Après un an de mandat, le chef de l’APN veut remettre sur le devant de la scène les questions autochtones

S’il y a eu de belles victoires en 2024, la chef nationale de l’Assemblée des Premières Nations (APN), Cindy Woodhouse Nepinak, entend bien continuer de repousser les limites des droits autochtones. Il est clair pour elle que peu importe la composition du prochain gouvernement, celui-ci devra « travailler en bonne harmonie avec les Premières Nations ».

Après un an au poste de chef national deAPNCindy Woodhouse Nepinak ne se fait aucune illusion et ne tient pas pour acquis le soutien des dirigeants des plus de 600 communautés qu’elle représente. Leurs avis divergent sur plusieurs sujets, mais elle est persuadée qu’ils souhaitent tous la même chose : une vie meilleure pour tous leurs enfants.

Les derniers mois ont été mouvementés, notamment en raison du dossier de la protection de la jeunesse, dans lequel une entente de 47,8 milliards de dollars, négociée entre le gouvernement fédéral et l’APN, a finalement été rejetée en octobre. Pas un travail facileentreprise avec courage, selon elle. Elle croit que la diversité des avis dynamise l’APN.

La dirigeante de 41 ans entend poursuivre ses combats : l’unité àAPN Pour être solidaires à l’approche des élections fédérales, les enquêtes sur le racisme systémique au sein des services policiers, la protection de la jeunesse et l’accès à l’eau potable figurent sur la liste des priorités pour 2025.

En effet, elle sait à quel point les Autochtones n’ont pas toujours accès aux droits humains les plus fondamentauxqui a grandi dans la communauté de Pinaymootang, à 250 kilomètres au nord de Winnipeg, au Manitoba, sans eau courante.

Retour sur son année à la tête du pays et ses priorités pour 2025.

Espaces autochtones : Que souhaitez-vous absolument réaliser au cours de votre mandat ?

Cindy Woodhouse Nepinak : Au cours de la dernière année, nous avons enregistré des victoires juridiques historiques, notamment sur la compétence des Premières Nations, les droits nationaux aux ressources naturelles et le financement de la police. Ces victoires ont été remportées devant les tribunaux.

La Cour suprême a reconnu que le Québec n’avait pas financé adéquatement le service policier de la communauté Ilnu de Mashteuiatsh.

Photo : -

Mais nous avons encore beaucoup de priorités. Nous nous concentrerons sur les enfants et leur protection, le principe de Jordan et les services policiers des Premières Nations. J’attends donc avec impatience les travaux futurs dans ce domaine.

Nous devons également veiller à ce que les voix des Premières Nations soient au premier plan et rappeler au Canada que s’il investit dans les Premières Nations et comble les lacunes en matière d’infrastructures et de logement dans ce pays, […]Le Canada pourrait devenir un leader économique mondial.

Même si l’année 2024 a été chargée, nous ne faisons que commencer. En 2025, nous continuerons de travailler avec le conseil exécutif et les dirigeants desAPNd’un océan à l’autre, pour assurer l’adoption de la Loi sur l’eau potable des Premières Nations. Il faut faire pression sur le Parlement, même si c’est aujourd’hui chaotique.

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Neskantaga est privée d’eau potable depuis 30 ans.

Photo : (Carlos Osorio/La Presse Canadienne)

Une loi sur les services de police des Premières Nations devrait être introduite afin qu’ils puissent bénéficier d’un financement fiable à long terme. Ce sont des choses sur lesquelles nous devons rester concentrés à la Chambre des communes, peu importe ce qui s’y passe. [Les députés] doit aborder ces questions. Il est donc très important d’accroître la participation des Premières Nations aux élections fédérales, où leur voix compte.

Nous continuerons de repousser les limites du droit pour garantir que les droits ancestraux et issus de traités des Premières Nations soient pleinement mis en œuvre et reconnus dans ce pays.

Nous assistons à un changement dans ce pays. Les dirigeants politiques en font partie. Les Premières Nations en font toutes partie.

EA : En juillet, vous avez proposé aux dirigeants de l’Assemblée l’accord avec le gouvernement fédéral de 47,8 milliards de dollars pour réformer à long terme la protection des enfants autochtones. Étiez-vous sûr que cela serait accepté ?

CHIEN : Quand j’ai insisté pour que cet argent soit mis sur la table, je voulais qu’il aille aux Premières Nations. J’aime tellement mon peuple ! Il ne s’agit pas de nuire à qui que ce soit mais d’essayer d’inverser cette tendance à la hausse du nombre d’enfants. [placés dans le système]. [S’il le faut]Je vais le refaire.

En même -, il s’agit d’une conversation très difficile, et une chose était claire : les Premières Nations d’un océan à l’autre qui étaient présentes à cette assemblée, en ligne ou en personne, veulent un système différent de protection de l’enfance. Et je suis heureux que nous ayons commencé cette conversation. Les gens commencent à se demander quelle est la bonne voie à suivre pour leur communauté : c’est une bonne chose !

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L’annonce de l’accord de 47,8 milliards de dollars en juillet a été émouvante, y compris pour la ministre des Services aux Autochtones Patty Hajdu (à gauche).

Photo : - / Ivanoh Demers

J’encourage toutes les Premières Nations à adopter leurs propres lois, leur propre cadre législatif, parce que nos enfants s’attendent et méritent mieux dans ce pays. Je sais qu’il y a eu beaucoup d’opinions divergentes, mais toutes les suggestions ont été bonnes.

Nous avons donc encore un long chemin à parcourir sur cette question. Mais nous ne pouvons pas nous arrêter. Nous devons continuer à lutter contre un système défaillant.

