“C’est beau mais toxique !” » C’est le nom de la série proposée par Ouest de la France pour faire connaître et faire connaître les espèces végétales que l’on peut observer en fin d’année dans le Morbihan et plus largement en Bretagne, mais dont il faut… se méfier. Patrick Camus et Christian Fontaine, scientifiques et enseignants de formation, ont identifié une demi-douzaine de plantes et de fruits qui méritent une attention particulière en cette saison.
1. L’herbe des femmes battues contient des baies toxiques
L’herbe des femmes battues, ou tamia commun, ou Dioscorea communis, de son nom latin, fait partie de ces jolies plantes dont il faut se méfier. Le tamia commun est une vigne assez élancée, volubile et vivace que l’on trouve dans les haies et les bordures avec des feuilles brillantes en forme de cœur. Il est commun en Bretagne comme en Europe, sur des sols riches, frais et ensoleillés. Sa tige s’enroule autour du moindre support jusqu’à 3 ou 4 mètres de hauteur. En automne, ses fruits vénéneux, brillants et généreux passent du vert au rouge à maturité. Sa grosse racine tubéreuse et noirâtre a une chair blanche. Sa longévité peut atteindre 150 ans !
2. La douce-amère est aussi appelée herbe à fièvre
La douce-amère appartient à la famille des solanacées, famille qui regroupe de nombreux légumes comestibles comme les pommes de terre, les tomates, les poivrons et les aubergines, mais aussi certaines espèces toxiques comme le tabac, la belladone, le datura et la mandragore. Mais arrêtez là, ne goûtez jamais une plante inconnue ! La douce-amère est toxique dans toutes ses parties, feuilles, tiges et fruits.
La saveur de ses petits fruits ovoïdes et brillants, d’abord sucrés, puis amers, est à l’origine de ses noms français et latins. Les intoxications chez les adultes sont rares, mais le risque est plus grand chez les enfants qui peuvent prendre ces petits fruits très attractifs pour des bonbons. Les bovins, les moutons, les porcs, les poulets et les chiens sont parfois également empoisonnés. En revanche, les oiseaux sauvages les consomment sans souci.
3. Attention aux fruits et à la sève de l’euphorbe européenne
L’euphorbe des bois est commune en Bretagne dans les bois frais et ombragés, en lisière et dans les haies. La première année, il ressemble à un goupillon avec un manteau de feuilles allongées au sommet de sa tige rougeâtre non ramifiée de 50 cm. L’année suivante, cette plante vivace développe une tige dotée d’une grande ombelle de curieuses fleurs verdâtres et peut atteindre près d’un mètre.
Les jardiniers, les promeneurs et les enfants qui manipulent cette plante sans gants sont les victimes les plus fréquentes. Par mesure de précaution, il suffit de se laver soigneusement les mains après manipulation. Les herbivores évitent cette plante qui la préserve.
4. Derrière les élégantes fleurs de Datura, l’herbe du diable
Originaire d’Amérique centrale ou d’Amérique du Sud, le Datura a été introduit en Europe dès le XVIe siècle.e siècle avec les livraisons de céréales. Elle est présente aujourd’hui en Bretagne, notamment dans le sud du Morbihan. Cette plante robuste n’est pas souhaitable pour les grandes cultures comme le maïs, le tournesol ou le sarrasin. Peu exigeante pour s’implanter, elle se contente de décombres, de friches, de hauts de plages et, d’une manière générale, de sols riches en azote.
Les feuilles, les fleurs et les graines sont toxiques et peuvent entraîner la mort en cas d’ingestion. Dans les années 1980 et 1990, les cigarettes Datura, destinées aux asthmatiques, étaient vendues en pharmacie. L’usage abusif, en décoction, du contenu de ces maudites cigarettes a entraîné la mort de trois lycéens. Un décret met fin à cette commercialisation en 1992.
Déchirer sans gants peut provoquer une irritation cutanée. Le débroussaillage mécanique est à proscrire car la projection de fragments végétaux dans les yeux peut être Source de graves problèmes oculaires. Les fumées provenant de l’incinération des graines sont également toxiques.
5. Le lierre grimpant et ses fruits toxiques, au goût répugnant
Le lierre grimpant (Hedera helix) est une vigne vivace, commune en Bretagne, qui pousse dans les endroits frais et ne craint pas l’ombre. D’abord couché et rampant, il recouvre rapidement le sol d’un réseau de branches et produit de nombreuses racines adventives. Dès qu’il rencontre un support vertical rigide, il grimpe dessus. Son nom breton, iliav-rouge, évoque cette croissance tridimensionnelle. Il est fixé par de nombreux crampons à ses différents supports verticaux. Ainsi, les pignons des maisons, les murets, les ruines ou les arbres se recouvrent rapidement d’un manteau uniforme. Sur les arbres, il grimpe jusqu’à 20 m de hauteur. Si personne ne vient l’éliminer, le lierre grimpant peut devenir centenaire. Ses tiges ont alors un diamètre à leur base comparable à celui d’un bras d’homme.
La plante entière est toxique. Parfois, les victimes sont le bétail, les chevaux, les vaches et les lapins, qui consomment cette plante, fraîche ou fourragère. Les passereaux, comme les grives et les merles, les mangent sans souci particulier.
6. L’if commun, un conifère ornemental parfois mortel
Arbre des forêts fraîches de l’ouest de la Bretagne, l’if commun recherche l’humidité et ne craint pas l’ombre. Il est surtout présent dans les parcs, autour des églises et dans les cimetières où il est planté. Arbre à aiguilles comme les sapins et les pins, c’est un conifère atypique, car il ne produit que de minuscules cônes mâles et possède un bois sans résine.
Les aiguilles étaient réputées en médecine traditionnelle pour traiter les morsures de serpent et la rage. Ses jolis arilles sont à considérer avec la plus grande prudence. Certes, la pulpe de l’arille est non toxique mais la graine incrustée est mortelle.
César, en Les guerres des Gaulesrapporte que Catuvolcos, l’un des rois des Eburons, a terminé sa vie avec de l’if. Il mentionne également un poison, à base de graines d’if broyées, appliqué sur les flèches de ses adversaires.
Les merles et les grives se nourrissent des arilles. Les herbivores qui consomment son feuillage finissent par devenir immunisés. Cerfs et lièvres y broutent sans problème. Le cheval est très sensible : à peine un kilo de feuillage peut le tuer.