Les organismes qui traitent actuellement les plaintes en matière de droits de la personne ne sont pas bien adaptés pour aider les peuples autochtones, souligne le Sénat dans un nouveau rapport. Il est donc nécessaire de créer un poste d’ombudsman et un nouveau tribunal spécialisé dirigé par les autochtones pour les accompagner dans ce processus souvent complexe et difficile d’accès pour de nombreuses personnes blessées.
Le problème majeur des mécanismes de protection des droits de l’homme à l’heure actuelle est qu’ils sont souvent inaccessibles à de nombreux autochtones qui souhaiteraient intenter un recours, souligne le rapport du Sénat.
Selon le témoignage de la coordonnatrice du projet Iskweu au Refuge pour femmes autochtones de Montréal, Laura Aguiar, les personnes lésées – et particulièrement les femmes – n’ont souvent pas assez de - dans une journée pour intenter un recours ou demander justice pour ces violations, comme l’exigeraient de nombreuses institutions des droits de l’homme.
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Les personnes marginalisées et vulnérables sont victimes d’une discrimination généralisée et de préjugés systémiques et que, pour cette raison, « les gens n’osent généralement pas faire valoir leurs droits ».
écrivent également les sénateurs, citant le témoignage de Madeleine RedfernPrésident de la Commission des services juridiques du Nunavut.
À cela s’ajoute le manque de ressources financières ou de connaissances pour se lancer dans un tel processus.
La sénatrice indépendante Michèle Audette. (Archives photographiques)
Photo : - / Ivanoh Demers
Même si les structures de protection des droits de l’homme ont leurs qualités, il n’en reste pas moins qu’elles s’appuient sur un droit qui a toujours porté atteinte ou cherché à éliminer les droits des peuples autochtones
explique la sénatrice innue Michèle Audette en entrevue.
Pendant longtemps, la Loi canadienne sur les droits de la personne n’a même pas pleinement protégé la majorité des membres des Premières Nations. L’article 67 de cette loi dispose qu’il est sans effet sur la Loi sur les Indiens et les dispositions prises en vertu de cette loi
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En bref, Les membres des Premières Nations qui vivent ou travaillent dans une réserve ne pourraient pas déposer de plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne pour un motif présumé de discrimination attribuable à une mesure ou à une décision prise en vertu de la Loi sur les Indiens.
explique le rapport sénatorial.
Il a fallu attendre 2008, soit 23 ans après la rédaction de la Loi canadienne sur les droits de la personne, pour que l’article 67 soit enfin abrogé.
Résultat : un afflux spectaculaire de plaintes nouvelles et complexes, dont beaucoup étaient auparavant interdites par l’article 67
Valerie Phillips, directrice générale des services des plaintes à la Commission canadienne des droits de la personne, l’a déclaré aux sénateurs lors de son témoignage.
La suppression de cet obstacle législatif a donc créé un nouvel obstacle : des délais encore plus longs pour qu’une plainte progresse.
Cela montre que nous aurions dû avoir cela depuis longtemps.
fait valoir Michèle Audette.
L’ombudsman [doit pouvoir] soutenir les personnes qui portent plainte, tandis que le tribunal [doit] être en mesure de prendre des décisions contraignantes sur les plaintes et d’ordonner des réparations substantielles.
Structures parallèles
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Le traitement des plaintes à la Commission canadienne des droits de la personne peut être long, ce qui représente un autre obstacle pour les plaignants autochtones.
Photo : CBC / David Thurton
Le poste d’ombudsman et le tribunal spécialisé ne remplaceraient pas la Commission ou le Tribunal canadien des droits de la personne, mais fourniraient plutôt une infrastructure parallèle aux organismes déjà existants.
Le Canada pourrait ainsi faire d’une pierre deux coups : la création d’un nouveau tribunal et d’un poste d’ombudsman permettrait de désengorger cet espace pour faire appel à des experts qui connaissent le droit canadien et les droits des Autochtones
explique la sénatrice Audette.
