Marine Tondelier, la meilleure arme du Nouveau Front Populaire pour le second tour ? – .

« Je connais les valeurs du Rassemblement national et leurs méthodes dégueulasses, et j’ai appris trois choses : ne jamais baisser la tête, ne jamais baisser les yeux, ne jamais baisser les bras. […] Alors oui, nous allons nous battre, nous allons nous battre ensemble et nous vaincrons. Nous comptons sur vous et vous verrez que vous pouvez compter sur nous.

Place de la République, ce dimanche soir de gueule de bois pour la gauche, Marine Tondelier conclut son discours sous un torrent d’acclamations. Presque une routine désormais pour la secrétaire générale d’Europe Ecologie Les Verts (EELV). Presque toutes ses interventions ont suscité l’enthousiasme des électeurs de gauche lors de cette campagne express pour les législatives.

Manque d’incarnation à gauche

Rien que dans la séquence politique après le résultat du premier tour, la révélation politique de 2024 a multiplié les discours magistraux aux yeux de sa base. D’abord en appelant clairement sur France 2 à un front républicain, s’opposant sur ce point à Aurore Bergé (Renaissance). Puis avec ce discours place de la République, et enfin ce matin encore, au bord des larmes face au « Ni ni » de Bruno Le Maire. Colère, émotion, fermeté et convictions, de quoi s’imposer dans les médias.

Ce calendrier chargé illustre aussi le poids nouveau pris en trois semaines. Au point d’être la nouvelle figure choisie par le Nouveau Front populaire (NFP) pour débattre face à Gabriel Attal et Jordan Bardella lors du débat de l’entre-deux-tours, après Jean-Luc Mélenchon et Manuel Bompard. Nul doute que la politique a une nouvelle star : « Elle a explosé dans cette campagne, et c’est une bonne nouvelle pour la gauche à qui il manque une incarnation en dehors de Jean-Luc Mélenchon, une figure beaucoup moins consensuelle », assure Christian Delporte, historien politique qui voit aussi en Marine Tondelier une sorte de portrait inversé des Insoumis.

De l’unité et de la compétence

« Elle joue l’unité à fond, sans polémique et avec réalisme. Elle est l’une des rares à dire que la gauche n’aura de toute façon pas de majorité, alors que la France Insoumise fait encore semblant d’y croire », explique le spécialiste. Autre différence majeure pour le spécialiste : une absence totale d’ambition personnelle au profit de la cause commune. Preuve en est qu’elle a accepté de rester à Hénin-Beaumont, « où elle savait qu’elle n’avait aucune chance face à Marine Le Pen ».

Rémi Lefebvre, professeur de science politique à l’université Lille-2 et chercheur au CNRS spécialiste de la gauche, ajoute : « C’est une personnalité compétente, diplomate, posée, qui a joué un rôle très important dans le lien entre le PS et LFI. »

Les réseaux sociaux sont en feu

Sur Twitter, l’écologiste a même son fan club, avec un compte Twitter La veste verte de Marine Tondelier, comptant plus de 3 000 followers, qui partage ses meilleures interventions et punchlines. Derrière ces vidéos, dont certaines atteignent plusieurs centaines de milliers de vues, se cache Alexis, 35 ans et sympathisant d’EELV, très heureux de « voir un engouement » pour son compte depuis le début des législatives.

Il loue son idole pour un profil politique « avec de nombreux atouts sur le fond et la forme. Elle est très claire, directe et posée dans ses interventions et ça fait du bien : elle n’est ni timide ni outrancière. Enfin, et c’est peut-être le plus important : elle est la seule femme à la tête d’un parti à gauche, et elle a trouvé très vite son style personnel, loin de tout stéréotype de genre. »

« Il reste une personnalité secondaire »

La gauche a indéniablement une nouvelle tête au-dessus de la mêlée, mais est-ce suffisant pour apporter une dynamique victorieuse au second tour ? Rémi Lefebvre met un frein à May : « Elle n’est pas candidate à la présidentielle et elle reste une personnalité secondaire ». Sa plus grande force, son sens du sacrifice personnel, reste sa faiblesse. En restant à Hénin-Beaumont quitte à perdre à coup sûr, « elle n’a pas d’attaches locales, elle n’est pas députée, elle perd du poids électoral », poursuit l’expert. Preuve de ce poids plume toujours hors des électeurs de gauche, Jordan Bardella et Gabriel Attal ont refusé de débattre avec elle, voulant s’attaquer à un morceau plus gros.

Sophie Jehel, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris-8, pointe une deuxième limite majeure : « Le problème, c’est la fascination des médias pour Mélenchon. La place des femmes a été écrasée ces derniers temps dans les débats télévisés, quelle que soit la compétence de Marine Tondelier. »

L’ombre pesante de Mélenchon

Le patron de la France Insoumise semble, lui, plutôt réticent à mettre son ombre écrasante de côté ou à se taire. Aujourd’hui encore, un tweet au vitriol du vieux duc désignait Manuel Bompard comme le candidat du NFP à opposer à Jordan Bardella.

La politique législative ne se prête pas au jeu de l’homme, ou de la femme, providentiel. Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et politologue, explique : « La personnalité des candidats compte bien sûr, mais l’effet, hormis pour l’élection présidentielle ou dans leur circonscription locale, est très marginal. Les votes correspondent à des logiques profondes, des ancrages sociologiques et territoriaux, des considérations idéologiques. Je ne vois donc pas Marine Tondelier comme une « game changer ».

Aussi frais et consensuel soit-il, l’écologiste n’empêchera certainement pas le Nouveau Front populaire d’une défaite annoncée et probablement inéluctable. Il n’en demeure pas moins que « c’est un acte de naissance politique fort », pour Christian Delporte. Et ça, dans le climat politique actuel, ce n’est déjà pas mal pour la gauche.

 
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