la reconversion au coeur d’une nouvelle génération de commerçants dans la Bastide Bordelaise

M.Monsieur Léon est l’un des premiers et des plus fidèles clients. « On retrouve les commerces de proximité qu’on aimait autrefois », analyse-t-il, soixante ans de Bastide bordelaise et de bon sens à son actif. Nous sommes au 285 avenue Thiers, côté Galin, à la Cordonnerie locale. 23 m² dédiés aux chaussures, maroquinerie, clés ou encore chaussettes. Brassens en playlist. C’est l’une des enseignes emblématiques d’un quartier à la population et aux commerçants rajeunis. «Je ne partageais plus les valeurs des entreprises dans lesquelles je travaillais», raconte Nicolas Richer, 38 ans, qui a ouvert en 2021 après des années passées comme employé dans des chaînes de magasins.

Il a découvert la cordonnerie chez un pro de la rive gauche, le CAP avec lui, il a acheté un appartement dans la Bastide et cet ancien garage de stockage où le propriétaire ne voulait pas d’une énième mutuelle de mutualité. Modernité du réemploi et valeurs d’antan, contact, simplicité : le chiffre d’affaires attendu a explosé. Il engage rapidement un autre converti : son frère Guillaume, ancien policier, qui s’est par la suite lassé du monde de la logistique. Leur livre de chevet est « L’Entreprise Altruiste », de Getz et Marbacher. Ce lundi, dans les 23 m², nous rencontrons Nora Kandri, stagiaire en CAP maroquinerie et Marie de Lasa, ex-conseillère marketing en reconversion ITOU.


Stéphane Bouron, ancien assureur devenu pâtissier.

JJ

Assurance pâtisserie

200 mètres plus loin, se trouve la rue Cazenave avec ses échoppes bien rangées. A 51 ans, on lit « Stéphane B. Pâtisseries » depuis 2022. Stéphane Bouron ouvre. Né à La Bastide, il vient de terminer vingt-sept ans dans l’assurance. La gestion des catastrophes s’est transformée en désastre. « Je n’en pouvais plus de faire juste des chiffres. » Il s’essaye à la pâtisserie, passe son CAP pâtissier à 45 ans, et se perfectionne aux côtés de Cyril San Nicolas. Pas de magasin – « trop cher » – mais des produits de 6, 8 ou 10 pièces à récupérer ou à livrer. Le 4 m² de son laboratoire sont insuffisants : il cuisine désormais chez sa mère à Saint-Loubès, les tartes au citron et le pain d’épices sont ses spécialités.

“Je ne faisais que des chiffres, je n’en pouvais plus”


Aurélie Delisle, seamstress in Rue des Clouds, rue Cazenave.

JJ

Même rue, au numéro 10 : Rue desclouds. « J’avais ce nom de cocon en tête depuis longtemps, sourit Aurélie Delisle. Elle a été responsable marketing pendant dix-huit ans dans un groupe de parfumerie et a eu « le sentiment d’avoir réussi ». Elle a cette passion pour la couture, héritée de sa grand-mère et de sa mère, transmise à ses deux garçons et à sa fille : « en 2018 j’ai découvert le concept d’atelier-boutique, ce qui est encore très rare à Bordeaux. » Elle ouvre la rue des Nuages, la rue Bouthier, et l’agrandit jusqu’à la rue Cazenave. Sa clientèle est locale, mais de Libourne à Mérignac pour les cours. S’il y a développement, “ce sera dans la Bastide où il y a une vraie vie de quartier”.

Camille Durand, at the head of the Voyageurs restaurant, rue de Nuits.


Camille Durand, at the head of the Voyageurs restaurant, rue de Nuits.

