

Voici quelques chiffres tirés du profil financier 2023 de Granby, rendu public par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation, et mis en avant par le professeur.

  • La dette à long terme de Granby est présentement de 80,067 millions
  • Le ratio dette à long terme/actif est de 14,57 %, au lieu de 32,92 % dans l’ensemble des municipalités du Québec
  • La dette nette à long terme par 100 $ de richesse foncière standardisée est de 1,02 $ à Granby, comparativement à 1,89 $ pour les villes de même catégorie de population, à 1,66 $ pour les municipalités de la même région et à 2,02 $ pour l’ensemble des municipalités du Québec.
  • Le service de la dette à Granby représente 11,5 % des dépenses comparativement à 17,9 % pour l’ensemble des villes du Québec
  • Finalement, la Ville de Granby possède un surplus accumulé de 23 451 051 $ en 2023.

En résumé, « pour les quatre ou cinq prochaines années, Granby est en excellente position pour poursuivre son développement résidentiel, commercial et industriel », juge Mme Pilette.

«On le voit aux résultats, Granby l’utilise [l’emprunt] avec parcimonie.”

— Danielle Pilette, professor at UQAM

Julie Bourdon, de son côté, souligne qu’une « vision de saine gestion » guide le conseil municipal actuel.

Et puis, payer nos infrastructures, comme les routes, sans recourir à des emprunts, n’aurait aucun sens, dit-elle.

« Avec le changement climatique et le sous-financement de ces dernières années, nous ne pouvons pas payer notre travail. espèces. Si nous ne voulions pas nous endetter, nous ne ferions que deux rues par an, et notre ville serait alors pleine de nids-de-poule.»

 
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