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Maison d’édition de Cahors
Publié le
1 janvier 2025 à 17h00
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10h30 ; devant son immeuble. Une traînée de pluie m’éclabousse jusqu’à l’entrée. J’accroche mon parapluie à la balustrade, monte les deux étages d’un escalier en pierre. Sa porte est ouverte. Elle m’attend… Rencontre avec Marie Thoisy.
Visite de son espace de vie. Dessins, affiches aux murs. Dans chaque pièce, des étagères chargées de productions ; un intérieur d’artiste forcément trop étroit pour contenir l’expression de plusieurs années. Elle me montre une chaise et un bureau. Espace joyeux sous le blanc d’un plafond qui illumine l’instant. Elle est assise en face. La clairière cachée brille sur le nouveau toit face à notre fenêtre. Assise là, dans sa chambre à tout faire, dans la lumière changeante de ce matin gris, elle se livre.
« Le dessin est simplement une ligne qui se promène »
Elle avait cinq ans en 1963, dans la section supérieure de la maternelle et déjà le crayon était son meilleur ami. C’est de là qu’est née sa relation avec la ligne. Peut-être préférait-elle dessiner plutôt que parler ? Besoin de s’évader… « Le dessin est simplement une ligne qui marche. » Alors, elle a fait beaucoup de promenades ! L’année suivante, lors du cours préparatoire, elle complète ses lignes d’écriture par des frises de dessins intercalées entre les lignes et en marge également, comme autant d’appréciations personnelles sur son quotidien d’étudiante. Chance ! Autorisa l’enseignante, elle comprit la nécessité de cette dualité graphique. Parce qu’elle aimait l’école. La lecture et l’écriture comblaient ses désirs. Le porte-plume comme le crayon deviennent vite le prolongement naturel de ses pulsions enfantines. Mieux encore, le crayon de couleur et le feutre ont permis de vaincre les angoisses que peuvent avoir certains enfants. Elle connaissait la sienne. Alors, peu à peu, la couleur, peut-être plus que le dessin, est devenue une délivrance. Vaincre la peur en marchant courageusement vers les ombres que l’on transforme en confiance grâce à la magie des couleurs, avec l’accord bienveillant du professeur… !
Elle poursuit ensuite ses études primaires, attirée par la lecture, avalant avec avidité contes et légendes qui nourrissent son imaginaire. Les dessins colorés de ses rêves d’enfant occupent une grande partie de sa jeune vie, déjà animée par le désir secret de continuer au-delà, plus tard. Les années passent. La petite fille se transforme en adolescente et cette chrysalide n’altère en rien les aspirations de Marie. Plus de français et d’arts plastiques que de matières scientifiques, plus de récits que d’Histoire de France. Et pourtant, elle avance, disposant de capacités suffisantes pour remédier à des pénuries ciblées de certains matériaux. L’examen du BAC est une formalité ; Tremplin attendu pour 5 années d’études supérieures aboutissant à la réussite du Diplôme National Supérieur d’Etudes Plastiques.
Commence alors sa véritable carrière d’artiste, qu’elle a esquissée dès l’âge de 18 ans à travers des carnets de jeunesse, des scènes de son époque, traduites en dessins au feutre et en découpes figuratives. Son talent découvert lui permet de se faire connaître et bientôt les maisons d’édition jeunesse lui confient des illustrations. Bien mais insuffisant. Contrainte peut-être par la gouache et l’encre, elle souhaite tremper ses pinceaux ailleurs et autrement, sous d’autres horizons que le ciel parisien trop souvent gris. Il lui faut plus de latitude et de nouveaux paysages. La découverte fortuite du Lot, en 2003, fut sa révélation. Une autre vie s’ouvre à elle. C’est d’abord l’amour qu’elle y rencontre, peu après son arrivée et un souffle nouveau dû tant aux paysages qu’aux rencontres humaines qui nourrissent son inspiration. Très vite, elle élargit le spectre de ses activités. Elle crée et anime : ateliers d’art plastique, expositions, cours pour dessinateurs, illustrations documentaires, dessins instantanés en réunion, interventions en classe… L’aquarelle l’accompagne partout. Elle peint quotidiennement des affiches et des carnets de voyage, tiraillée entre production personnelle et participation à la vie associative dans laquelle elle est fortement impliquée.
Depuis 21 ans qu’elle est installée ici, elle a conquis un large espace d’expression visuelle, notamment auprès des enfants avec lesquels elle aime travailler…
« Il n’y a que les enfants qui savent ce qu’ils cherchent » et eux seuls savent dire : « C’est bien utile, parce que c’est joli ! » et comme le petit Prince elle sait laisser libre cours à leur imagination pour que chacun d’eux voie le mouton dans sa cage, pour que chacun ressente son émotion intime.
C’est une poésie en couleur où l’émotion est à la surface des images…
Marie continue son chemin, définitivement adoptée. C’est partout où nous sommes. Artiste sans âge, elle parle avec son art à toutes les générations. Elle construit un monde de formes et de couleurs en mettant l’accent sur des sujets apparemment insignifiants. Elle écrit la vie telle qu’elle la voit, une vie sereine et vivante… dans une ligne immobile. C’est une poésie en couleur où l’émotion est à la surface des images. Elle s’approprie la réalité qu’elle traduit dans une forme d’expressionnisme fulgurant qui nous plonge dans des émotions joyeuses.
Mais qu’est-ce qui a construit la personnalité de Marie ? Beaucoup ! Certainement l’histoire de l’Art, la musique, la danse, la lecture à caractère spirituel… et les dessinateurs qui lui ont transmis cette forme d’expression intemporelle. Les années qui suivirent n’altèrent en rien ses convictions. Elle aime les autres encore plus (même si certains n’ont aucune conscience du bien) et brûle toujours de ce besoin d’exprimer et de partager.
Des regrets ? Dans ses fantasmes les plus aigus : ne pas avoir dansé avec Michael Jackson, ne pas avoir rencontré le Dalaï Lama, ne pas avoir pris de café avec Greta Thunberg… Au-delà de ça, un grand soleil qui balayerait ces absences et éclairerait son avenir, l’espoir d’un jour, voyant ses désirs d’écrivain et d’illustratrice reconnus par la publication d’un ouvrage qui mûrit dans sa tête depuis de nombreuses années.
C’est la reconnaissance que nous souhaitons à Marie Thoisy à la fois obtenir et perdurer, puisque pour elle comme pour cette autre artiste : « La créativité est une drogue sans laquelle elle ne peut pas vivre ».
Claude DAVAL
Découvrez son site : http://www.marie-thoisylounis.com
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