Il y a près de deux semaines, Mayotte a été dévastée par l’un des cyclones les plus violents que l’archipel français ait jamais connu. Ce mardi 24 décembre, le dernier bilan humain provisoire faisait état de 39 morts. Décompte difficile des morts, problèmes d’accès aux services essentiels comme l’eau, colère des Mahorais contre le départ des fonctionnaires… Retour sur les polémiques qui entourent le 101e département français après la catastrophe.
« Si ce n’était pas la France, tu serais 10 000 fois plus en difficulté », a déclaré Emmanuel Macron lors de sa visite officielle à Mayotte jeudi 19 décembre, cinq jours après le cyclone meurtrier qui a frappé l’archipel français de l’océan Indien. Face à un groupe de Mahorais désespérés qui le huaient à Mamoudzou, dénonçant leur abandon par les pouvoirs publics depuis des années, le président de la République s’est emporté, assurant : « Il n’y a aucun endroit dans l’océan Indien où nous aidons autant les gens « . Il n’a pas fallu longtemps pour que les images d’un chef d’État perdant son sang-froid en manches de chemise deviennent virales sur les réseaux sociaux…
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De quoi susciter la polémique et scandaliser les oppositions alors même que le département le plus pauvre de France venait d’être frappé par son cyclone le plus dévastateur depuis 90 ans et que ce groupe de Mahorais avait alerté, entre autres, le président sur le problème de l’accès à l’eau sur place fait même plus difficile par ce drame… Face au tollé suscité par ses propos, Emmanuel Macron a répondu en dénonçant un rassemblement organisé par « Fonctionnaires RN » visant à « insulter la France « . Depuis sa visite à Mayotte, d’autres polémiques ont touché l’archipel suite au cyclone Chido. On fait le point.
Le difficile décompte des morts
Dès le 15 décembre, au lendemain du cyclone, le préfet de ce département français d’outre-mer estimait que le cyclone avait provoqué « certainement plusieurs centaines » décès à Mayotte, « peut être même quelques milliers « . Lors de sa visite à Mayotte, le Président de la République a également estimé que le nombre de victimes était « probablement » bien supérieur aux premiers résultats établis. Depuis, sur l’archipel qui panse ses plaies, des rumeurs circulent sur de potentiels charniers dans des zones reculées encore inaccessibles aux secours.
Le Premier ministre François Bayrou est revenu sur le bilan humain de la catastrophe ce lundi 23 décembre sur BFMTV, estimant plutôt que le nombre de morts après le passage du cyclone Chido s’élèverait à « dizaines ” et non ” des milliers » et serait bien inférieur à « des chiffres alarmistes ” avancé. ” Je crois que les chiffres alarmistes et parfois terrifiants qui ont été avancés ne se vérifieront pas dans la réalité. », a déclaré le nouveau locataire de Matignon.
« Fosses communes ouvertes » ?
Et qu’en est-il de ceux-ci » fosses communes ouvertes » évoqué notamment par la députée mahoraise Estelle Youssuffa ? Lors de sa conférence de presse du 23 décembre, le préfet de Mayotte François-Xavier Bieuville a qualifié ces allégations de « fausses nouvelles ». « Nous n’avons pas de fosses communes », a-t-il assuré. Et d’ajouter : « Pour l’instant, le constat que nous faisons est que le bilan est extrêmement difficile à dresser ».
Les inquiétudes sur le bilan réel sont liées à deux facteurs : l’habitat précaire dans lequel vivait une grande partie des victimes potentielles, ainsi que la tradition musulmane d’enterrer les défunts dans les 24 heures, alors qu’une partie importante des habitants des bidonvilles est originaire aux Comores voisines. Un retard qui empêche une identification et un recensement efficaces des victimes. Les autorités ont lancé une mission de recherche des disparus, confiée aux gendarmes.
