Impôts, recrutement, subventions communautaires… analyse avec Benjamin Morel des conséquences de la chute du gouvernement

Impôts, recrutement, subventions communautaires… analyse avec Benjamin Morel des conséquences de la chute du gouvernement
Impôts, recrutement, subventions communautaires… analyse avec Benjamin Morel des conséquences de la chute du gouvernement

Quelles sont les perspectives après le vote de la motion de censure et la chute du gouvernement ? Analyse avec Benjamin Morel, politologue, constitutionnaliste, maître de conférences en droit public à Paris II Panthéon-Assas.

La motion de censure a été votée, que va-t-il se passer maintenant ?

Le gouvernement a démissionné et gérera les affaires courantes. jeNous devons en trouver un nouveau. Mais Emmanuel Macron ne peut pas se permettre d’attendre deux mois cette fois. jeUn budget doit être adopté rapidement.

Le Premier ministre gérera les affaires courantes. De quelles options dispose le Président pour le remplacer s’il ne le reconduit pas dans ses fonctions ?

Il peut faire un choix politique, mais il est complexe, le La perspective d’un gouvernement de gauche ou de centre-gauche semble plus improbable. Reste la voie d’un gouvernement de centre droit, c’est plus facile, mais ce serait une répétition de ce qu’il a fait avec le gouvernement Barnier et que jec’est proposer quelque chose à Marine Le Pen pour qu’elle ne le censure pas.

La dernière option est celle d’une équipe plus technique composée de hauts fonctionnaires qui auraient pour objectif d’adopter un budget et de maintenir la cohésion de l’État avant une future dissolution.

La survie du futur gouvernement pourrait dépendre, une fois de plus, du positionnement de Marine Le Pen. Comment lisez-vous sa stratégie ?

L’objectif de Marine Le Pen était d’abord de ne pas censurer Michel Barnier afin d’envoyer des signaux à l’électorat centriste en apparaissant raisonnable et modéré.

Mais elle a été contrainte de changer de stratégie pour ne pas décevoir son propre électorat (qui souhaite désormais la censure, NDLR). Si l’on veut comprendre le RN aujourd’hui, il faut comprendre les dernières régionales : le parti n’a pas aujourd’hui les trois à cinq régions qu’il espérait, parce que ses électeurs ne sont pas venus voter, ils ont jugé que ces élections étaient inutiles. C’est un électorat fondamentalement abstentionniste.

Si demain, certains de ses électeurs voient de nouveaux impôts leur être appliqués alors que Marine Le Pen avait le pouvoir de censurer le gouvernement, ils considéreront que cela ne sert à rien, la prochaine fois ils le feront. s’abstiendra et le RN perdra une grande partie de ses députés.

Le RN ne peut pas se le permettre. Il doit à tout prix empêcher ses électeurs de l’abandonner, il est donc aujourd’hui contraint de choisir sa base électorale dont il a cruellement besoin au risque de sacrifier d’autres électeurs qu’il aimerait ramener dans son giron. Mais çaCette situation ralentit sa stratégie pour accéder au pouvoir.

Marine Le Pen a-t-elle aussi intérêt à pousser Macron à la démission avec une stratégie du chaos pour tenter de conquérir l’Elysée avant une éventuelle inéligibilité qui serait prononcée par le tribunal dans l’affaire des assistants parlementaires ?

Cela se voit, mais je suis sceptique. Premièrement, parce que la dureté des réquisitions lui sert politiquement, elle peut radicaliser son électorat ; s’ils sont en colère, ils voteront, comme pour Trump. Et ce n’est pasCe n’est pas un verdict : il est probable qu’elle soit déclarée inéligible. Mais l’inéligibilité immédiate demandée par le parquet vise normalement, en droit, à mettre fin à un méfait ou à empêcher sa réitération, ce que le RN ne fera évidemment pas, ce serait pour lui un hara-kiri électoral.

jeIl n’est donc pas certain que les juges suivent cette réquisition. Que Marine Le Pen veut accélérer tout le calendrier électoral, avec une stratégie du chaos, pour une simple éventualitén’est pas évident.

Benjamin Morel, politologue, constitutionnaliste.

Et le budget maintenant ?

Il peut encore être voté d’ici la fin du mois. C’est jouable d’un point de vue procédural, c’est compliqué d’un point de vue politique : peuvent-ils se mettre d’accord sur un texte après une telle montée des tensions ?

