Planet Solar II a quitté Neuchâtel pour le lac Titicaca

Une grande aventure

Planet Solar II quitte Neuchâtel pour le lac Titicaca

Le bateau solaire, petit frère de celui qui a fait le tour du monde, part vers le lac navigable le plus haut du monde où il sera proposé.

Publié aujourd’hui à 9h59

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Bref:
  • Raphaël Domjan a fait une dernière balade sur le lac de Neuchâtel avec Planet Solar II.
  • Le Planet Solar II sera offert à l’Autorité binationale du lac Titicaca.
  • L’expédition vise à démontrer la viabilité des bateaux solaires en altitude.
  • L’arrivée du bateau au lac Titicaca est prévue pour le printemps 2025.

Raphaël Domjan aurait pu le faire en juillet. La carte postale aurait eu d’autres reflets. Mais tout le monde n’est pas aventureux et c’est dans l’adversité que les Neuchâtelois s’expriment le mieux. C’est donc dans un tableau aux nuances sombres, entre stratus gris écrasants, eau noire à 6 degrés et brise maléfique qu’il est parti cette semaine pour un dernier tour à bord de son Planet Solar II au départ d’Hauterive, sur le lac de Neuchâtel.

Mais l’éco-explorateur a une excuse : son bateau quitte la Suisse pour l’hémisphère sud. Pas sûr que cela suffise à réchauffer les jointures d’un marin d’eau douce, et il faut se pincer fort pour y croire, mais là-bas, en ce moment, c’est l’été. L’illusion est démasquée et les couleurs vives des drapeaux péruvien et bolivien accrochés à la balustrade complètent le contraste de la scène. La destination se devine : le lac Titicaca binational. Reste à imaginer le rire d’un enfant qui s’amuse toujours de ce prénom et le cœur y est.

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Le bateau danse avec les vagues sans aucun bruit autre qu’un clapotis sur l’étrave de 8 mètres. Son moteur tourne cependant. « On utilise moins la puissance d’un aspirateur », sourit Raphaël Domjean à la barre. Devant lui, les quatre mètres carrés de cellules photovoltaïques fournissent l’énergie nécessaire.

Modeste, le bateau n’a ni les dimensions ni l’allure futuriste du catamaran solaire avec lequel l’aventurier a réalisé une tournée mondiale, en 2012. Construit dans les ateliers d’Yvonand en 2007, son destin ferait rougir d’envie d’autres navires plus fringants. Il part d’abord pour Venise où il sert de taxi entre gondoles pour les services d’un hôtel de luxe, avant de revenir au lac de Bienne, où il se fait chouchouter par des retraités. L’équipe de Planet Solar l’a ensuite racheté et rénové ses équipements.

Un lac mourant

Une nouvelle page est sur le point de s’écrire ; c’est hautement symbolique. Raphaël Domjan prépare cela depuis plus de dix ans. « Le lac Titicaca, le plus haut lac navigable du monde à 3 800 mètres d’altitude, souffre d’une pollution par les hydrocarbures à cause des nombreux bateaux à essence. Nous voulons montrer qu’autre chose est possible. L’énergie solaire est idéale pour cela : plus efficaces en altitude, les cellules photovoltaïques devraient permettre au bateau de disposer de plus d’énergie.

C’est le premier objectif de cette expédition sur ce lac que le Neuchâtelois de 52 ans connaît bien pour y avoir navigué il y a plus de trente ans : recueillir des données scientifiques sur la puissance du bateau et faire des comparaisons avec les mesures prises sur les Trois Lacs. Un « data logger », installé dans le bateau pour l’occasion, enregistrera toutes ces informations récoltées par les stations météo et différents capteurs. “On sait qu’un moteur thermique perd de sa capacité avec l’altitude, ça devrait être l’inverse ici.”

