l’essentiel
L’organisme de surveillance de la pollution de l’air Atmo Occitanie a installé l’année dernière un point de mesure dans l’ouest du Gers pour évaluer la présence de pesticides dans l’air. Décryptage de ces résultats avec Dominique Tilak, directrice d’Atmo Occitanie.
Pouvez-vous nous présenter Atmo Occitanie en quelques mots ?
Atmo Occitanie est un organisme agréé de surveillance de la pollution de l’air en Occitanie. Nous sommes agréés par le Ministère de l’Environnement et nous avons été créés en 1996 par la loi relative à l’air et à l’utilisation rationnelle de l’énergie, la loi Laure.
Comment la qualité de l’air a-t-elle évolué depuis l’existence de ces mesures ?
Ce sont les enjeux liés à la pollution de l’air qui ont évolué. C’est-à-dire qu’à une époque, il y avait des problèmes, notamment dans les carburants, avec le soufre et le plomb. Il y a eu des réglementations, des évolutions. Aujourd’hui, nous disposons de carburants sans soufre ni plomb. Désormais les problèmes sont davantage liés aux oxydes d’azote qui proviennent du trafic routier, aux particules fines qui proviennent essentiellement de tout ce qui est la combustion du bois, de la biomasse, du chauffage au bois, des déchets végétaux et autres, et occasionnellement de l’industrie. Mais il y a peu d’industrie dans le Gers.
Faut-il également surveiller la présence de pesticides dans l’air ?
Oui, puisque nous sommes la deuxième région agricole de France, et la première région viticole de France en termes de superficie. Nous surveillons les perturbateurs endocriniens à partir de cette année pour savoir où nous en sommes. Et nous commencerons bientôt à mesurer ce que nous appelons les polluants éternels, les PFAS, notamment grâce à des travaux complémentaires qui sont menés avec d’autres collègues d’autres régions.
Les PFAS que l’on retrouve dans l’eau se retrouvent-ils également dans l’air ?
Alors on les cherche, c’est le début de l’histoire. Nous regardons ce que nous trouvons dans les retombées de poussière et d’eau de pluie.
Vous avez dit que la filière ne concernait pas vraiment le Gers. J’imagine que c’est plutôt l’activité agricole en cause sur la qualité de l’air ?
Il faut savoir que les pesticides présents dans l’air aujourd’hui ne sont pas soumis à réglementation. Donc, s’il n’y a pas de réglementation, il y a peu de financement. En 2014-2015, nous avions un partenariat avec le département du Gers que nous n’avons pas pu renouveler. Nous avons eu l’opportunité l’année dernière grâce à un financement interne de mettre en place un point de mesure dans l’ouest du Gers.
Et que vous disent ces données au cours de la dernière année sur la présence de pesticides dans l’air ? J’ai vu que tu as quantifié 7 molécules pour le site du Gers, sur environ 90 que tu recherches.
Oui. A titre de comparaison, sur d’autres sites que nous suivons en Occitanie, nous avons parfois réussi à mesurer 18 molécules différentes, nous avons donc plutôt affaire à une variété relativement réduite de molécules mesurées. Et parmi ces molécules, on retrouve notamment deux molécules associées à des traitements de type herbicide. On retrouve également le Folpen qui est un fongicide utilisé principalement en viticulture.
Et la présence de ces pesticides, j’imagine, affecte la qualité de l’air en général ?
Il n’existe pas de valeurs toxicologiques de référence pour ces molécules. Notre métier chez Atmo Occitanie est de réaliser des mesures, de les comparer d’un site à un autre dans des environnements comparables ou non, et de mettre toutes ces données à disposition, notamment aux agences nationales de santé comme l’Anses (Agence Nationale de l’Alimentation, de l’Environnement). et Sécurité Sanitaire au Travail), afin qu’ils puissent évaluer les enjeux, sanitaires ou environnementaux, liés ou non à ces molécules.
7 molécules dans le Gers, 18 dans les autres départements. Est-ce plutôt le nombre de molécules détectées ou la quantité cumulée en un instant donné qui compte ?
Nous avons donc les deux indicateurs. Et ce sera Anses qui nous répondra un jour. Le travail que nous effectuons est utile à ces agences, mais aussi aux utilisateurs, afin qu’ils puissent, puisque ces données sont en ligne, savoir si les molécules que nous trouvons sont corrélées ou non à des traitements qui auraient été réalisés à proximité ou dans des zones plus lointaines.
Et ainsi donner des recommandations ou limiter les pratiques ?
Ce travail de mesure, c’est ce qu’on faisait avec les industriels, avec les compagnies pétrolières, il y a 30 ans. Nous avons finalement suivi les problèmes et petit à petit, des solutions ont émergé. Aujourd’hui, il n’y a plus de soufre et de plomb dans les carburants. Ainsi, nous sommes également en train de mettre en place des indicateurs environnementaux à travers ces mesures qui permettent de suivre l’évolution et les progrès de l’agriculture, l’évolution et les progrès des pratiques culturelles mises en œuvre.
Parmi les 7 molécules observées dans le Gers, combien sont des perturbateurs endocriniens, probables ou avérés ?
Nous disposons de six molécules perturbatrices endocriniennes.
La qualité de l’air dans les zones rurales n’est-elle pas particulièrement meilleure que dans les grandes villes comme Toulouse ?
Non, exactement. Il y a d’autres problèmes dans les campagnes, qui pourraient être les pesticides comme on vient de le voir. Mais aussi les appareils de chauffage au bois qui se développent et qui doivent être surveillés par rapport aux problématiques de particules ou de particules ultrafines.