Emmener bébé chez l’ostéopathe est presque devenu un incontournable pour les jeunes parents. Même si les bienfaits promis sont nombreux, aucun n’a été scientifiquement établi.
Pour les familles qui en ont les moyens, recourir à l’ostéopathie après la naissance d’un enfant est devenu un rituel quasiment incontournable. Même à la maternité, les jeunes parents sont fortement incités à emmener leur bébé chez l’ostéopathe. Il faut dire que les promesses de l’ostéopathie pédiatrique sont légion : elle diminuerait les pleurs, améliorerait l’allaitement, la digestion ou le sommeil et remédierait à d’éventuelles déformations du crâne. Il n’existe cependant aucun fondement scientifique à cette pratique, prévient l’Académie nationale de médecine dans un récent communiqué, rejoignant à cette position les avertissements répétés de nombreux professionnels de santé ces dernières années.
« On fait croire aux parents qu’ils risquent de rater quelque chose, que leur enfant peut avoir des problèmes s’ils ne consultent pas un ostéopathe. »Pascale Mathieu, présidente de l’Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, nous l’a récemment confié. Pour Johann Lavallée, physiothérapeute et diplômé en ostéopathie, « la prouesse magistrale de l’ostéopathie a été de suggérer que la naissance est un événement « traumatisant » qui nécessite de facto un examen ostéopathique pour « tout remettre en place » ». « L’ostéopathie pédiatrique prétend traiter des maladies qui n’existent pas ou des problèmes réels qui évoluent naturellement vers la guérison. il a résumé dans une interview avec Figaro en 2021.
C’est par exemple le cas de « Syndrome du baiser »définie il y a une cinquantaine d’années par un médecin allemand et serait due à un désalignement des premières vertèbres cervicales. Ce syndrome regroupe une multitude de signes attendus et très fréquents chez le nourrisson (aplatissement du crâne, écoulement en pleurs, coliques, reflux…). Une maladie fourre-tout, très prisée sur les réseaux sociaux, qui ne correspond… à aucune réalité médicale. « Sachez que le syndrome de Kiss n’existe pas et n’a aucun fondement diagnostique ou scientifique. »avait ainsi alerté un collectif de soignants dans une tribune publiée dans nos pages en 2022. Il ajoutait que« un bébé en bonne santé n’a pas besoin de manipulation : les os et les organes ne bougent pas spontanément, ni pendant l’accouchement ni après ».
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Des pratiques « coûteuses » et « à l’efficacité non prouvée »
L’Académie de médecine met en garde notamment sur l’ostéopathie « viscéral et crânien »ce qui correspond à des manipulations du ventre et de la tête. Elle insiste sur le fait que ces pratiques sont « sans base scientifique prouvée, et d’une efficacité et d’une sécurité non prouvées ». De la « insuffisances » OMS « contrastent avec la multiplication des annonces, y compris au sein des maternités, qui se traduit par une offre croissante, faite aux parents, de ces pratiques coûteuses »piquer les académiciens.
La séance, dont le coût oscille généralement entre 70 et 80 euros, est entièrement à la charge des parents. Parce qu’elle n’est pas reconnue comme profession de santé, l’ostéopathie n’est pas remboursée par l’Assurance Maladie. Pour cette même raison, les ostéopathes n’ont pas les mêmes droits que les professionnels de santé. En théorie, ils ne peuvent par exemple pas s’occuper des bébés de moins de 6 mois, sauf s’ils disposent d’un certificat de non contre-indication établi par un médecin. Seules les mobilisations douces – qui contrairement aux manipulations ne font pas craquer les articulations – sont autorisées sans l’accord d’un médecin.
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Un risque de retard dans la prise en charge
Selon ses détracteurs, l’ostéopathie pour bébés est, au mieux, inefficace, lorsqu’elle n’est pas dangereuse. « Aucune étude n’a montré une quelconque efficacité. Par contre, j’ai observé à plusieurs reprises au cours de ma carrière que cela pouvait retarder le traitement d’une pathologie »témoigne le Dr Jean-Michel Pedespan, qui était jusqu’à l’année dernière neurologue pédiatrique au CHU de Bordeaux. « Par exemple, nous avons vu arriver des nouveau-nés souffrant de torticolis, de paralysie cérébrale ou d’hypotonie. (faiblesse musculaire, NDLR) à des stades trop tardifs. Ils avaient été soignés par des ostéopathes qui n’étaient pas capables de diagnostiquer ou de traiter ces pathologies. »raconte le médecin qui, dès 2011, avait sensibilisé à l’ostéopathie pédiatrique dans une tribune publiée dans Le monde. « En cas de doute, mieux vaut consulter un pédiatre, qui orientera si besoin vers la kinésithérapie conventionnelle, bien plus efficace.précise-t-il.
A terme, l’Académie de médecine appelle à une évaluation rigoureuse de l’ostéopathie crânienne et viscérale et à la mise en place d’une surveillance des effets indésirables chez les nouveau-nés. Il appelle enfin à renforcer la qualité des formations ostéopathiques dispensées par les établissements et à les évaluer. « objectivement par des spécialistes médico-chirurgicaux de la périnatalité ».
