Selon une étude réalisée en début d’année par le site d’enquête Selvitys, 10,8% des Français déclarent avoir déjà créé un faux document en 2023, avec un taux de réussite atteignant 73%. Sujet prioritaire pour le gouvernement, dont l’ancien Premier ministre Michel Barnier a proposé de lier la carte Vitale à la carte d’identité pour lutter contre la fraude aux aides sociales. Pour l’éviter, il faut d’abord en comprendre le mécanisme. Le département du Doubs a mis en place des stages d’initiation à la fraude documentaire, notamment dans le Haut-Doubs les 12 et 14 novembre. Organisée à la sous-préfecture de Pontarlier, la formation, encadrée par des experts de la Police aux frontières (PAF), s’adressait aux agents auprès des mairies de Pontarlier et des communes voisines. « Il est essentiel que nos agents, qui sont régulièrement amenés à les manipuler, reconnaissent un faux document. »déclare Corinne Lamarche, référente fraude documentaire pour le département. “ D’autant plus dans une zone de transit comme Pontarlier”renchérit André Briot, brigadier-chef en fraude documentaire au PAF.
La police aux frontières, basée à Pontarlier, travaille régulièrement sur ce type de fraude. Elle enquête régulièrement, dans tous les domaines, afin de rester informée des dernières tendances en matière de fraude. Lors de cette formation, les brigadiers mettent à disposition des outils indispensables à la détection d’un faux document : le contrôle commence par une analyse tactile et visuelle du document, identifiant les éléments prioritaires à vérifier. Des outils tels que des loupes ou un éclairage ultraviolet sont utilisés pour approfondir l’analyse. « Aujourd’hui, beaucoup de mairies n’ont pas d’équipement, c’est problématique. »regrette le policier. Les policiers présentent enfin plusieurs bases de données sur internet, leur permettant d’obtenir des objets de comparaison sur lesquels s’appuyer.
“Chacun a sa propre histoire”
Evidemment, l’une des principales raisons poussant certains individus à falsifier des documents reste l’accès aux prestations sociales. L’autre motivation majeure concerne l’obtention du droit de séjour sur le territoire français : « Nous avons des étrangers qui présentent de faux documents soumis aux réseaux mafieux. Ils sont souvent exploités ailleurs »déclare André Briot. Pour d’autres, c’est parfois la seule option : “On fait au cas par cas, chacun a sa propre histoire”poursuit le représentant de la préfecture. Une enquête est ainsi menée sur l’individu, et dans certains cas, son dossier administratif peut être régularisé. L’identification d’une fraude suit plusieurs étapes : elle est d’abord signalée à la préfecture, qui la transmet pour analyse aux experts du PAF. Une enquête est alors menée pour comprendre les motivations et la situation de la personne concernée, permettant de détecter d’éventuelles usurpations d’identité ou des personnes cherchant à échapper à un mandat d’arrêt.
C’est la faute du numérique !
“En France, nous avons des documents biométriques très sécurisés”se souvient le brigadier-chef. C’est aussi le résultat d’investissements lourds de l’État. “Au final, on travaille de plus en plus avec la dématérialisation, c’est dommage.” L’enquête menée par Selvitys montre que 73% des documents contrefaits passent par la dématérialisation. De nombreuses institutions, en plus de manquer de formation, acceptent les documents transmis numériquement. « Il faut concilier droits humains et identité numérique responsable »souligne Corinne Lamarche qui estime que l’impact de la formation à la fraude est sous-évalué par les institutions. La grande majorité des personnes utilisant ces documents, les mairies ou les assurances par exemple, ne sont pas suffisamment informées. « L’investissement serait rentable, compte tenu de l’énorme perte économique que cela représente. »assure le brigadier-chef. Après leurs interventions à Pontarlier et Besançon, les formateurs ont terminé leur périple dans la région de Montbéliard les 11 et 12 décembre.