LLe procureur, Jean-Claude Belot, n’a pas requis de peine. Le 12 novembre, il s’en remet « à la sagesse du tribunal ». Tout le monde attendait un acquittement pour cette nourrice de 54 ans, accusée d’avoir secoué Paul, le bébé qui lui avait été confié. Mais mardi, au moment de rendre son délibéré, le tribunal judiciaire de Bayonne a déclaré le prévenu coupable. Il l’a condamnée à deux ans de prison avec sursis et à l’interdiction définitive d’exercer la profession de nourrice.
Les faits jugés remontent au 12 janvier 2021. Le professionnel s’occupe de trois enfants dont Paul, alors âgé de 10 mois. Après le goûter, le petit vomit. Ses yeux sont révulsés, il respire fort. La nounou alerte les secours. Depuis le Centre Hospitalier de la Côte Basque, l’enfant est transféré dans un service de réanimation du CHU de Bordeaux. Très vite, l’épisode prend une tournure judiciaire : les médecins du service de pédiatrie de l’hôpital de Bayonne constatent des signes inquiétants compatibles avec le syndrome du bébé secoué : hématomes sous-duraux suspects, hémorragies rétiniennes caractéristiques. Le parquet est informé.
“Un mensonge”
Depuis le premier jour de l’enquête, la nourrice a nié. Comme elle le fera à la barre : « Je ne l’ai pas secoué. » Lors du procès, le procureur de la République ne prend pas le risque de trancher entre deux expertises contradictoires. On met en cause la commission d’un acte « violent » pour expliquer les blessures. L’autre dit exactement le contraire « avec certitude » et cible un violent tremblement à l’origine du traumatisme crânien.
C’est un soulagement de voir que la justice fait son travail, face au silence, depuis quatre ans, d’une personne qui a mis en danger la vie de mon fils.
Le tribunal s’est tourné vers cette deuxième analyse. Emilie Hervelin, la mère de Paul, est là pour entendre la sentence. « C’est un soulagement de voir que la justice fait son travail, face au silence, depuis quatre ans, d’une personne qui a mis en danger la vie de mon fils. » Outre la peine de prison avec sursis et l’interdiction de travailler, le tribunal condamne la nourrice à verser 5 000 euros de dommages et intérêts à Paul. De même deux fois 3 000 euros aux parents, pour dommages d’affection et d’anxiété.
A aucun moment la conviction de la mère n’a faibli, face à cette femme dont la longue carrière n’a jamais essuyé d’échecs. La première expertise, plus nuancée ? “Cela ne prend pas en compte l’hémorragie rétinienne, bien qu’elle soit le symptôme d’un bébé secoué.” Emilie Hervelin évoque également les inquiétantes « recherches Google » depuis que l’assistance maternelle a été connectée, après le départ de Paul aux secours : « faux diagnostic bébé secoué », « hématome cérébral enfant ». La prévenue les a attribués à son mari. « Un mensonge », repousse la mère. «Je n’ai jamais douté de sa culpabilité. »
Appel
Manuel Bousquet, le père de la jeune victime, avait été « extrêmement surpris » par les non-réquisitions du procureur un mois plus tôt. « Nous étions inquiets de voir d’autres cas similaires se produire. » Il se dit donc « rassuré » et « satisfait » de la décision de première instance. Car Me Emmanuel Zapirain, l’avocat du prévenu, indique qu’un appel sera déposé « cet après-midi ». Emilie Hervelin se dit sereine : « Il n’y a aucune raison pour que, face à des preuves convaincantes, nous ne soyons pas rassurés en appel. »
Il ne faut pas oublier que dans cette affaire le juge d’instruction n’a pas sollicité l’expertise collégiale qui aurait pu départager deux expertises contradictoires.
Me Zapirain remet en question la procédure. « Il ne faut pas oublier que dans cette affaire le juge d’instruction n’a pas sollicité l’expertise collégiale qui aurait pu trancher entre deux expertises contradictoires. » Des propos qui font écho à ceux de Jean-Claude Belot pour s’abstenir d’exiger.
Paul a maintenant un peu plus de 4 ans. Il va bien. En tout cas, à ce stade de son développement. Les médecins estiment qu’elle n’est pas encore « consolidée ». Le tribunal a également ordonné un suivi de son état de santé, avec un « rapport d’évolution » à un an.