Faisant référence au cas de l’écrivain Boualem Sansal, emprisonné au JDDMichel Onfray pose une question un peu vertigineuse : « Le régime [algérien] parle de « renseignement avec l’ennemi ». Qui est l’ennemi ? France ?”. Pendant ce -, depuis plusieurs jours, de nombreuses voix se font entendre sur la dictature militaire algérienne de ce côté-ci de la Méditerranée…
Boualem Sansal, écrivain luttant contre l’islamisme, a été jeté dans le fossé par les autorités algériennes, de manière totalement arbitraire, dans le but de régler les comptes du pouvoir avec l’État français. A cette occasion, on a vu un certain nombre d’élus et de relais d’opinion franco-algériens faire les petits télégraphistes d’Alger en tenant un discours très violent contre les libertés fondamentales et la France.
Les binationaux relayent la propagande algérienne fondée sur la haine de la France
Karim Zeribi en fait partie. Ancien élu EELV, reconnu coupable d’avoir détourné des fonds publics, l’homme a fondé le conseil mondial de la diaspora algérienne. Voix autoproclamée des Algériens en France, l’homme d’affaires estime que Boualem Sansal « alimente un business qui est celui de l’extrême droite et de certains pseudo-intellectuels réactionnaires ». « Aujourd’hui nous avons besoin de gens de paix, de gens positifs, de gens qui veulent se respecter les uns les autres pour s’unir et mettre à mal ces écrivains pseudo-islamophobes de Boualem Sansal qui sèment la haine. » C’est métaphoriquement tirer dans le dos d’un homme emprisonné. Et ça s’appelle de gauche… Autre grande conscience se réclamant progressiste, Nedjib Sidi Moussa est un universitaire dont le seul fait d’armes reconnu consiste à avoir enquêté sur le procès de l’écrivain dans une émission sur France 5 qui a fait scandale. L’homme explique le succès de Boualem Sansal en arguant qu’il « répond à une demande, façonnée par l’industrie culturelle et l’idéologie ambiante, qui vise à renforcer une vision colonialiste et suprémaciste de l’Algérie et des Algériens. « . Pour ce politologue, MM. Daoud et Sansal” ont été stratégiquement promus pour mener les guerres culturelles françaises « . Il s’agit de diffuser sous couvert d’analyses faussement scientifiques des éléments de langage d’un pays étranger dont le but est de radicaliser les immigrés algériens et les binationaux. Kamel Daoud, aussi menacé dans son pays d’origine que Boualem Sansal, le dit dans Le point : « Pour eux, je ne suis pas un vrai Algérien car je ne réponds pas à leur critère : la haine de la France ».
Or, si être un bon Algérien, c’est haïr la France, comment être binational sans être un traître en puissance ? Ici ou là. Ces personnes illustrent le problème que peut poser la binationalité en cas de tension entre deux pays qui n’ont pas les mêmes valeurs, principes ou idéaux ; et dans lequel l’un utilise la haine de l’autre pour construire son identité nationale.
Comment servir deux maîtres qui n’ont rien en commun et qui sont en conflit ?
Commençons par la grande lacune en termes de principes. C’est compliqué d’appartenir à deux sphères mentales qui s’excluent. Si l’on adhère à certains principes politiques, il est difficile de valider leurs contraires. La France est donc une démocratie, l’Algérie ne l’est pas. La France est laïque, l’Algérie ne l’est pas. La France fonctionne selon le principe de l’égalité devant la loi, ce qui n’est pas le cas de l’Algérie. La France défend les libertés publiques, l’Algérie les piétine. La France défend la liberté d’expression, l’Algérie est emprisonnée pour délit d’opinion.
Dans ce déchaînement de tensions, les personnes les plus sincères subissent un conflit de loyauté, elles peuvent être tiraillées entre des affiliations dont les contradictions se sont exacerbées. Quant aux moins fiables et aux plus haineux, ils deviennent des agents du pays en conflit et visent la France. Evidemment M. Zeribi est avant tout un Algérien. Et il a parfaitement le droit de le faire. Il a choisi entre ses deux affiliations : il soutient l’Algérie et crache sur la France. Ce serait bien s’il allait jusqu’au bout de ce choix.
Pire encore, s’il n’est aujourd’hui qu’un homme reconnu coupable de détournement de fonds, il a été élu (EELV). Cet homme serait-il capable de défendre l’intérêt général et les intérêts de la France s’il devait choisir entre ses deux affiliations ? On connaît la réponse quand on le voit invoquer l’humanisme et la justice pour justifier les violences politiques à Alger et l’arrestation arbitraire d’un artiste. Et là encore, la situation est tout simplement tendue. Mais que se passerait-il en cas de guerre ? Cependant, notre avenir ne s’oriente pas vers la stabilité et la paix compte tenu des tensions internationales et du poids des islamistes au Maghreb, en Afrique et chez nous. D’autant qu’en construisant mosquées et casernes à grand renfort de moyens, l’Algérie apparaît aux yeux de nombreux observateurs comme se préparant à la guerre ; Quant à la réconciliation avec les islamistes, elle est ratifiée depuis longtemps. Cependant, la haine de la France, qui constitue en partie l’identité algérienne, est manifeste dans la diaspora et rend impossible l’appropriation de la double nationalité, notamment chez les plus jeunes.