En même -, il y a cet exercice pour honorer ce que [les instances actuelles] c’est [sont] pas capable[s] faire par manque de connaissances, par manque de ressources ou parce que ce n’est pas dans [leur] mandat.
En fin de compte, les Autochtones auraient donc la possibilité de choisir le mécanisme de leur choix. Cet espace disposera d’une expertise qui soutiendra [les plaignants] et la collaboration existera. Nous coexistons depuis 500 ans avec les sociétés qui vivent ici, et c’est pareil avec nos institutions : nous collaborerons
affirme Mme. Audette
Afin de maximiser l’accessibilité des nouvelles structures, certains témoins entendus par le Sénat suggèrent qu’elles soient gratuites et qu’elles incluent également la formation de personnes ressources en droits de la personne au sein des communautés pour accompagner les plaignants.
Mais pour éviter que de nouvelles structures autochtones ne soient victimes de leur succès et qu’un nouveau goulet d’étranglement ne se forme, Michèle Audette estime que les gouvernements autochtones doivent aussi se doter de mécanismes de plainte et de responsabilisation.
Nous voulons être une nation autonome et nous y avons droit, mais cela implique des responsabilités et cela signifie que s’il existe des bureaux de plaintes, cela s’accompagne de recommandations, de sanctions et d’actions à entreprendre.
explique-t-elle.
Progrès et frustration
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Les sénateurs sont proches des élus, au propre comme au figuré, et peuvent donc les contacter rapidement. (Photo d’archives)
Photo : CBC/-
Le rapport du Comité permanent des peuples autochtones publié la semaine dernière est une réponse directe à l’appel à la justice 1.7 duENFFADA.
Nous demandons aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, en partenariat avec les peuples autochtones, de créer un poste d’ombudsman national des droits des autochtones et des droits de la personne, ayant autorité sur tous les domaines de compétence, et d’établir un tribunal national des droits des autochtones et des droits de la personne. […]
Cet appel à la justice est l’une des principales priorités de Michèle Audette, qui fut l’une des commissaires duENFFADA,. Quels appels à la justice devrions-nous lancer pour pousser la réflexion un peu plus loin et faire bouger le gouvernement ?
» a demandé la militante de longue date, après avoir prêté serment il y a un peu plus de trois ans.
À l’époque, elle et ses collègues Dennis Glen Pattersonles Micmacs Et Noël (tous deux retraités aujourd’hui) ainsi que Brian François (l’actuel président du Comité permanent des peuples autochtones, également Mi’kmaw) ont spontanément que c’était le mécanisme de responsabilisation, de protection des droits, le mécanisme où [quelqu’un peut] porter plainte et être accompagné
ce qui devait être une priorité, sachant que le gouvernement rejetterait nécessairement certains appels à la justice.
Même si la principale recommandation du récent rapport ressemble beaucoup à ce que l’on trouve dans les conclusions duENFFADAle dossier a néanmoins beaucoup avancé, parce qu’il est étudié
explique Mme Audette. Nous avons fait venir des représentants du gouvernement, divers experts des droits de l’homme, des fonctionnaires de justice – ce que nous n’avons pas pu faire avec le système.ENFFADA. Cela, pour moi, a été une réussite.
Il suffit de passer un seul coup de fil en tant que sénateur pour appeler un bureau de députés ou de ministres et leur dire : « qu’est-ce que tu vas faire ? Ils répondent un peu plus vite, sinon, on traverse la pelouse et on est dans leur chambre.
Le climat d’instabilité qui règne à Ottawa n’est toutefois pas encourageant pour l’avenir de cet appel à la justice lancé il y a cinq ans.
Je ne vis pas dans un monde de licornes ou de caribous roses
lance Michèle Audette avec un rire jaune. Il faut que [la création d’un tribunal spécialisé] vient du gouvernement parce qu’il vient avec des budgets […] Je suis conscient que ce ne sera pas le cas dans les prochains mois.