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« Femmes guerrières »

« La ville mais où on se dit bonjour », résume Camille Durand chez Voyageurs, rue de Nuits. 50 places consacrées au patrimoine culinaire mondial à petits prix. Le propriétaire de 35 ans a découvert la street food à Londres il y a 10 ans. Le graphiste revient bilingue et déterminé. « J’ai dit à mon père que malgré cinq années d’études et 50 000 euros, j’allais ouvrir un restaurant ! » Après trois ans en tant qu’associée rue des Ayres, elle crée un « bowl » quotidien populaire. Covid, bébé, maison à Floirac et l’épicerie historique qu’elle rénove avec son associé Louis, peintre. Depuis octobre 2022, tous les continents sont dans l’assiette le midi en semaine et le soir les jeudis et vendredis. Pas le week-end. « La vie de famille est aussi importante. » Ses effectifs sont passés de deux à cinq personnes, un développement de l’activité restauration est à venir : « Je me suis retrouvé ».

Aurélie Castro, kobido masseuse at Le Rouzic.


Aurélie Castro, kobido masseuse at Le Rouzic.

JJ

Au 55/57 du cours Le Rouzic, Aurélie Castro accueille dans son duplex cosy où elle reçoit une clientèle exclusivement féminine. « Les femmes sont des guerrières du quotidien, elles méritent une attention particulière. » Elle leur prodigue des massages kobido, un art japonais ancestral apaisant ou stimulant les 50 muscles du visage, faisant aussi lâcher prise au cerveau, si bien que le CNRS en étudie les bienfaits. Après quinze ans dans le monde de groupes cosmétiques prestigieux – « Je reviens des paillettes ! » -, un dernier poste de responsable export, elle se lance dans la Maison Ikigaï en mai 2023. Ikigaï, avec une philosophie tout aussi japonaise centrée sur la recherche de son moteur matinal. Aurélie Castro a trouvé la sienne. «Quand je masse, je suis alignée», raconte celle qui a été vite conquise par le quartier : «un joli village gaulois avec une belle ambiance, où l’on consomme autrement.»

Baptiste Pejoigne, caviste à Benauge à la tête de Substance.


Baptiste Pejoigne, caviste à Benauge à la tête de Substance.

JJ

De Bogota à Benaugé

On se rapproche de la Garonne à Substance, rue de la Benauge. Autre enfant du coin, Baptiste Pejoigne propose dans sa cave 400 sortes de vins, ainsi que des spiritueux et des bières du monde entier. « Depuis la fin de mes études, j’ai envie d’installer une cave à La Bastide. » Diplômé sommelier après des saisons à Lacanau ou au Cap Ferret, il a géré pendant dix-huit mois les 1 200 références de L’Univers avant d’ouvrir ici il y a un an. « Même si je suis fondamentalement stressé, je me sens libre. » Le chiffre d’affaires attendu était de 120 000 euros, il terminera 2024 à 300 000, entre achats impulsifs et privatisations. Il met en avant « une clientèle compétente et curieuse dans un quartier où il y a de l’argent ».

« Un joli village gaulois avec une belle ambiance, où l’on consomme autrement »

Mélanie Simian et Linda Arevalo au Duo atelier du quai Deschamps.


Mélanie Simian et Linda Arevalo au Duo atelier du quai Deschamps.

JJ

On termine le parcours forcément incomplet sur le quai Deschamps, à deux pas de la place Stalingrad. Chez Duo atelier, Mélanie Simian restaure des fauteuils et vend du tissu. Lina Arevalo crée des kokedama, des sphères de mousse végétale surmontées de diverses plantes. Les deux amis animent chacun des ateliers réussis. De contrôleur de gestion à chef de produits cosmétiques, de commerciale à prévisionniste dans les grands groupes textiles, la première cherche du sens et moins de stress, renouant avec l’héritage culturel de ses ancêtres brocanteurs.

Synergie

Le second était, il y a 15 ans, professeur de design industriel… à l’Université de Bogotá. Arrivée en par amour, elle se reconvertit dans la conception végétale pour particuliers et entreprises. Dans leurs 70 m2 Aux côtés du couple Madame Fromage (autres convertis notables !), les deux quadragénaires se disent « heureux de travailler dans cette Bastide chaleureuse où il y a une vraie synergie entre les commerçants et les habitants ».

 
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