Pour un journaliste, il n’y a finalement pas de reportage qui ne soit mémorable. Ils le sont tous, à leur échelle, car le spectacle de l’humanité s’écrit aussi sous notre plume. Les situations ne sont parfois pas faciles à comprendre ou à expliquer. A nous de les présenter pour que nos lecteurs puissent s’en faire une idée. Lorsqu’il s’agit d’enfants malades ou handicapés, la charge émotionnelle est toujours intense. En avril, j’ai été alerté par un membre du Lions Club Dijon Doyen, ayant organisé le 12e édition de Rêves d’enfants malades avec l’association Croq’diabète, sur la situation de Mariami, âgée de 13 ans. J’ai appris qu’elle a reçu un diagnostic de diabète de type 1 en mai 2022 en Géorgie, que son traitement nécessite cinq injections d’insuline par jour, qu’elle risque des complications aiguës comme le coma diabétique, des complications chroniques comme l’amputation, la cécité ou l’insuffisance rénale ou cardiaque, qu’elle risque également d’être renvoyée dans son pays où, faute d’argent, elle ne pourra pas avoir accès à la qualité des soins dont elle a besoin. Pour mieux comprendre sa situation, et la vérifier, j’ai contacté le Dr Candace Bensignor qui la suit au CHU de Dijon. Ce médecin me confirme que sa forme de diabète est difficile à contrôler et souligne également : « face au coût des traitements inabordables, de nombreux Géorgiens sont contraints de migrer pour se faire soigner ».
je cherche à en savoir plus
J’ai alors cherché à en savoir plus sur la situation des soins médicaux en Géorgie et j’ai découvert, lors de mes recherches en ligne, l’étude intitulée « Mon médecin m’a dit que ma seule chance était de partir à l’étranger », évoquant les problèmes de santé des ressortissants géorgiens. Un rapport signé en 2022 par deux étudiants de Sciences Po qui aboutit au constat d’un écart manifeste entre la réalité de la disponibilité, de la qualité et de l’accessibilité des soins en Géorgie, et les conclusions d’un grand nombre de décisions de refus de titre de séjour pour soins. , réalisé par l’administration française.
Quelques jours plus tard, je retrouve Mariami, sur un bout de trottoir devant l’abri de nuit de la rue des Creuzots, car dans la journée, elle doit quitter les lieux avec sa famille. Je me retrouve nez à nez avec une jeune fille frêle, au regard perçant, aussi bleu qu’intense. Elle me montre le bout de ses doigts devenus douloureux à force de se piquer, puis le capteur de glycémie posé sur son bras par le CHU de Dijon. Ses parents sont également là, tout comme son jeune frère. Son père vient vers moi pour m’expliquer qu’en Géorgie, il avait un travail, une maison, mais que la maladie de sa fille, détectée deux ans plus tôt, a tout changé : il n’y arrivait plus. au coût mensuel du traitement. S’il est là, c’est pour sauver sa fille. Comment peux-tu ne pas y croire ? Et qu’aurions-nous fait à sa place ?
Un monde meilleur
Je pense alors à tous ces naufragés de la santé qui fuient leur pays pour être sauvés dans le nôtre, dont le système de santé est envié dans le monde entier, aux râleurs de chez nous qui critiquent la France sans se rendre compte que ce système leur apporte le meilleur au quotidien, à tous ceux qui assimilent cet enfant au trou de la sécurité sociale et prétendent que nous ne pouvons pas guérir toute la misère du monde. Pour tous ceux qui la soutiennent, et ont lancé une pétition, c’est une évidence : « bien sûr qu’on peut soigner Mariami ! »
Humaniste, utopiste, je me mets à rêver d’un monde meilleur, où la logique du profit, efficace dans de nombreux pays, n’exclut plus aucun habitant de la Terre des soins qu’exige son état de santé, avec toute la force du travail collectif. L’espoir en mouvement inauguré en mai dernier pour Mariami, dans le hall de l’hôpital des enfants du CHU de Dijon.