Une deuxième trêve à Gaza est-elle possible ? C’est en tout cas ce qu’ont laissé entendre, samedi 21 décembre, le Hamas et deux autres groupes palestiniens, le Jihad islamique et le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), en affirmant qu’un accord de cessez-le-feu était « plus proche que jamais » pour la bande de Gaza. Toutefois, cet arrêt des combats ne sera possible “si l’ennemi [Israël] arrêtez d’imposer de nouvelles conditions »ont annoncé ces trois groupes dans un communiqué commun, après s’être réunis au Caire vendredi soir.
Malgré d’intenses efforts diplomatiques, aucune trêve n’a été conclue depuis celle conclue fin novembre 2023. Mais ces dernières semaines, les négociations ont repris, faisant naître les espoirs de nombreux acteurs internationaux. Franceinfo revient sur cet accord de trêve en trois questions.
1 À quoi pourrait ressembler l’accord de trêve ?
Selon des responsables du Hamas, cités par l’AFP, cela se déroule en trois étapes. Cette évolution a été confirmée par des responsables égyptiens à l’agence de presse américaine AP. Toutefois, rien de tout cela n’est confirmé à ce stade depuis Tel-Aviv. “Moins on en dit, mieux c’est”a déclaré mercredi à l’AFP un porte-parole du gouvernement israélien, refusant de commenter l’accord.
Dans la première phase de l’accord de six semaines, les civils et les soldats israéliens doivent être libérés en échange de “des centaines de prisonniers palestiniens”, selon des responsables palestiniens cités par l’AFP. Lors de l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, 251 personnes ont été prises en otage. Sur ce total, 96 restent détenus à Gaza, dont 34 ont été déclarés morts par l’armée israélienne. Selon la chaîne égyptienne Al-Ghad citée par HaaretzLe Hamas a accepté de libérer onze d’entre eux, dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu. De son côté, Israël a approuvé la libération de 200 prisonniers palestiniens, selon le quotidien israélien.
Toujours au cours de cette première phase, Israël doit retirer ses forces du couloir de Philadelphie, la bande de terre contrôlée par l’armée israélienne le long de la frontière entre Gaza et l’Egypte, selon des responsables palestiniens cités par l’AFP. L’armée israélienne «se retirerait également partiellement» du corridor de Netzarim, autre axe contrôlé par Tel-Aviv et coupant la bande de Gaza d’est en ouest. Elle partirait aussi “progressivement” centres urbains et camps de réfugiés dans la bande de Gaza. Enfin, cette première phase doit voir le retour progressif des habitants déplacés de la ville de Gaza et du nord du territoire, sous la supervision de l’armée israélienne.
Une deuxième phase devrait permettre la libération des soldats israéliens détenus par le Hamas en échange de“un certain nom” Prisonniers palestiniens, « dont au moins 100 condamnés à de longues peines ». Durant cette phase, Israël doit achever son retrait militaire tout en maintenant ses forces dans les zones frontalières à l’est et au nord de la ville de Gaza. Enfin, lors de la dernière phase de l’accord, “la guerre serait officiellement déclarée terminée” et les efforts de reconstruction commenceraient.
2 Quels sont les points bloquants ?
Malgré ces avancées, des désaccords majeurs demeurent. Tout d’abord sur le nombre exact et les noms des prisonniers à libérer, sur lesquels les responsables palestiniens et israéliens ne sont toujours pas d’accord, selon des responsables égyptiens cités par AP. Des divergences persistent également concernant la réouverture des points de passage, notamment à Rafah, à la frontière avec l’Égypte. Le Hamas souhaite que sa réouverture soit « confié à l’Autorité palestinienne, en coordination avec l’Égypte et l’Union européenne, conformément à l’accord de 2005 ».
De son côté, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a déclaré à plusieurs reprises qu’il était opposé à un retrait des troupes israéliennes du couloir de Philadelphie, contrôlé par l’armée israélienne. Dans une interview accordée vendredi à Journal de Wall Streetle dirigeant israélien a également exprimé son intransigeance envers le Hamas : « Je n’accepterai pas de mettre fin à la guerre tant que nous n’aurons pas éliminé le Hamas. Nous n’allons pas les laisser au pouvoir à Gaza, [moins de 50 km] de Tel-Aviv. Cela n’arrivera pas.
Par ailleurs, si un responsable du Hamas assure à l’AFP que “L’Egypte, le Qatar, la Turquie, les Nations Unies et les Etats-Unis seront les garants de l’application de l’accord”aucun de ces acteurs ne l’a confirmé. Quant à la gouvernance de Gaza après la guerre, elle fait encore l’objet de nombreux débats, y compris au sein de la classe dirigeante palestinienne.
3 Ces négociations ont-elles une chance d’aboutir ?
Malgré ces désaccords, les négociations menées ces dernières semaines ont ravivé les espoirs d’un accord de trêve et d’une libération des otages à Gaza. Le 10 décembre, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, a déclaré lors d’une visite en Israël qu’il “l’impression” que Benjamin Netanyahu était prêt à un accord pour la libération des otages kidnappés le 7 octobre. Six jours plus tard, Israel Katz, le ministre israélien de la Défense, a déclaré que les négociateurs israéliens «n’avons jamais été aussi proches d’un accord».
Le lendemain, le Hamas a affirmé que les discussions étaient « sérieux et positif »après une visite du chef du Mossad à Doha, au Qatar. Jeudi, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a affirmé avoir « bon espoir » parvenir à un cessez-le-feu à Gaza, sans toutefois « risque donnant des probabilités ». « Il faut que ça réussisse. Les gens doivent rentrer chez eux. »a-t-il insisté en faisant référence aux otages toujours détenus à Gaza.
Les pourparlers se sont accélérés depuis décembre, sous l’impulsion des administrations Biden et Trump, qui font pression sur les négociateurs pour qu’un accord de trêve soit trouvé avant le 20 janvier, date du retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Début décembre sur son réseau social Truth, le milliardaire avait exhorté le Hamas, sans le nommer directement, à libérer les otages israéliens, sinon ce serait « Un enfer à payer au Moyen-Orient et pour les responsables de ces atrocités contre l’humanité ».
Ce nouvel élan est également rendu possible en raison du contexte politique régional, bouleversé ces dernières semaines. «Il y a eu l’assassinat [du leader du Hamas] Yahya Sinouar, la défaite du Hezbollah [au Liban]l’effondrement du régime de Bachar al-Assad [en Syrie] et bien sûr, la victoire de Trump aux Etats-Unis, qui exerce une forte pression du Qatar sur le mouvement palestinien.» liste avec le Monde Michael Milshtein, ancien officier des renseignements israéliens et expert du Hamas. Selon lui, malgré certaines positions de principe, le mouvement islamiste « peut être prêt à faire preuve de flexibilité quant au calendrier et à la manière dont cela sera mis en œuvre ».