Elle vient de terminer ses examens ce vendredi 20 décembre 2024. Mais ce ne sont pas les résultats de ses examens ni les vacances universitaires qui préoccupent l’esprit de Louftia Brahim.
La présidente de l’Association des étudiants mahorais de Poitiers vit dans l’angoisse depuis que le cyclone Chido a dévasté son pays natal et Mamoudzou où vivent sa mère et ses proches. « La dernière fois que j’ai parlé à ma mère au téléphone, c’était le jour du cyclone, » raconte la jeune femme de 22 ans en troisième année de biologie. Nous parlions d’examens et de ma petite sœur. Un jacquier est tombé sur la maison et après plus rien. J’ai entendu parler du pays par un ami qui y faisait un stage. Elle m’a dit qu’actuellement il n’y a ni électricité, ni eau, rien à manger. Je n’ai pas eu de contact direct avec ma famille depuis la catastrophe. Les habitants sont en état de survie. »
Pour Louftia, invitée jeudi 19 décembre par le conseil départemental à témoigner de la situation difficile à Mayotte et des conséquences pour les étudiants poitevins de cette communauté, l’inquiétude et l’incompréhension se font plus fortes.
“Je tiens le coup même si c’est compliqué”
« Nous sommes nombreux ici et nous sommes isolés. La seule façon dont nous disposions avec nos familles était de pouvoir les appeler pour les entendre et les voir. Actuellement, compte tenu de la situation à Mayotte, les communications sont totalement coupées. Je tiens le coup même si c’est compliqué. Nous sommes l’avenir de Mayotte et nous devons réussir pour Mayotte. Nous avons de nombreux étudiants qui dépendent du salaire de leurs parents et d’une bourse. On se retrouve un peu démuni car on se demande comment on va payer notre loyer. J’ai la bourse du Crous, mais elle ne suffit pas à subvenir à mes besoins, ma mère était là pour la compléter pour pouvoir finir le mois. Mercredi, nous avons reçu un mail du Crous qui nous disait qu’ils étaient là pour nous aider. J’ai pris l’initiative de les appeler pour savoir comment faire. Et j’ai eu une personne au téléphone qui était désagréable, on n’a pas trouvé de solution, la seule solution c’était de chercher du travail pour qu’on puisse au moins combler le manque et finir le mois. »
Il manque 5 000 € pour financer l’acheminement des dons
Louftia se sent abandonnée. « Il y a des centaines d’étudiants mahorais ici à Poitiers. Nous attendons toujours un geste, un mail, un mot de l’université… »
Place de Bretagne à Poitiers, où un Mahorais a prêté les locaux de son auto-école pour entreposer les dons récoltés, la colère n’est pas toujours froide. « L’État ne fait rien… Macron est là juste pour la photo »» rote une femme hors d’elle en montrant des photos de sa terre dévastée. La communauté mahoraise s’est organisée pour tenter de financer le transport d’un conteneur vers l’archipel.
« Nous allons faire tout ce que nous pouvons… Mais nous ne pouvons pas le faire seuls »
“Nous avons été reçus par la maire de Poitiers qui nous a dit qu’elle ne pouvait rien faire, » raconte ce bénévole de Solidarité Mayotte Poitiers qui regroupe les associations Ouvoimoja et AS Poitiers Gibauderie. Les politiques nous disent qu’il faut passer par les associations caritatives. Il nous faut 5 000 € pour que ces produits de première nécessité arrivent à Mayotte. Nous nous réunissons ce vendredi soir pour voir comment nous pouvons y parvenir. Nous nous sentons impuissants. »
Des visages tendus. Un message audio téléphoné depuis l’archipel est diffusé sur un téléphone portable. « Ici, nous manquons de tout… N’envoyez pas n’importe quoi. Pas de vêtements. Eau, dattes, biscuits protéinés, couches pour bébé… » A quelque 8 000 kilomètres de là, les Mahorais de Poitiers se multiplient. « Nous allons faire tout ce que nous pouvons… Mais nous ne pouvons pas le faire seuls. »