Ces rapports font suite à une visite de l’institution dans l’île en octobre 2023, quelques semaines seulement après l’acte 1 de l’opération ultra-sécurisée Wuambushu, caractérisée par la répression et l’expulsion et le confinement massif des Comoriens considérés comme étrangers. La publication de ces rapports particulièrement clairs sur la violence de la politique gouvernementale à Mayotte a d’ailleurs été délibérément retardée sous la pression des autorités locales et du gouvernement Attal, en pleine opération « Mayotte place net ». [dernière offensive sécuritaire d’ampleur >https://www.revolutionpermanente.fr/Place-Nette-a-Mayotte-le-gouvernement-relance-l-operation-Wuambushu-pour-des-expulsions-de-masse] dans la colonie départementale de l’Océan Indien.
Les constatations du Contrôleur rappellent le traitement réservé par l’État colonial aux populations de Mayotte et d’autres territoires dits d’outre-mer qui sont soumis à un régime juridique dérogatoire et à des pratiques administratives exceptionnelles héritées du système colonial, faisant de ces territoires le laboratoire des pratiques les plus répressives. politiques.
Traitement des détenus de Majicavo : surpopulation et mauvais traitements historiques
Dans son rapport consacré au centre pénitentiaire de Majicavo, les contrôleurs du CGLPL révèlent que la surpopulation carcérale qui caractérise la seule prison de l’île depuis sa mise en service n’a fait qu’augmenter pour atteindre en 2023″ le pic de 620 détenus, dont 245 – plus d’un tiers – dormaient sur un matelas à même le sol « . Un taux de surpopulation qui dépasse les 290 % et qui fait de la prison de Mayotte la plus surpeuplée de France et de ses colonies.
Une surpopulation qui va de pair avec des conditions de détention particulièrement indignes. Ainsi, selon le CGLPL, 35 % de la population dort à même le sol, les détenus devant « renoncer à avoir de l’espace pour se déplacer au minimum dans des cellules trop bondées « . Une promiscuité aggravée par « coupures d’eau imposées aux détenus de 18h à 7h30 » et qui va encore s’accentuer, après l’annonce cette semaine par la préfecture de Mayotte de la prolongation des coupures d’eau qui touche toute l’île avec des robinets désormais coupés pendant 30 heures consécutives.
En plus de la privation qui caractérise les prisonniers » largement livrés à eux-mêmes, mal vêtus et mal nourris », le rapport révèle également l’accès aux soins » aléatoire » ou encore un « d’innombrables témoignages de détenus affirmant qu’ils ne reçoivent jamais de réponse à leurs demandes, écrites ou orales, y compris lorsqu’ils sonnent à l’interphone la nuit pour signaler de graves problèmes de santé ou des violences ».
Même son de cloche pour les droits de défense des détenus » totalement bafoué « selon les contrôleurs : absence de tout recours à un interprète alors que la plupart des détenus ne parlent pas français mais Shimaore, absence de notifications de convocation, déshérence d’avocats aux audiences justifiée par le faible nombre d’avocats formant le barreau de Mayotte », généralisation des audiences par visioconférence…
Une situation largement explosive qui reflète parfaitement la mise en œuvre d’une politique d’incarcération de masse comme moyen privilégié de gestion coloniale des populations à Mayotte. Une politique que nous avons dénoncée lors de la mutinerie des détenus de Majicavo début octobre. Cette dernière s’est d’ailleurs soldée par une répression musclée avec l’intervention du GIGN.
Un centre de rétention administrative au service d’une politique d’expulsion massive
Dans ce contexte répressif qui caractérise la gestion coloniale de l’île, la double peine subie par les prisonniers non français, majoritairement comoriens, et qui représentent 64% de la population pénale, est flagrante. Un véritable constat raciste est réalisé par l’administration pénitentiaire qui transmet toujours selon le rapport » chaque lundi à la préfecture la liste de tous les étrangers en situation régulière et irrégulière et information immédiate de toute libération « . Une pratique qui permet au préfet, depuis la signature d’un protocole en 2019, de notifier, à la sortie de prison, une OQTF à toute personne sans papiers et de la placer en détention en vue de son expulsion du territoire au plus vite. possible.
Avec près de 30 000 personnes interpellées chaque année grâce au déploiement exceptionnel de services de police aux frontières et de gendarmes dédiés uniquement à la chasse aux sans-papiers sur terre et par mer, le CRA de Mayotte réalise « 64% des placements en détention dans toute la France « . Le secret de la mise en œuvre de cette politique d’expulsion massive que l’État colonial voudrait voir renforcée ? De la ” violations quotidiennes des droits fondamentaux des personnes enfermées au mépris du code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) » s’écartant déjà largement du droit commun et une absence systématique de vérification de la situation individuelle des personnes avant leur arrestation. Grâce au régime d’exception, une majorité des personnes incarcérées sont expulsées en quelques heures sans avoir rencontré le juge ni pu faire appel.
Cible privilégiée de la répression qui s’applique sur le territoire, le traitement réservé aux 3000 mineurs expulsés chaque année du CRA de Mayotte, connu de longue date, fait également scandale, tout comme le recours à des tours de passe-passe administratifs pour recourir à la répression. Lorsqu’ils sont arrêtés seuls, la préfecture de Mayotte soit les déclare arbitrairement majeurs, soit les rattache fictivement ” aux adultes qui ne sont pas leurs parents ou leur représentant légal » de pouvoir rendre « légale » leur expulsion vers l’île comorienne d’Anjouan, où une majorité de jeunes comoriens nés ou élevés à Mayotte n’ont jamais mis les pieds.
Le rappel de toutes ces pratiques administratives racistes légalisées par un droit dérogatoire révèle une fois de plus combien Mayotte et les autres territoires colonisés sont les avant-postes des techniques les plus répressives en matière d’immigration et de confinement. Des techniques sur lesquelles s’appuie l’État colonial pour maintenir son contrôle stratégique sur ces territoires et dans leurs régions respectives, dans un contexte de crise de l’impérialisme français. Dans le même -, cet avant-poste répressif alimente les offensives actuelles contre les droits des étrangers en France, à commencer par la prochaine loi asile annoncée par Retailleau ou la proposition d’abolition de la loi foncière, dont les restrictions sont déjà en vigueur. le travail à Mayotte depuis 2019.
Contre ces pratiques xénophobes et ce régime répressif exceptionnel organisé par l’État français avec le soutien de la classe politique mahoraise, nous devons exiger la fermeture des centres de détention, la fin du visa Balladur qui militarise la frontière entre le reste des îles du Comores et archipel de Mayotte et la régularisation de tous les sans-papiers. Face à un gouvernement qui ne promet que misère et répression dans toutes ses colonies, il faut dénoncer sa présence meurtrière dans tous ces territoires.