Le tribunal administratif joue les prolongations dans l’affaire A69

Ils s’attendaient à tout sauf ça. Lundi 9 décembre, après dix-huit mois de bataille judiciaire, les opposants à la liaison autoroutière Castres-Toulouse ont appris, étonnés, que le tribunal administratif de Toulouse avait choisi de rouvrir l’enquête dans le dossier de l’A69. La raison ? Quelques jours plus tôt, les préfectures de la Haute-Garonne et du Tarn avaient adressé au tribunal des « notes en délibéré » justifiant de se replonger dans le dossier.

Concrètement, l’Etat a proposé de réduire le prix du péage de 33%, en subventionnant massivement le projet. Réunies en conférence de presse quelques heures après l’annonce, les associations cocandidats n’ont pas caché leur désarroi : « Nous pensions être fixés sur la fin du match et nous nous sommes retrouvés avec une prolongation non désirée. » a résumé Thomas, membre du National Tree Monitoring Group (GNSA).

«C’est une non-décision totalement scandaleuse au vu de la démonstration du rapporteur public », soupirait à ses côtés Jean Olivier, président des Amis de la Terre Midi-Pyrénées.

Lors de l’audience du 25 novembre, la rapporteure publique – magistrate indépendante censée éclairer les décisions du tribunal – Mona Rousseau avait en effet préconisé l’annulation de l’autorisation environnementale de mars 2023, faute de « motif impérieux d’intérêt public majeur » (RIIPM). », qui permet la destruction d’espèces protégées.

Reprenant les arguments soutenus par les militants écologistes depuis des années, le magistrat a estimé excessif de parler de Castres isolée, la ville bénéficiant en fait d’une gare et d’un aéroport international. Elle a également contesté l’idée selon laquelle une autoroute permettrait le développement économique du bassin Castres-Mazamet.

Enfin, le rapporteur public a souligné que le projet risquait de rendre la RN126 plus accidentogène. La construction de l’autoroute prévoit d’intégrer les deux déviations autour de Soual et de Puylaurens, et obligera donc les automobilistes empruntant la route nationale à passer par ces villages.

Un projet coûteux

Les opposants ont souligné que l’éventuelle réduction du prix du péage ne devait pas être prise en compte dans la demande d’autorisation environnementale. Les préfectures elles-mêmes l’ont précisé dans leur arrêté de mars 2023. «Ils ont alors considéré que le tarif du péage était une considération extérieure à la légalisation du projet», explains Gilles Garric, member of the La Voie Est Libre (LVEL) collective.

« Le tribunal administratif décide de consacrer du - à statuer sur un fait que la rapporteure publique avait elle-même écarté, estimant qu’il ne s’agissait pas d’un élément essentiel pour la raison impérative d’intérêt public majeur. De qui on se moque ? “, dénoncer les opposants dans un communiqué.

A terme, les pouvoirs publics envisagent donc de dépenser plusieurs centaines de millions d’euros pour sauver le projet de liaison autoroutière. « Ce qui compte, c’est que ce projet puisse être réalisé », » a ainsi assumé le 12 décembre le ministre des Transports démissionnaire François Durovray. Un fait incompréhensible pour les opposants :

« Alors que les caisses de l’Etat sont vides, un ministère démissionnaire engage des fonds publics dans un projet que le Commissariat général aux investissements a pourtant déclaré à risque. On persiste sur un projet inutile qui est un panier raté », s’étrangle Gille Garric.

Selon les calculs des militants écologistes, les automobilistes économiseront 42 centimes… Sur un montant total de 9 euros

Cela signifie-t-il au moins que l’autoroute sera accessible au plus grand nombre ? Là encore, les opposants dénoncent une tromperie : la réduction de 33 % sur le péage ne s’appliquera en réalité que sur une dizaine de kilomètres, autour des villages de Soual et Puylaurens. Selon les calculs des militants écologistes, les automobilistes économiseront donc 42 centimes… Sur un montant total de 9 euros.

Course contre la montre

Le tribunal évoque désormais une éventuelle audience dans « plusieurs mois », sans plus de précisions. «On discerne clairement une manœuvre visant à gagner du - pour la suite des travaux et le passage en force»dénoncer les opposants, qui ne peuvent pas faire appel.

Une course contre la montre est donc bel et bien engagée. Selon le concessionnaire Atosca, le projet doit être achevé fin 2025. Actuellement, 50% des terrassements ont déjà été réalisés ainsi que 70% des ouvrages d’art. Les opposants soulignent néanmoins qu’aucun béton n’a encore été coulé et que les usines d’asphalte ne fonctionnent toujours pas. Selon eux, le projet ne verrait donc le jour qu’à l’été 2026.

Dans l’immédiat, les opposants envisagent des moyens juridiques d’urgence pour arrêter les travaux. Jusqu’à présent, tous leurs appels de suspension ont été rejetés. Les choses pourraient-elles être différentes cette fois-ci ?

« Il faudra désormais que le juge justifie pourquoi il s’oppose à l’avis du rapporteur public. Bonne chance à lui ! », veut croire Thomas Digard, de La Voie est Libre.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV découvrez le budget initial 2025 en détail
NEXT le suspect algérien du meurtre de Denis Le Dref mis en examen pour assassinat