Le choix d’une nationalité vécu comme une déchirure émotionnelle
Une nationalité a certes une dimension affective, mais elle est avant l’accès à l’exercice des droits politiques, une manière de s’inscrire et d’agir dans l’espace public à travers la citoyenneté. Il est compliqué de souscrire à la fois à un système démocratique et à un système autoritaire ; à un système qui prône l’émancipation des individus et à un système qui fonctionne sur la soumission et le bâton ; à un système qui prône l’égalité et à un système qui la refuse au nom du sexe, de la religion… Une nationalité est politique. Elle est liée à l’acquisition de droits qui sont justifiés et existent parce qu’ils reposent sur une vision particulière de l’homme et du monde, même lorsqu’elle repose sur l’universalisme. C’est l’adhésion aux principes fondateurs du contrat social qui légitime la possession d’une part de souveraineté nationale, part qui permet au citoyen d’influencer les choix d’orientation d’un pays et de déterminer son avenir. .
Il est tout à fait possible de n’avoir qu’une seule nationalité et d’être porteur d’une double culture. Vous pouvez choisir d’être démocrate et inscrire votre citoyenneté dans l’idéal français sans pour autant renoncer à écouter de la musique orientale, à pratiquer votre dialecte, à aimer vos parents et à aller souvent dans votre pays d’origine, même si lui entretenir un attachement particulier.
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Mais force est de constater que les différents pays qui composent notre monde sont dans une dynamique d’affrontement et non de convergence. A M. Zeribi montre clairement qu’en cas d’affrontement avec l’Algérie, il serait le relais d’une puissance opposée à la France. Il agit déjà comme tel. Au point qu’avec humour de nombreux internautes ont proposé que l’Algérie nous rende Boualem Sansal et reprenne Karim Zeribi. Pourtant, me direz-vous, un Kamel Daoud ou un Boualem Sansal, qui ont eux aussi la double nationalité, portent nos valeurs bien plus élevées que nombre de nos représentants actuels… Mais il est vrai qu’ils ont fait un choix clair en termes d’attachement à certains principes politiques : ils combattent les barbus et les généraux corrompus et adhèrent aux idéaux des Lumières, en cela ils sont plus français d’esprit et de cœur que ceux qui croient qu’une nation ne peut être qu’ethnique et qu’elle ne peut être que française, est étant blanc.
Choix sans culpabilité
La question de la double nationalité est donc complexe car, même si elle est liée à l’exercice des droits politiques, elle parle d’appartenance et pose la question de l’identité. Faire un choix peut être vécu comme une trahison personnelle d’une partie de son identité, un abandon. Cependant, cette métaphore selon laquelle on ne peut pas choisir entre sa mère et son père, utilisée par de nombreux binationaux, est fausse. La vraie question est plutôt : « avec quel partenaire allez-vous construire votre avenir ? », si l’on veut prolonger la métaphore. Parce que nous n’appartenons pas à nos parents. Grandir, c’est fonder sa propre famille. Quitter le domicile parental n’est pas une trahison. Choisir si vous voulez vivre dans une démocratie ou sous le régime d’une dictature, c’est ce qu’implique le choix d’une nationalité. Ainsi dit, faire ce type de choix n’est plus culpabilisant, car nous le faisons justement pour éviter de transmettre à nos enfants un exil qui n’est pas le leur et d’en faire les héritiers d’un conflit de loyauté, mais plutôt pour leur transmettre une double culture pacifique.
Cependant, pour la plupart des binationaux, la question ne se pose pas ainsi. C’est du registre émotionnel. C’est une question liée à l’émotionnel et il y a un profond et réel sentiment de remise en question personnelle lorsque surgit le débat sur ces questions. Les gens se sentent vraiment rejetés et réagissent violemment. Il faut savoir entendre cela, d’autant que ce sont souvent les personnes les plus fidèles qui sont les plus choquées. Cela n’empêche pas que la question se pose et, surtout, risque de se poser de plus en plus. Nous gagnerions collectivement à avoir un véritable débat sur ce thème car l’attitude de M. Zeribi illustre parfaitement l’impossibilité d’une double allégeance lorsque la tension est forte et que l’appel à choisir un camp devient urgent. Dans ce contexte, il faut aussi pointer la responsabilité de la France qui permet aux agents de régimes étrangers d’agir sans jamais enquêter sur leur financement et leurs réseaux. Cependant, de nombreuses rumeurs accusent le Conseil mondial de la diaspora algérienne d’être un faux nez du gouvernement algérien. Son rôle supposé en France : recruter des Algériens de la diaspora pour en faire une arme de guerre politique et une machine de propagande. C’est un outil potentiel de déstabilisation. Karim Zeribi est en tout cas ouvert à ces soupçons et son attitude leur donne une certaine substance.
C’est pourquoi le débat sur la double nationalité est semé de pièges, d’hypocrisie et de complexité car il interroge la nature de notre lien au collectif, à la nation, à l’exercice des responsabilités civiques, au fait que dans tout choix réside d’abord une renonciation. Il nous parle aussi de renoncer à un rêve, celui d’un monde qui avancerait vers la démocratie, la réconciliation des peuples, l’échange culturel. Ce rêve que nourrissaient les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale est mort. C’est le contraire qui se produit. Mais la tension impose parfois des choix auxquels on aurait aimé échapper.