Cependant, toutes les données du monde ne suffiront pas pour atteindre le véritable objectif imaginé. « La théorie n’a pas beaucoup d’effet là-bas. Pour prouver que quelque chose fonctionne, il faut montrer son potentiel sur place », sourit le navigateur. Il lui faudra donc entreprendre un tour complet du lac, un tour du monde comme on dit dans le jargon.

Proposé aux collectivités locales

Rappel utile des proportions pour imaginer le défi : la superficie du lac de Neuchâtel est de 220 km2, celle du lac Titicaca… 8300 km22. “Nous devrons aussi faire face à des variations de températures importantes : il peut faire 20° le jour et jusqu’à -30 la nuit”, ajoute-t-il. A cela s’ajoute une mission de reconnaissance archéologique grâce au sonar embarqué à bord du skiff.

Hauterive, 11 décembre 2024. Dernière navigation sur le lac de Neuchâtel pour la Planète Solar 2 de l'explorateur suisse Raphaël Domjan. Le petit bateau à énergie solaire partira mi-janvier vers le lac Titicaca. Photo Yvain Genevay / Le Matin Dimanche

A l’issue de ces premières étapes, le bateau changera de propriétaire. “Nous allons le proposer à la Binational Lake Authority (ALT) qui n’a plus de bateau depuis plusieurs mois, le signal envoyé est important.” Ses représentants sont d’ailleurs venus à Hauterive cet automne pour une première rencontre avec leur futur bateau. L’opération bénéficie également du soutien du Prince Albert II de Monaco.

À l’heure de sortir le bateau de l’eau, Raphaël Domjan affiche un petit sourire ému. “Là-bas, il ne reverra plus jamais les eaux de Neuchâtel.” Un dernier regard à l’intérieur où il nous dévoile son secret : un meuble conçu pour accueillir le four à raclette, lui-même caché dans une cale. « Il faut allier l’utile à l’agréable », s’amuse-t-il.

Boucler la boucle

Puis son regard s’arrête sur le seul décor encore en place : un portrait d’Albert Falco et de son épouse Maryvonne, marraine du bateau. Albert Falco, plongeur et infatigable protecteur des océans, était capitaine de la Calypso du commandant Cousteau. Lui aussi avait navigué sur le lac Titicaca il y a 50 ans. Passionné d’innovation, il suivit avec intérêt l’aventure Planet Solar et décéda deux semaines avant la fin du tour du monde. « Là, on pensera à lui », précise Raphaël Domjan en tapotant la vitre de la photo.

Les marins du MS Turanor PlanetSolar, le plus grand bateau solaire jamais construit au monde, se tiennent sur le pont à leur arrivée dans le port de Monaco après avoir réalisé le premier tour du monde utilisant l'énergie solaire en 585 jours, au large du port de Monaco , vendredi 4 mai 2012. Les cinq marins sont : le Suisse Raphaël Domjan, fondateur et chef d'expédition, le Français Patrick Marchesseau, le Français Erwann le Rouzic, Jens Langwasser d'Allemagne et Christian Oechsenbeim de Suisse. (Photo AP/Bruno Bébert)

Pour Planet Solar II, la suite du voyage s’effectue en cargo, passant par Bâle et Amsterdam, avec une arrivée sur place prévue au printemps prochain. Et comme si son bateau était déjà nostalgique, il ne voulait pas s’aligner avec la remorque qui devait le sortir de l’eau glaciale. Un employé a même dû se jeter à l’eau pour régler la situation.

Il faudra plus que l’évocation de l’été austral pour oublier la vague de froid. Essayons la légende : pour les Incas, le lac Titicaca donnait naissance au soleil. C’est une excellente façon pour un bateau solaire d’écrire la suite de l’histoire.

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Julien Wicky est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2018. Il est spécialisé dans les enquêtes, notamment en Valais. Il s’intéresse également aux thématiques du territoire, de la montagne, de l’énergie et du climat. Auparavant, il a travaillé à la rédaction du « Nouveaulliste ».Plus d’informations @JulienWicky

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