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Ce mardi 24 décembre, la préfecture de Mayotte a annoncé que le nouveau bilan humain du passage du cyclone Chido sur l’archipel était de 39 morts, contre 35 la veille. ” La mission d’identification des victimes du cyclone poursuit son travail, en lien avec les maires et associations de Mayotte » a détaillé le préfet dans un communiqué. Selon le dernier bilan communiqué par le ministère de l’Intérieur, 4.260 personnes ont également été blessées suite à ce cyclone, dont 124 grièvement.
L’accès à l’eau en question
Le cyclone le plus dévastateur à avoir frappé Mayotte depuis 90 ans a causé des dégâts colossaux dans le département le plus pauvre de France, où les services d’urgence sont depuis à pied d’œuvre pour rétablir les services essentiels comme l’eau et l’électricité. et les réseaux de communication… Concernant l’eau, » ce sont maintenant 100 000 litres (…) qui sont distribués par jour », a précisé le préfet François-Xavier Bieuville dans un communiqué.
Juste avant de quitter le 101e département ce vendredi 20 décembre, Emmanuel Macron avait promis que l’eau serait rétablie dans les prochains jours… s’engageant même à ce que « toutes les maisons ” être ” connecté à nouveau » à l’eau à partir du samedi 21 décembre.
« D’ici la fin de ce week-end, 90% de la population sera raccordée à l’eau courante, deux jours sur trois pendant huit heures, via ce que l’on appelle des châteaux d’eau. », avait d’ailleurs promis le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau dans un entretien pour Le journal du dimanche publié samedi 21 décembre. Mais l’accès à l’eau reste encore difficile pour de nombreux habitants de Mayotte depuis le passage du cyclone Chido. Dans les villages les plus reculés de l’archipel, les habitants doivent parfois recourir au système D pour obtenir de l’eau, même si celui-ci est insalubre : curage de la rivière et des puits de fortune, récupération de l’eau de pluie, etc.
Plusieurs distributions d’eau potable sont prévues sur l’archipel mais les habitants doivent parfois attendre plusieurs heures avant l’arrivée du convoi. ” Nous avons aujourd’hui restitué l’eau aux principaux points du territoire, même si cette eau est encore parfois un peu difficile à acheminer, nos concitoyens ont de l’eau », a déclaré de son côté le préfet de Mayotte à France info ce mardi 24 décembre. Ce jeudi 26 décembre, les députés du NFP ont appelé le ministre des Armées Sébastien Lecornu à demander l’utilisation d’avions militaires pour acheminer les dons aux Mahorais. .
Des fonctionnaires accusés de « fugitifs »
De nombreuses personnes tentent de fuir l’archipel dévasté. Un dispositif d’évacuation, notamment vers La Réunion, réservé aux 21 000 fonctionnaires ou assimilés travaillant à Mayotte a été lancé par l’État – selon un chiffre de la Direction générale de l’administration de la fonction publique (DGAFP). Mais avant même le lancement de cette procédure, de nombreux Mahorais s’y opposaient largement, arguant que c’est précisément au pire d’une catastrophe que toutes les mains et tous les cerveaux disponibles sont le plus nécessaires.
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Certains habitants sont allés jusqu’à le qualifier de « fugueurs » ces agents publics aspirant à partir. ” Que les fonctionnaires restent à Mayotte, où nous n’avons jamais autant eu besoin d’eux. Ils partiront plus tard ! », s’est notamment insurgée la directrice de l’hôpital Zena Abdiladi Halidani, quelques minutes avant l’arrivée du président Emmanuel Macron à l’hôpital de la capitale Mamoudzou. Et d’insister : « Les fonctionnaires sont les soldats de l’État ».
Dans une vidéo devenue virale, une Mahoraise va bien plus loin. Depuis l’aérodrome de Dzaoudzi, où elle demande d’abord comment évacuer sa grand-mère malade, elle finit par suggérer à ses gens « je n’ai pas la bonne couleur de peau » pour que l’État les prenne en charge. ” Les colons veulent partir. (…) Tu n’as même pas honte. Vous profitez du soleil, des bonus (lié à l’emploi dans les DOM-TOM, ndlr), bande de profiteurs que vous êtes ! », a-t-elle posté en légende de cette vidéo.