Il y a des valses qui ne font pas sourire. Celle des prix des carburants, qui montent, baissent, puis remontent, comme s’ils tentaient une chorégraphie aussi imprévisible qu’épuisante, est des plus flagrantes. Depuis hier, les stations-service du Royaume affichent une légère baisse de 20 centimes pour le diesel, tandis que le prix de l’essence, après la dernière augmentation de 10 centimes début décembre, reste figé, comme un danseur coincé dans son dernier pas.
Une baisse diront certains, mais un simple frémissement pour les portefeuilles des Marocains déjà plombés par les hausses successives de ces derniers -. Pour les compagnies pétrolières, appliquer cette réduction ne présente pas la même urgence. Certains l’ont enregistré lundi matin, tandis que d’autres, prenant leur - tel un chorégraphe perfectionniste, ont attendu mardi matin pour harmoniser leurs tarifs.
Le rythme, explique-t-on, dépend des stocks disponibles et des stratégies commerciales de chaque entreprise. Mais, pour le consommateur, cette cacophonie des prix n’a rien d’une symphonie : il constate des variations selon les régions, les gares et surtout les kilomètres qui le séparent des centres d’approvisionnement.
La valse en trois - des distributeurs
En clair, le prix du litre dépend davantage de la logistique et des caprices des distributeurs que d’un calcul parfaitement transparent. Autant dire que le citoyen marocain, déjà fatigué des annonces d’« ajustements », en scrute désormais chaque centime avec la méfiance d’un spectateur qui connaît d’avance la fin d’un spectacle… pas drôle.
Si cette baisse de 20 centimes paraît anecdotique, elle intervient après une période de montagnes russes. Depuis l’été 2024, les prix des carburants fluctuent au gré des tensions internationales et des décisions de l’OPEP+, ce club sélect où siègent des géants comme l’Arabie Saoudite et la Russie, passés maîtres dans l’art de fermer ou d’ouvrir les vannes.
En décembre, l’organisation a prolongé son accord volontaire de réduction de production de 2,2 millions de barils par jour jusqu’en mars 2025. La stratégie ? Éviter un effondrement des prix mondiaux alors que le marché saturé oscille entre demande incertaine et préoccupations économiques.
Le consommateur marocain est soumis à ces décisions prises à des milliers de kilomètres. La danse pétrolière sur les marchés internationaux se traduit par un pas en avant, deux pas en arrière dans les stations-service, avec les ménages marocains en première ligne.
Stations-service : victimes ou complices ?
Les chiffres sont cruels : chaque hausse des prix des carburants a des répercussions sur toute la chaîne économique. Transport, logistique, produits de grande consommation, tout monte en flèche. Mais lorsque les prix baissent, les répercussions semblent toujours tarder à entrer dans l’équation finale. Résultat ? Le pouvoir d’achat continue de fluctuer dangereusement.
Si certains aiment pointer du doigt les gestionnaires de stations-service comme responsables des augmentations, le président de la Fédération nationale des propriétaires, commerçants et gestionnaires de stations-service au Maroc, Jamal Zrikem, tempère ce propos. Selon lui, les dirigeants n’ont aucune influence sur la fixation des prix, une décision qui relève exclusivement des distributeurs.
Pire encore, une hausse oblige les dirigeants à investir davantage pour remplir leurs réservoirs, sans que leurs marges ne s’améliorent. Au final, c’est un jeu perdant-perdant : le consommateur souffre et le professionnel est étranglé. La volatilité des prix des carburants trouve également sa source dans des facteurs internationaux.
Alors que les investisseurs scrutent les signaux économiques chinois et les taux d’intérêt américains, les prix du pétrole alternent entre hausses et accalmies. Hier encore, le Brent s’établissait à 73,90 dollars le baril, tandis que le WTI américain flirtait avec 70,65 dollars. Une stabilité très relative, dictée par les craintes d’un ralentissement économique chinois et par la vigilance des marchés avant les prochaines décisions de la Réserve fédérale américaine.
Transition énergétique : douce illusion
Pour le Maroc, pays importateur de pétrole, ces fluctuations se traduisent par un effet en cascade, où la dépendance énergétique augmente à chaque facture. Tant que le Royaume ne renforcera pas ses capacités de stockage ou ne diversifiera pas ses sources d’approvisionnement, il restera vulnérable aux aléas des marchés mondiaux.
Si le déclin actuel suscite un sourcil sceptique, il rappelle surtout une vérité douloureuse : tant que le Maroc restera dépendant des marchés internationaux, les consommateurs resteront les otages involontaires de ce yo-yo infernal.
Aussi, face à ces montagnes russes, la nécessité d’une transition énergétique s’impose. Les investissements dans les énergies renouvelables, déjà en plein essor grâce aux projets solaires et éoliens, pourraient réduire la dépendance du Maroc aux fluctuations pétrolières. De même, le développement du gaz naturel et des alternatives comme la mobilité électrique pourraient, à terme, offrir une bouffée d’air frais aux consommateurs.