Si en fin d’année, le musée de la corde Vallois à Notre-Dame-de-Bondeville fête ses trente ans, le lieu a bien failli ne jamais voir le jour. « C’est sûr qu’il a fallu convaincre un à un les élus et faire preuve de persévérance », se souvient Alain Alexandre, l’un des pionniers de la conservation d’un site dédié au passé industriel de la vallée du Cailly et à la mémoire de ceux qui ont travaillé là depuis près d’un siècle.
Car même si cette ancienne corderie mécanique, dont l’histoire remonte au XVIe siècle, a été inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1975 alors qu’elle était encore en activité – elle n’a fermé ses portes qu’en 1978 –, peu de gens à l’époque l’ont fait. Je ne pense pas vraiment à son avenir. « Il y avait même un projet de piscine intercommunale à sa place, avant son classement », se souvient l’ancien professeur d’histoire, convaincu dès le départ qu’il fallait préserver l’atmosphère de ce dernier témoin encore debout d’un mode de vie en voie de disparition. . « Nous avons souhaité le laisser dans son état d’origine, tout en l’ouvrant au plus grand nombre. »
Mais comme le souligne Mylène Beaufils, responsable de collection à la corderie, l’industrie textile à la fin des années 1970 était « plutôt synonyme de plans sociaux et de fermeture, de liquidation et de désindustrialisation. Nous avons dû pleurer une époque. Ce que confirme Alain Alexandre : « Pour les élus, le patrimoine, c’était une église, un château, un calvaire… Ça ne sentait pas la graisse. Ce n’était pas plein de machines, de graisse et de poussière ! Leur réflexe a plutôt été de tout raser et de tourner la page.»
Alors depuis treize ans, au sein de l’Association du Musée de l’Homme et de l’Industrie, ce groupe de passionnés n’a pas baissé les bras, soutenu par Pierre Vallois, petit-fils de l’ancien propriétaire et par le dernier directeur de la corderie, Maurice Mallet. «En 1991, un inventaire exhaustif a été réalisé», ajoute Mylène Beaufils. «Cela a permis, une fois terminés les travaux de restauration indispensables à l’accueil du public, de pouvoir réinstaller chaque machine à sa place d’origine et de les faire fonctionner comme avant.» Pour faire à terme de la corderie Vallois, lors de son ouverture en 1994, le premier musée industriel de France.
« Dès le départ, nous avons voulu en faire un lieu vivant », se souvient Alain Alexandre qui se réjouit encore aujourd’hui de ce choix novateur pour l’époque. « Aujourd’hui, lorsque viennent les cours, les élèves peuvent découvrir avec leurs sens ce passé très loin de leur quotidien et de leur smartphone. Ça bouge, ça fait du bruit, ça sent la poussière. Ils peuvent mieux comprendre ce que c’était que de travailler dans ces conditions. Un travail ingrat qui a pourtant nourri des générations entières de familles dans cette vallée ouvrière.
Propriété aujourd’hui de la Métropole Rouen-Normandie, le musée a conservé le même esprit au cours de ses trente années d’existence, enrichi d’expositions temporaires comme c’est le cas jusqu’en juin prochain avec une présentation consacrée à la période de la Reconstruction, notamment celle des moyens. de la production et des usines. « Il y a un lien logique avec l’histoire de la cordage », souligne Mylène Beaufils. « Et malheureusement, avec l’actualité mondiale actuelle… »