Après dix-huit ans de combats acharnés, « murs de silence » sont finalement tombés. Le Père Bernard Tartu a été condamné par le tribunal pénal canonique national (TPCN) en avril 2024, peine confirmée et notifiée le 13 novembre au diocèse de Tours (Indre-et-Loire).
L’ancien chef de chœur a été reconnu coupable par l’Église d’agressions sexuelles sur neuf anciens Petits Chanteurs de Touraine, entre 1967 et 1988, alors qu’ils étaient âgés de 9 à 12 ans. “Ils sont officiellement reconnus comme victimes de l’abbé Tartu”, » a proclamé l’archevêque de Tours, vendredi 29 novembre 2024, lors de la conférence de presse organisée au diocèse. « Personne ne pourra plus nous traiter de menteurs ! “, ajoute Christophe, l’un des plaignants.
Des confessions « à demi-mots »
“Cette condamnation est une issue, je l’attendais depuis longtemps”confie Gilles. En portant plainte en 2006 contre le Père Bernard Tartu, puis en témoignant La Nouvelle République en 2021, il n’imaginait pas réveiller la mémoire de ses camarades. De nouveau réunis, les anciens choristes se sont réunis au sein du collectif Les Voix Libérations en décembre 2021, quelques semaines après le rapport de la Ciase (1).
Leurs plaintes ont finalement toutes été rejetées en raison de la prescription, mais l’enquête judiciaire a conduit le curé à admettre « une certaine quantité d’attouchements sexuels, rappelle Catherine Champrenault, présidente de France Victimes 37. Même s’il a voulu les justifier par des raisons pseudo-médicales. »
Des confessions en demi-teinte réitérées auprès de l’archevêque de Tours, en août 2022, qui envoie alors le dossier à Rome afin qu’il soit soumis à la justice canonique. “Le délai de prescription a été levé en raison de la gravité des faits, retrace Mgr Vincent Jordy. J’ai alors demandé que le procès soit intenté par le TPCN. » Le tribunal a rendu un jugement provisoire en avril 2024, exécuté et notifié le 13 novembre 2024.
Le regret de ne pas voir l’abbé « défroqué »
L’annonce de sa condamnation aurait pu susciter des regrets, des excuses ou la fin de l’ambiguïté du Père Tartu. « Malheureusement, non »confie Mgr Jordy, qui s’est rendu en personne à Blois (Loir-et-Cher) pour informer le curé tourangeau de sa condamnation.
Si l’abbé est désormais interdit d’exercer, les victimes expriment leurs regrets de ne pas le voir « revenu à la vie » et « défroqué » par l’Église. « Il n’y a pas de bracelet ecclésiastique ni de prison d’Église, rappelle Mgr Jordy. Lorsqu’un prêtre est renvoyé de l’état clérical, il se retrouve à la rue. En le gardant au sein de l’établissement, on s’assure également qu’il ne récidivera pas. »
Soutien de l’Autorité nationale des réparations
L’heure est désormais à la reconstruction pour les membres du collectif Voix Libérations, qui se transforme en association, pour mieux poursuivre ses actions de prévention et de sensibilisation. “Cette journée est le symbole de l’apaisement total, de la paix intérieure”décrit Benoît, évoquant notamment un lien de confiance désormais établi avec le diocèse. “Mais notre corps s’en souviendra toujours” se souvient Christophe.
Depuis mai 2022, ils sont accompagnés et soutenus par l’Inirr (2). « Nous contribuons à l’établissement de la véritéexplains its president Marie Derain de Vaucresson. Mais aussi à réparer, notamment dans une dimension financière. Nous avons besoin d’une évolution profonde dans l’Église pour qu’aucun enfant ne soit plus jamais une victime. »
C’est dans cette dynamique qu’une plaque commémorative sera installée en mars 2025 à l’entrée de la basilique Saint-Martin, à Tours, afin d’informer le public de la manière dont le collectif et le diocèse ont mis en lumière ces révélations. Une visite au Pape serait également prévue.
(1) Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église.
(2) Organisme national indépendant de réparation et de reconnaissance.
Une journée dédiée à Michel
Les larmes viennent vite aux yeux des anciens Petits Chanteurs de Touraine à l’évocation de son nom. Membre historique du collectif Voix Libérations, Michel est décédé le 14 novembre 2023. « Cette journée lui est dédiée, confie Christian Gueritauld, avant de s’interrompre, submergé par l’émotion. Une victime courageuse, un membre engagé, un ami cher. Il incarnait la solidarité, la persévérance et l’espoir. Jusqu’à son dernier souffle, il a contribué à notre combat commun. Son engagement restera une Source d’inspiration infinie pour tous. »