Disparition de Martin Chevallaz : un homme politique à contre-courant

Disparition de Martin Chevallaz : un homme politique à contre-courant
Disparition de Martin Chevallaz : un homme politique à contre-courant

Disparition d’une figure anti-européenne

Martin Chevallaz, homme politique à contre-courant et soldat bouleversé

Visage francophone du rejet de l’Europe en 1992, du radicalisme à l’UDC, puis au PBD, Martin Chevallaz est décédé.

Publié aujourd’hui à 17h24

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Martin Chevallaz, décédé mercredi à l’âge de 76 ans, était-il le “Blocher romand”, comme le surnommait la “Tribune de Genève” début 1992 ? Sans s’offusquer de cette formule, il a tracé la frontière entre le vaudois radical qu’il était et l’UDC zurichoise qu’il suivait : «Je ne veux pas me distancer de cet homme et j’ai de l’estime pour lui, car il est difficile d’aller plus loin.» À contre-courant comme il le fait, a-t-il déclaré à « 24heure ». Cependant, je ne suis ni un homme politique ni un homme d’affaires, mais simplement un officier. L’avenir nous dira si je suis prêt à m’engager davantage dans la bataille. Entre le monde militaire et le monde politique, il devra composer avec un chemin difficile.

Presque seul

En 1992, Martin Chevallaz dirigeait la branche romande de l’Association pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN, rebaptisée Pro Suisse en 2022). Il est l’un des rares francophones à lutter contre l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen (EEE). Pour s’engager pleinement dans cette campagne électorale, il a demandé l’autorisation de l’armée. Face à un refus, Martin Chevallaz démissionne de son poste d’officier instructeur. Quasiment seul face à presque tout le monde en terre francophone, il ne convainc guère, puisque les Welches (les Vaudois à 78,3%) sont favorables à cette ouverture sur l’Europe face aux Non massif au-delà de la Sarine. Finalement, les Suisses disent non à 50,3% et découvrent le mot Röstigraben. Ce combat est indéniablement « sa plus haute réalisation politique », souligne l’historien Olivier Meuwly.

Le conseiller fédéral vaudois radical Jean-Pascal Delamuraz s’est rallié à l’EEE. Mais il a perdu face au fils de Georges-André Chevallaz, son prédécesseur au Conseil fédéral et aussi son père spirituel. L’année suivante, Martin Chevallaz échappe au Parti radical et à l’ASIN.

Promesse trahie ?

L’armée ne lui rend pas sa place. Jean-Pascal Delamuraz aurait-il trahi une promesse de réinsertion ? “C’est ce qui a été dit, mais il n’y a aucune preuve connue”, explique Olivier Meuwly. Quoi qu’il en soit, « Martin Chevallaz a incarné au sein de la droite la rupture liée à la question européenne. Il fut un symbole de cet exil des libéraux et des radicaux vers l’UDC, exil qui contribue au succès de cette dernière en terres vaudoises.

En 1995, lorsqu’Adolf Ogi, de l’UDC, prend la direction du département militaire, Martin Chevallaz devient chef d’état-major. En 2002, il est élu député UDC au Grand Conseil. Deux ans plus tard, lorsque le socialiste Pierre Chiffelle quitte le gouvernement vaudois, il lance sa candidature, sans attendre le feu vert de l’UDC, et encore moins des libéraux et radicaux. Martin Chevallaz n’a convaincu que 30 % des votants, contre 63 % pour son seul adversaire, le socialiste Pierre-Yves Maillard.

En 2006, il est promu commandant de la 2e brigade d’infanterie et de ses 11 000 hommes. Ce retour en grâce implique un retrait de la politique, qui durera cinq ans. En 2011, il quitte l’UDC qu’il juge trop agressive après l’exclusion de la section grisonne. Il fonde et préside la nouvelle section vaudoise du Parti démocratique bourgeois (PBD aujourd’hui absorbé par Le Centre). Une étiquette de « Blocher romand » est ainsi devenue plus difficile à y apposer. Il était candidat du PBD au Conseil d’État en 2012, avec quatre autres, issus de petits partis de centre et de droite. Il a obtenu moins de 6 % des voix. A Épalinges en 2016, toujours UDC, il se présente pour la Commune, sans succès.

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Jerome Cachin est journaliste à la section vaudoise depuis 2019, spécialisée en politique. Il était responsable de la page vaudoise de Liberté de 2003 à 2019. Il est l’auteur deLes institutions politiques vaudoises, avec Mix & Remix etHistoires de famille (100 ans de Pro Familia Vaud). Il est également membre du jury francophone du mot de l’année depuis 2021.Plus d’informations

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