EA : Certains ont dénoncé le manque de transparence de l’APN en affirmant que l’Assemblée travaille pour les intérêts du gouvernement et non pour ceux de ses membres. Ce n’est pas la première fois que les dirigeants dénoncent le manque de transparence desAPN. Que leur répondez-vous ?

CHIEN : Quand on négocie, ce n’est pas public. […] À chaque rencontre, nous avons veillé à informer nos dirigeants régionaux, qui ont eux-mêmes transmis l’information à leurs dirigeants dans les communautés. […] Je sais que nous devrons peut-être trouver une autre façon de procéder. Mais en même -, lorsque vous négociez de gros contrats comme celui-ci, cela ne se fait pas aux yeux du public, parce que parfois vous poussez, vous poussez très fort.

Je peux dire que j’ai poussé très fort et je suis reconnaissant que nous ayons mis les 47,8 milliards sur la table. J’espère que le gouvernement n’effacera pas cette somme avec les élections et qu’ensemble, nous pourrons obtenir plus d’argent. Mais nous attendons toujours des nouvelles d’Ottawa.

EA : Pour le moment, quel bilan faites-vous du gouvernement Trudeau ?

Justin Trudeau, assis sur une scène derrière une table, écoute des femmes s'imprégner de la fumée de sauge.

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Les mères d’Autochtones tués par la police ont interpellé Justin Trudeau lors de l’assemblée extraordinaire des chefs de l’Assemblée des Premières Nations. Ils ont brûlé de la sauge lors de leur intervention.

Photo: - / Marie-Laure Josselin

CHIEN : Le premier ministre Justin Trudeau, grâce à son leadership, a investi massivement dans les Premières Nations au fil des ans. Nous disposons certainement de bonnes études qui montrent que la vie s’améliore. Mais nous avons encore un long chemin à parcourir.

Si nous travaillons ensemble et comblons le déficit d’infrastructures d’ici 2030 – comme nous nous y sommes engagés – le Canada pourrait améliorer sa situation économique. Cependant, il doit investir dans les Premières Nations. Je félicite donc le premier ministre Trudeau pour ses investissements fiscaux en faveur des Premières Nations. Je sais que ce n’est jamais assez, mais je sais qu’il a essayé.

Sur le plan fiscal, les différences sont énormes par rapport aux différents gouvernements précédents. Je me souviens d’un gouvernement fédéral qui se vantait autrefois d’avoir donné 500 000 $ à un centre d’amitié dans l’Est du Canada. J’ai trouvé ça vraiment insultant à l’époque.

Je me suis alors dit que nous n’avions pas d’eau potable. Les maisons s’effondrent. Les enfants n’ont pas accès aux mêmes choses que les autres enfants canadiens, par exemple de bonnes routes, de bonnes écoles, l’accès au téléphone cellulaire et à Internet, des choses que les enfants du Sud [du Canada] pris pour acquis. Nous ne voulons pas revenir à une telle relation.

EA : Vous avez déjà dit à plusieurs reprises que vous connaissiez Pierre Poilievre et sa famille. Toutefois, les conservateurs ne sont pas très populaires auprès des Autochtones. Comment allez-vous gérer un éventuel gouvernement conservateur ?

Cinq personnes tournent le dos à une scène où sont assis plusieurs dignitaires.

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Les vétérans autochtones tournent le dos à Pierre Poilievre lors de son discours de protestation.

Photo: - / Marie-Laure Josselin

CHIEN : Le Canada ne peut pas exceller sans les Premières Nations. Je pense que tous les partis politiques et tous les élus doivent réaliser qu’ils ne peuvent plus penser que les Premières Nations resteront à l’écart et accepteront un statut de deuxième ou de troisième classe. Nous avons les moyens d’agir. Nous allons dans la bonne direction. Nous avons été de bons alliés. En même -, [quand nos traités ne sont pas respectés ou que nos droits sont bafoués]chaque fois que nous intentons une action en justice, nous gagnons. Je pense que le gouvernement le plus intelligent travaillera en harmonie avec les Premières Nations.

EA : Finalement, l’an dernier, lors de votre élection, vous avez promis un plan aux leaders autochtones du Québec pour qu’eux aussi sentent que leAPN les représente. Qu’avez-vous accompli grâce à ce plan ?

Le français a toujours été une question épineuse à l’Assemblée des Premières Nations. Par exemple, nous avons reçu le Bloc Québécois, venu s’adresser à l’APN [lors de l’assemblée des chefs, début décembre]. Je sais que les anglophones étaient un peu irrités parce qu’ils ne comprenaient pas [le chef bloquiste Yves-François Blanchet]. Je pensais: Imaginez ce que ressentent les Québécois lorsqu’ils ne peuvent pas comprendre parfois à cause de l’anglais et du français.

Nous avons donc un long chemin à parcourir au sein de l’APN et nous devons trouver un moyen d’avancer dans cette direction pour rendre les choses meilleures, plus claires et plus rapides pour le service de traduction. C’est toujours difficile à trouver et les francophones du Québec, surtout ceux des Premières Nations, sont très difficiles à trouver et à rejoindre. Nous sommes également toujours à la recherche d’un francophone autochtone pour travailler dans mon bureau afin de nous aider avec le Québec.

Cette année, je suis venu trois fois au Québec pour travailler avec les chefs. Le chef régional du Québec, Ghislain Picard, est vraiment efficace. Il est un bon défenseur du Québec et pour faire en sorte que l’APN tienne ses promesses.

Cette interview a été éditée par souci de clarté et de concision.

Avec la collaboration de Marie-Laure Josselin

 
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