Avec 142 000 visiteurs durant les six premiers mois de l’année, le Musée des Impressionnismes de Giverny (Eure) fait toujours entrer le monde entier dans la maison de Claude Monet, autour des nénuphars du jardin et du restaurant de David Gallienne. Saison après saison, le musée se construit une solide réputation internationale grâce à ses expositions originales sur l’impressionnisme, mais aussi sur l’art contemporain. Il possède également une belle collection permanente (fermée depuis début novembre pour ses vacances d’hiver) de 299 œuvres, dont la dernière a été récemment acquise lors d’une vente aux enchères chez Christie’s. «Il s’agit de L’Escaut près d’Anvers, soleil couchant de Johan Barthold Jongkind (1819-1891), peint en 1866. Un bien inaliénable que j’ai voulu acheter pour fêter les 15 ans du musée », raconte Cyrille Sciama, directeur du Musée des Impressionnismes.
Chaque année, le musée cherche à enrichir sa collection d’œuvres qui ont marqué l’histoire de l’impressionnisme, « ce qui est rare et donc cher », note le directeur du musée. « Il existe cependant des noms moins recherchés par les collectionneurs internationaux. Là, Johan Barthold Jongkind est très intéressant, car il est l’un des pères de l’impressionnisme. Ami de Claude Monet et Eugène Boudin. Ils avaient des liens ensemble en Normandie et peignaient sur les falaises de Honfleur. C’était la rencontre du post-impressionnisme et de l’impressionnisme. Il a été une célébrité de son vivant”, explique Cyrille Sciama.
C’est aussi un nom qui manquait au musée, et un tableau qui a une importance en soi, comme le souligne le directeur : « Il est antérieur Impression soleil levant (1872) de Claude Monet, qui donna naissance à l’impressionnisme. On sait que Monet a beaucoup regardé l’œuvre de Jongkind. Nous sommes très heureux d’avoir acquis cette œuvre, car elle est en très bon état sur sa toile d’origine, sans restauration et dans un format que tout collectionneur peut avoir (40 x 60 cm, NDLR). »
300 donateurs du monde entier
Johan Barthold Jongkind a peint « L’Escaut près d’Anvers, soleil couchant » en deux versions. Il en vend un, tandis que l’autre reste dans son atelier jusqu’à sa mort en 1891. Il est ensuite vendu aux enchères et entre dans des collections françaises et étrangères au fil des décennies. « J’ai découvert que le tableau était à vendre », se souvient Cyrille Sciama. « J’étais vraiment ravi de pouvoir ramener cette œuvre importante en Normandie. Son estimation était basse, entre 25 000 et 35 000 euros. »
Après avoir obtenu l’accord du conseil scientifique du musée (qui comprend le directeur du château de Versailles, le directeur des collections du musée d’Orsay et le directeur du musée Marmottan-Monet, des spécialistes et des universitaires), ” qui émet un avis que je suis, la vente était un petit combat contre une galerie parisienne que je connais”, sourit le directeur. « Je suis un joueur et j’avais mon budget en tête. Le marteau est tombé à 45 000 euros (61 000 euros tous frais compris, NDLR). Je n’ai aucun problème à le dire car il s’agit d’argent public et privé. Et ce n’est pas très cher pour un tableau de cette qualité et de cette valeur historique et culturelle », ajoute Cyrille Sciama.
D’autant que les trois quarts de la somme ont été obtenus grâce aux dons provenant du cercle des mécènes, de la Société des Amis du musée et, cette année, du centre commercial voisin McArthurGlen Giverny, dont l’ouverture a été soutenue par le musée. » Et surtout, mais ce n’était pas la première fois, grâce à un abonnement. Il a été lancé sur une plateforme créée et dédiée au musée, ce qui réduit les coûts, et via une urne physique à l’entrée du musée. Ce fut une réussite», se réjouit le réalisateur. « Ce qui est intéressant, c’est l’origine des dons. Il y a des Américains, des Allemands, des Espagnols, des Italiens, etc. Des dons très internationaux, entre 10 euros et 1 000 euros. » Au total, plus de 300 donateurs ont participé à la collecte de 39 500 euros.
Le Jongkind sera bien sûr l’une des pièces majeures à découvrir dès la saison estivale 2025 au Musée des Impressionnismes de Giverny, « et, comme toutes nos œuvres, le tableau pourra également être prêté à des musées français et internationaux. Nous avons quelques pépites qui intéressent le monde entier », rappelle Cyrille Sciama.