« Si je ne prends pas cette pilule magique tous les soirs, c’est une catastrophe ! témoigne Adeline, habitante d’Amboise de 34 ans. Mon cerveau crée de la douleur, mes jambes sont agitées et je suis incapable de m’endormir. C’est comme si mon corps diffusait quelque chose… »
Un manque « atroce » que connaît bien Monique de Parçay-Meslay, 75 ans, utilisatrice de tramadol depuis une vingtaine d’années. « Un jour, je suis parti en Corse, sans ordonnance et avec trop peu de médicaments. J’avais mal partout, j’étais exécrable… » Pendant six mois, Tony, 39 ans, originaire de Chambrais, a tenté de baisser les doses. « Chaque fois que j’avais de la fièvre, je m’évanouissais… »
Mêmes bouleversements pour Sandra, 37 ans ans : « Je restais parfois trois jours sans dormir, dans un état grippal… » François, Locois du 32 années de « tempérament calme »s’est retrouvé « comme une batterie électrique, pour bouger pour passer ce qui ne passe pas. » Il interroge : « Pourquoi personne ne m’a prévenu ? »
Un manque d’avertissement
Au départ, quatre de ces cinq Tourangeaux ont été victimes d’accidents de la route ou du travail, repartant avec des fractures et des douleurs intenses devenues chroniques. Les coudes de Monique étaient abîmés par les gestes répétitifs du nettoyage et de la manipulation de la vaisselle dans une cantine.
Pour tous, ces analgésiques, contenant de la codéine ou du tramadol et qui feront l’objet de prescriptions sécurisées à partir du 1est mars 2025, ont été prescrits par un médecin. S’ils en avaient besoin à ce moment-là, ils regrettent de ne pas avoir été prévenus pour la suite.
Interrogé sur ces prescriptions, un médecin généraliste de Tours dénonce “pression des laboratoires pharmaceutiques” et un « prescription hospitalière massive après une intervention chirurgicale depuis plusieurs années et qui est inquiétante. » Une prescription qui semble pourtant incontournable en cas de douleur. « Mais qui se fait sans modulation, regrette le médecin. Par exemple, on voit souvent la prescription standard « quatre comprimés par jour pendant un mois » sans qu’il soit jamais expliqué au patient qu’un analgésique se prend quand on a mal et qu’ensuite on arrête. »
« Une prescription hospitalière massive après une opération »
Au début, Monique prenait 50 mg de tramadol par jour. « Assez vite, ça ne m’a plus rien fait, j’ai dû augmenter les doses à 200 mg quotidiennement. » C’est l’arrivée d’un nouveau médecin généraliste qui lui fait prendre conscience, vingt ans plus tard, de son état de dépendance. « Depuis un an, il a réduit les doses. Je suis très fier d’être sorti de ce pétrin ! » Malgré le retour de la douleur ? « C’est moins fort parce que je ne travaille plus. »
Tony a perdu trois emplois depuis son accident il y a quinze ans. Il dit qu’il l’a fait, « une nuit à 2h10 »ouvrir “un par un ses comprimés” pour les mettre à la poubelle. “J’ai ensuite eu deux semaines et demie de fièvre, de tremblements et de vomissements.”
Malgré d’autres complications médicales graves, il a depuis pris soin de garder le tramadol à distance. «Je préfère vivre avec la douleur. Il y a encore des épisodes où je dois prendre de la morphine. Mais mon corps est habitué et même à fortes doses, je souffre. » Il s’est remis au sport. « J’ai mal, mais moralement je me sens mieux ! C’est mieux que d’avoir mal sur son canapé. »
“Je préfère souffrir”
François a suivi un protocole d’arrêt de quatre mois, Sandra un traitement de substitution de trois semaines. Après huit mois de tramadol, dit-elle maintenant « comprendre les toxicomanes ». Elle constate avec étonnement que ces substances « traîner dans de nombreux placards ».
Reste Adeline, toujours accro, sept ans plus tard. « À partir de six ans, je suis passé à un comprimé par jour. Mais le dernier résiste. » Son médecin lui a conseillé de consulter un addictologue – « mais c’est compliqué de faire tous ces kilomètres » – ou être hospitalisé. Elle hésite : « Je ne me vois pas manquer mon travail pour une pilule… » Ancienne aide-soignante, pensa-t-elle “je sais un peu” médicaments. « Je n’aurais jamais pensé que cela en arriverait là. Il faut le dire, pour que tout le monde le sache ! »
Pourquoi sécuriser les ordonnances ?
Reporté du 1er décembre 2024 au 1er décembreest Mars 2025, pour des raisons techniques, la mise en place d’une prescription sécurisée (équipée de systèmes anti-contrefaçon, avec un filigrane et un poids prédéfini) pour les prescriptions de tramadol et de codéine vise à limiter le recours aux fausses ordonnances qui représentaient, pour ces molécules, des € 73 000 de fraudes en 2023 en Indre-et-Loire. « Les ordonnances généralement utilisées par plusieurs usagers de drogues, Le Dr Julien Chauvin, président du Syndicat des Pharmaciens d’Indre-et-Loire, l’a déclaré au NR en décembre 2023. Ces produits leur permettent de survivre et d’avoir une Source de revenus en les revendant. »