Peut-on craindre le chaos comme le suggérait Michel Barnier ?

Non, leLa ne va pas s’effondrer parce que nous n’avons pas de budget. C’est presque certain. M. Barnier a tenté de retourner l’opinion publique pour qu’il soit plus facile pour Marine Le Pen, pour les socialistes, de ne pas voter la censure. P.Politiquement, on ne peut pas lui en vouloir. Objectivement, ce n’est pas vrai.

Que se passera-t-il si le budget n’est pas adopté ?

Il existe plusieurs solutions (loi partielle sur les recettes, puis sur les dépenses, recours aux ordonnances, etc.). Celui qui sera sans doute envisagé est l’adoption d’un projet de loi spécial pour début 2025 qui permettrait au gouvernement de collecter des impôts et d’effectuer des dépenses sur la base de l’année précédente (en récupérant les fonds par décrets).

Le RN a dit qu’il voterait pour eux et je pense qu’une partie de la gauche ne l’empêchera pas non plus. Cela permet de tenir quelques mois tout en votant un budget..

Sans budget, l’Etat paiera en revanche davantage les intérêts de sa dette publique, la hausse des taux d’emprunt se répercutera sur les crédits bancaires. Les conséquences seront multiples…

Oui, par exemple, les recrutements seront gelés dans les administrations. Tout comme le Les dotations des collectivités locales, bloquées depuis l’année précédente, peuvent poser des problèmes opérationnels. Le i estLes investissements de l’État pourraient également prendre du retard, avec d’éventuelles pénalités à payer sur les contrats qui coûtera donc plus cher.

Plus deje cela dure quelques mois, on peut arriver à retarder certaines dépenses et ensuite agir rétroactivement sur certaines d’entre elles, ou sur certaines recettes.

Quand Michel Barnier affirme que plusieurs millions de personnes passeront à la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, c’est vrai. Mais si nous avons un budget en février ou en mars, nous pouvons réindexer rétroactivement. jeIl n’y aurait donc pas de réel impact sur les impôts payés.

Ce n’est donc pas tout ou rien : si cela dure un an, cela posera de vrais problèmes de dysfonctionnement de l’État. Si cela dure peu de -, les impacts risquent d’être limités, ce ne sera pas forcément confortable pour tout le monde, mais c’est quelque chose que nous savons gérer.

Le nouveau gouvernement peut-il également être renversé ?

C’est possible. QQuoi qu’il arrive, il n’y a pas de majorité. Mais un gouvernement ne peut pas maintenir la pressionstructurellement à long terme grâce à un opposant politique, comme c’est le cas de Marine Le Pen. On peut donc imaginer que d’autres gouvernements tomberont si les budgets sont rejetés.

Emmanuel Macron pourrait-il alors avoir recours à l’article 16 qui lui donnerait les pleins pouvoirs en situation de crise ?

Ce n’est pas impossible. Lui seul apprécie les conditions qui l’amèneraient à l’utiliser. Mais ce serait disproportionné, cela entraînerait probablement des réactions politiques et sociales.

A moins que le pays ne soit au bord de la ruine, cela pourrait alors être accepté par l’opinion publique. Mais nous n’avons pas besoin de cela pour adopter un budget, comme nous venons de le voir, il existe d’autres moyens.

Le scénario d’une démission du chef de l’Etat est-il crédible ?

À court terme, ce n’est pas une solution. Cela ne servira à rien d’avoir un budget au 1er janvier. Et nous ne pouvons pas dissoudre à nouveau l’Assemblée avant 8 juillet. Un nouveau président sera donc confronté aux mêmes blocages parlementaires.

Peut-on s’attendre à une nouvelle dissolution dès l’été prochain ?

Oui, car on voit qu’on a un point de friction assez avancé et qu’on n’a pas forcément de solution alternative toute faite. Mais nous allons avoir un problème d’horaire. Si on dissout le 8 juillet, les élections auront lieu en août, c’est embêtant. Si on se dissout à l’automne, c’est la période budgétaire, c’estCe n’est pas une bonne idée. Ensuite, il y a les élections municipales. On peut toujours les rejeter ainsi que les élections sénatoriales. Cependant, l’année suivante, il y a l’élection présidentielle.

Et les données de la sociologie électorale ne permettraient sans doute pas d’avoir une majorité qui tiendrait dans un an. Cela fait partie de notre paysage politique aujourd’hui.

 
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