De 9 heures à 17 heures, ce mardi, cinq anciens patients du docteur El Absi se sont relayés devant la cour d’assises de Charente. Un deuxième essai, près de deux ans après le premier, où le radiologue avait été condamné à 17 ans de réclusion criminelle, avant de faire appel. Trois victimes présumées ont signalé ce mardi une pénétration numérique dans l’anus. A l’issue de l’audience, Bassam El Absi, qui s’est longuement exprimé pour la première fois depuis le début du procès, a nié ces pénétrations.
Amélie (son prénom a été modifié) a raconté une agression sexuelle en 2016, lors de sa première rencontre avec le docteur El Absi. Elle est venue passer une échographie prescrite par son médecin généraliste. La jeune femme, 25 ans à l’époque, raconte alors une première demande qui l’a surprise, dès son entrée dans le bureau : celle de se déshabiller complètement. Elle refuse, garde sa culotte et son soutien-gorge et s’assoit sur la table. Le médecin l’examine ensuite à l’aide d’une sonde qu’il passe sur son ventre. Rien de bien concluant, estime-t-il. Pour lui, son patient souffre de constipation. Il lui montre ensuite des techniques de respiration pour “débloquer” le côlon.
“Vous êtes le seul médecin à poser cette question”
Bassam El Absi place alors sa main au-dessus du ventre de la patiente, et lui demande de venir la toucher en gonflant son ventre. “Vous êtes le seul médecin à poser cette question” commente Amélie, qui rapporte cette réponse : “C’est parce que les autres sont trop timides.” Le médecin a alors commencé à lui masser le ventre, ce qu’il a reconnu pour la première fois à l’audience de ce mardi, où il affirmait auparavant ne pas l’avoir touchée.
En revanche, Bassam El Absi réfute le récit d’Amélie dans les minutes qui suivent. Car, selon la patiente, le massage va bien plus loin. Selon elle, le radiologue masse ses seins sous son soutien-gorge, ses hanches, ses fesses… Il place ensuite les jambes de sa patiente sur ses épaules, et se retrouve face à elle, entre ses cuisses. “Je pensais qu’il allait me violer” dit Amélie. Elle décrit alors un état d’étonnement, dit-elle “honte” ne pas pouvoir crier. Elle explique avoir senti le bassin de son médecin bouger d’avant en arrière, le sentir contre son pénis. Elle, qui n’a jamais eu de rapport sexuel, croit le sentir en érection.
La jeune femme prend ses affaires et s’habille. Et là, “Je m’en souviens comme si c’était hier, il m’a dit ‘Ne le dis pas à ta famille, pas à tes amis'”, dit Amélie. Elle en parle finalement quelques minutes plus tard à son frère, qui suit une formation d’aide-soignant. Il appelle leur médecin, puis la jeune femme portera plainte à la police.
Le médecin évoque un manque de libido dû à des problèmes d’érection
Ce mardi, à Angoulême, Bassam El Absi a édulcoré une grande partie de cette histoire. Les jambes de son patient sur ses épaules ? Non, répond-il, même s’il avoue lui avoir demandé de plier les jambes pour mieux voir. Une érection ressentie par le patient ? Impossible, rétorque-t-il, évoquant des problèmes érectiles confirmés à l’audience par un médecin légiste. Cette dernière évoque encore un éventuel gonflement du pénis, sans raideur, mais pourrait passer pour une érection chez une personne inexpérimentée en matière sexuelle. Mais était-il enthousiasmé par la situation ? Il s’embrouille au début, raconte les moments où il rencontre des femmes dans la rue « sombre et beau »… en prenant comme exemple l’avocat, qui le remercie ironiquement. Avant d’affirmer que non, il n’avait pas de libido à ce moment-là.
Cette phrase «les autres [médecins] sont trop timides” ? Il ne se souvient pas de l’avoir dit, mais il imagine que c’était une blague. “Je peux plaisanter”, dit-il, invoquant une tradition dans le domaine médical pour minimiser les situations. Il s’excuse également d’avoir qualifié la patiente d’hystérique lors d’une confrontation devant l’Ordre des médecins. “Je n’ai pas été juste avec elle, j’ai été trop rapide dans ma défense”concède-t-il.
Mais alors pourquoi, au-delà de l’analyse des radiographies, a-t-il pratiqué des exercices de respiration, se demande le président ? “Un radiologue n’est pas obligé de faire ça.” » dira aussi un collègue et ex-collègue interrogé par vidéo. «Peut-être que je suis devenu trop grand pour mon rôle de radiologue des années 2020» reconnaît Bassam El Absi, parlant de méthodes “vieille école”, lui qui avait alors 65 ans et qui évoque une envie de « faire un service ». En attendant, huit ans après les événements, Amélie, la voix toujours pleine de colère, dit encore : “peur de rester seul à la maison le soir”, ses exigences de consulter uniquement des femmes médecins. “J’ai perdu ma sœur ce jour-là”, dit son frère.
«Peut-être que je me suis mal comporté», » dit Bassam El Absi en préambule, la voix fine, les mains croisées devant lui. Il reconnaît un manque d’explications et de communication de sa part avec ses patients et « des gestes gênants ». Un début de mea culpa, très insuffisant, pour entendre les murmures et les coups sur les bancs des parties civiles. L’ancien radiologue poursuivra ses explications ce mercredi.