Le ministère de la Justice de Beat Jans est chargé d’élaborer des propositions concernant la clause de sauvegarde.Image : clé de voûte
D’ici quelques semaines, le Conseil fédéral attend de Beat Jans une proposition de clause de sauvegarde sur l’immigration avec l’UE. Les attentes du PLR et du Centre sont grandes. Le ministère de la Justice donne déjà les premières indications sur la forme que pourrait prendre ce frein à l’immigration.
23.12.2024, 12h0023.12.2024, 12:07
Stefan Bühler / ch média
C’est le trophée des négociations avec l’UE : la Suisse obtient le droit de prendre des mesures contre l’immigration en cas de graves problèmes économiques ou sociaux résultant de la libre circulation des personnes. Une telle clause existe déjà dans l’accord actuel sur la libre circulation des personnes, mais elle n’a jamais été activée car l’UE disposait d’un veto. À l’avenir, La Suisse pourra « activer de manière autonome » la clause de sauvegardecomme l’a expliqué vendredi le ministre de la Justice Beat Jans.
Et les attentes sont élevées, notamment parmi les libéraux radicaux et les centristes. C’est ce qui ressort vendredi de l’émission «Arena» de la télévision suisse alémanique. Le président du PLR Thierry Burkart a déclaré que la clause de sauvegarde était le « point absolument central » : de nombreuses personnes dans le pays sont d’accord avec la voie bilatérale, mais ont un problème avec la libre circulation des personnes, dit-il.
Le président du Centre, Gerhard Pfister, a poursuivi dans la même direction. La question de l’immigration est «décisive pour l’acceptation des accords en Suisse». Pfister a également évoqué l’initiative de l’UDC contre une Suisse de 10 millions d’habitants, qui devrait être soumise au peuple avant les nouveaux accords bilatéraux. Pfister explique qu’il faudra répondre à la question suivante :
«Comment contrôler l’immigration de manière autonome en Suisse tout en préservant les accords bilatéraux?»
Plusieurs questions se posent : quelle doit être la gravité des problèmes pour qu’il soit activé ? Et plus précisément, de quelles problématiques d’immigration parlons-nous ? Bref, comment fonctionnera la clause échappatoire ?
Le ministère de la Justice de Beat Jans doit désormais apporter très rapidement des réponses à toutes ces questions. Le conseiller fédéral socialiste doit présenter d’ici février une idée sur la manière de modifier la clause de sauvegarde de la loi sur les étrangers (LEtr). Toutefois, la proposition ne sera publiée qu’au début de l’été, lorsque l’ensemble du paquet sera mis en consultation.
Mais il y a de premiers indices sur la direction prise par le département du conseiller fédéral socialiste. Ainsi, lors de la conférence de presse du Conseil fédéral de vendredi, la secrétaire d’État aux Migrations, Christine Schraner Burgener, a cité quelques exemples de critères qui pourraient être utilisés pour identifier de graves problèmes liés à la libre circulation des personnes.
Elle a cité comme indicateurs possibles une « forte augmentation des loyers dans certaines régions », une forte immigration, une hausse du chômage ou encore une multiplication des faillites dans certains secteurs. Pour cela, il faudrait déterminer dans la loi les seuils au-delà desquels la clause de sauvegarde serait activée. Et comme exemple de mesure de protection, Schraner Burgener a cité « une limitation de l’immigration des citoyens de l’UE-AELE dans les secteurs touchés par le chômage pendant, par exemple, trois ans ».
Fait remarquable: la Suisse peut ancrer ces facteurs dans le droit des étrangers sans consulter l’UE. Interrogé à ce sujet, le responsable de la communication de Beat Jans, Oliver Washington, explique :
« Les mesures de protection doivent être une réponse concrète à des problèmes réels. Et ils doivent être appropriés, proportionnés et limités dans le temps. »
Une limitation de l’immigration serait possible, ainsi que des mesures dans certaines régions ou secteurs.
L’UE peut prendre les mêmes mesures contre la Suisse
Pour l’économie, il serait de toute façon plus coûteux de recruter des travailleurs à l’étranger. Dans le processus de politique intérieure, il sera donc intéressant de voir qui préconise une limitation stricte de l’immigration et qui préconise une clause de sauvegarde aussi édentée que possible.
Il faudra également tenir compte de la procédure convenue avec Bruxelles. Si la Suisse freine l’immigration, elle doit d’abord en discuter avec l’UE au sein de la commission mixte. A défaut d’accord, l’affaire sera soumise à un tribunal arbitral au sein duquel les deux parties seront représentées.
Selon le chef de la communication Oliver Washington, le Conseil fédéral estime «que le tribunal arbitral n’a pas besoin de consulter la Cour de justice européenne pour la clause de sauvegarde». Mais ce que la Suisse doit accepter, c’est que même si ce tribunal arbitral approuve les mesures de sauvegarde, l’UE obtient le droit de prendre les mêmes mesures contre la Suisse.
Mais si la Suisse perd devant le tribunal arbitral et qu’elle persiste, alors la procédure de règlement des différends est activée, telle qu’elle a été négociée au niveau institutionnel. Ici aussi, un tribunal arbitral entre en jeu. Il faudra toutefois, dans certaines circonstances, solliciter l’avis des juges de l’UE. Et si la Suisse perd ce procès, l’UE aura le droit de prendre des mesures de compensation comme elle le souhaite dans le cadre des accords sur le marché intérieur : c’est là que cela fait particulièrement mal à la Suisse.
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Traduit et adapté de l’allemand par Léa Krejci