C’est l’un des dossiers brûlants du Premier ministre François Bayrou l’année prochaine. Entre croissance atone et baisse des investissements, les mauvais signaux s’accumulent sur le marché du travail. Dans son rapport de conjoncture dévoilé ce mardi 17 décembre, l’Insee s’attend à une hausse du chômage, de 7,4% de la population active à 7,6%, entre fin 2024 et juin 2025.
La France en voie de désindustrialisation
Il s’agit bien entendu d’une augmentation relativement limitée. Dans une perspective plus lointaine, en revanche, le chômage tel que défini par le Bureau international du travail (BIT) augmente lentement mais sûrement depuis janvier 2023. A Il avait alors atteint un point bas à 7,1 %. Dans ses dernières projections, la Banque de France table sur un chômage à 7,8 % fin 2024. Promettant le « plein emploi » lors de son arrivée au pouvoir en 2017, Emmanuel Macron risque de devoir renoncer à sa promesse de réduire le chômage par une politique de l’offre.
Incertitude sur les projets de recrutement
Refroidies par une économie morose et une forte incertitude politique, les entreprises ont ralenti la création d’emplois en 2024. La plupart des enquêtes de conjoncture menées auprès des dirigeants font état d’une attitude attentiste de la part des dirigeants. Inquiets de la stabilité politique et de la capacité du gouvernement à préparer un budget et à le faire adopter en 2025, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la future politique économique de l’exécutif en cours de formation.
Autre facteur expliquant ce climat morose : la croissance économique a calé à 0% au quatrième trimestre 2024, puis à 0,2% par trimestre jusqu’à mi-2025, prévoit l’Insee. Les réductions prévues du soutien à l’apprentissage et le resserrement attendu de la politique budgétaire devraient également peser sur la motivation des entreprises à embaucher. Enfin, la réforme des retraites devrait augmenter la population active d’environ 100 000 personnes en 2025. Compte tenu de la croissance atone, « ce taux serait insuffisant pour absorber l’augmentation de la population active », souligne Dorian Roucher, chef du service économique.
Sur le front de l’emploi, le bilan dressé par l’Insee est particulièrement sombre. La croissance de l’emploi salarié serait nulle entre le dernier trimestre 2024 et la fin du premier semestre 2025.
« L’emploi a déjà nettement ralenti : dans le secteur privé, au sortir de la crise sanitaire, les besoins de main d’œuvre et les difficultés de recrutement étaient très élevés et se sont depuis normalisés. L’économie française a créé 797 000 emplois salariés privés en 2022, 312 000 en 2023, 108 000 en 2023, environ 50 000 en 2024 et commencerait à détruire les emplois salariés privés au premier semestre 2025. noté à La Tribune Dorian Roucher.
Construction et industrie dans le rouge
Par secteur, la construction plonge, avec des pertes nettes d’emplois sur toute cette période. En première ligne face à des conditions financières plus difficiles, la construction a payé un lourd tribut depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Concernant le secteur tertiaire commercial, l’Insee prévoit également une croissance nulle de l’emploi salarié entre le quatrième trimestre 2024 et la fin du deuxième trimestre 2025. Quant à l’industrie, elle devrait continuer à détruire des emplois entre janvier et juin prochain. Il s’agit en fait de la concrétisation de tous les plans sociaux annoncés dans Made in France depuis le début de l’automne.
Fermetures chez Michelin : salariés et syndicats voient rouge
Enfin, en ce qui concerne l’agriculture, la création d’emplois salariés devrait osciller entre 2 000 fin 2025 et zéro jusqu’en juin prochain. Le seul point positif du tableau ? Des créations d’emplois non salariés qui correspondent en grande partie aux immatriculations de micro-entreprises. Ces créations varient entre 20 000 et 15 000 par trimestre sur la période étudiée.
La productivité toujours en berne
Avec une meilleure adéquation entre le rythme de l’activité et celui de l’emploi, la productivité par tête, c’est-à-dire la richesse créée par emploi, retrouve son niveau d’avant la crise sanitaire. En revanche, cette productivité n’a toujours pas rattrapé les pertes accumulées depuis le début de la pandémie en 2020. « La productivité ne s’est que partiellement rétablie depuis la pandémie » dit Dorian Roucher. Par secteur, la productivité du secteur tertiaire dépasse son niveau d’avant la pandémie depuis début 2022. En revanche, la construction et l’industrie sont toujours à la peine.
Comment expliquer un tel décrochage ? Plusieurs travaux d’économistes ont montré que la flambée des prix de l’énergie depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine avait porté atteinte à la productivité française. Le ralentissement des prix devrait être favorable à une amélioration de la richesse produite par l’emploi dans l’industrie ou la construction. Parmi les autres facteurs cités figurent également le maintien en poste et les soutiens à l’apprentissage. Mais compte tenu des coupes budgétaires à venir, les aides à l’embauche d’apprentis devraient diminuer dans les prochains mois.