Arzon, sa station thermale, ses beaux bateaux, ses plages bondées en été, ses prix immobiliers prohibitifs… et sa population pauvre. À Arzon, selon l’Observatoire des inégalités, 232 personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Un seuil que cet organisme indépendant fixe à 1 014 € pour une personne seule, 1 500 € pour un couple sans enfants ou encore 2 500 € pour un couple avec deux enfants de plus de 14 ans. Le rapport que l’Observatoire des inégalités a rendu public le 5 décembre indique donc que le revenu d’un habitant sur dix de la commune d’Arzon est inférieur à ce plancher. Et même la moitié de cette population qui vit dans la précarité dispose de moins de 828 euros.
C’est le cas de Jean-Dominique Marcel. Cet homme de 73 ans, rencontré au Secours catholique tous les mardis, vit avec 800 € par mois. «Je me serre la ceinture», déclare laconiquement ce retraité. “Quand on n’a que 800 euros, ça ne laisse pas de place aux loisirs.” Jean-Dominique dit connaître quelqu’un dont les revenus mensuels sont de 500 €, semblant dire qu’il y a des gens pires que lui.
Pendant 25 mois, je n’ai reçu que 252 €. J’étais en survie. J’ai tourné le dos. Je me suis allumé avec des bougies pendant tout un hiver.
252 € par mois
Charles Pauchard, 71 ans, a connu une extrême pauvreté. « Pendant 25 mois, je n’ai reçu que 252 €. J’étais en survie. J’ai tourné le dos. Je me suis allumé avec des bougies pendant tout un hiver. J’ai calculé : ça coûte 3 centimes de l’heure. » Comme un jalon dans sa période de grande disette, ce retraité se souvient n’avoir bu qu’une seule bière, en tout, en 2022. Ancien plombier, il a sombré dans la pauvreté « à cause d’une maladie chronique grave contractée il y a 28 ans. J’étais à Paris à ce moment-là. J’ai eu la très mauvaise idée de créer ma propre entreprise. Cela n’a pas fonctionné. Charles a hérité il y a quatre ans de la moitié de la maison de ses parents, située au centre d’Arzon. Un bâtiment qu’il rénove tant bien que mal, avec l’espoir d’y créer des logements à l’étage et une petite galerie d’art au rez-de-chaussée.
Forte intensité de pauvreté
Au presbytère de l’église, ces démunis partagent café et gâteaux avec des bénévoles du Secours catholique. Ils sont une dizaine à venir ainsi, plus ou moins régulièrement. Ces habitants repartent avec des légumes donnés par un maraîcher sur le marché.
Dans le rapport de l’Observatoire des inégalités, Arzon occupe la toute première place en Bretagne sur l’indice qui évalue l’intensité de cette pauvreté. Il est de 28% dans la commune. Cela veut dire que certains pauvres d’Arzon sont très pauvres, à l’image de la période très compliquée qu’a connue Charles Pauchard.
Au CCAS d’Arzon, seules douze familles bénéficient du soutien de la Banque Alimentaire. Sa directrice Carole Dréan ne se voit pas dans le tableau de la pauvreté dressé par l’Observatoire des inégalités. Même si elle reconnaît qu’« il y a le problème des saisonniers qu’on touche rarement ».
En contrepoint, l’action publique
Or, ces saisonniers constituent une part importante du patrimoine d’Arzon. « Arzon, en cette saison, c’est désert. Il n’y a pas de chat, donc pas de travail. Les emplois saisonniers sont des emplois précaires. Tout comme les soignants. Et il y en a beaucoup dans la ville parce que nous avons beaucoup de personnes âgées. Arzon, c’est un paradoxe, avec des gens pauvres et à l’inverse des gens très riches », confie Philippe Druelle, adjoint au maire chargé des affaires sociales. Un élu qui souligne au contraire la politique volontariste menée par la municipalité, avec un service public d’aide à domicile, une résidence indépendante et un parc de 130 logements sociaux.